Cette nation qu’ils ne savent pas voir

Les jeunes UDC du Valais romand plantent à nouveau le clou de l'affliction au coeur de la conscience confédérale. Huit années après avoir voulu imposer l'hymne "national" dans les écoles valaisannes au nom de leur "fierté d'être suisses", les JUDCVr remontent au créneau pour défendre les mythes fondateurs de la suissitude, "notre pays"; jamais tant de bonne volonté ne fut si mal employée.

Que l'on nous comprenne bien, exprimer un légitime mécontentement après cette parodie de débat critique qu'a constitué l'Infrarouge de mardi dernier - où l'embrouillamini gallo-romain d'un Laurent Flutsch qui, pour une fois, n'était pas là pour rire, le disputait à la mythologie sectaire de la féministe socialiste Maria (Roth-)Bernasconi et à la reductio ad bergierum continuelle d'une énième caisse de résonance dont le nom nous échappe à l'instant -, est plus que compréhensible, sain même. Tout ce cirque nous fatigue, cette pseudo-science, ces vérités officielles, à seule fin de décevoir le peu d'estime de soi qu'il reste à notre Confédération nous irrite, on y reconnaît trop la patte de tous les contempteurs des libertés patriotiques pour ne pas vouloir laisser leurs accusations sans réponse. De ce point de vue-là, les JUDCVr ont sans doute eu raison.

Mais un tant soit peu de logique et, surtout, de mémoire devrait leur représenter que toute cette imagerie à laquelle ils s'accrochent face aux constructions d'aujourd'hui n'est autre que la conséquence des constructions d'hier. Il ne viendrait à aucun UDC, pas même dans 700 ans, l'idée de considérer l'Union européenne comme le pays des Français, des Belges ou des Anglais. Tell, Winkelried ou Bubenberg ne se sont pas battus pour la Suisse mais pour leur liberté propre et celle de leurs alliés. La patrie suisse que fantasment nos jeunes amis n'est que le décor planté dans les programmes scolaires par les vainqueurs du Sondrebond. Dufour voulait gagner la paix, il l'a fait en bricolant une histoire, un mythe - certes brave, fort et courageux -, mais un mythe tout de même, celui voulant que les premiers Waldstaetten se soient battus pour l'idée de la grande nation suisse, radicale, réunifiée. Or, il n'en est rien, sur la prairie du Grütli, la seule promesse qui retentit fut celle de se débarrasser des pouvoirs étrangers, non pour bâtir un empire commun, mais pour être libre de régner chez soi. La plus pure et la plus stricte expression de la liberté individuelle. Expression rappelée par saint Nicolas de Flüe au Convenant de Stans, pas de guerre, pas de conquête, libre chez soi, c'est tout.

Cette aspiration à la liberté a été cassée, à la suite de la plus grande hécatombe d'Etats indépendants européens que furent les guerres napoléoniennes, par les héritiers des révolutions hégémoniques du XIXe siècle. Depuis, la souveraineté cantonale, qui est l'essence même de cette volonté de liberté à l'origine de notre Confédération, se réduit chaque année comme peau de chagrin et n'est plus que l'ombre d'elle-même. Nous n'avons pas voulu de l'Union européenne pour ne pas finir en canton de l'Europe et voilà que nous célébrons avec force pétards et feux d'artifices la joie d'être devenu le département d'un conglomérat administratif qui n'a plus de fédéral que le nom.

La Suisse n'est pas un pays, elle n'est pas une nation, elle est la confédération, l'alliance, d'Etats libres et indépendants; en aucun cas ne saurait-elle revêtir la qualité de patrie. Nous l'aimons, bien sûr, parce que nous aimons nos alliés confédérés et surtout parce que nous aimons notre vraie patrie, notre pays, un Etat libre qui, avec 25 autres, a donnée naissance à cette alliance, et qu'on appelle, à tort, canton. Comment prétendre défendre cette Suisse si l'on ignore tout de ce qui la compose ? Dans deux jours, c'est le 538ème anniversaire de la bataille de la Planta, la fête nationale valaisanne, les cloches de la cathédrale sonnent encore à toute volée à l'Angélus de midi. Le mythe est intact, on y trouve tout, des ennemis en surnombre écumant de rage, une résistance désespérée, même une apparition de la Vierge sur les remparts pour rendre du courage aux Valaisans et, enfin, in extremis, Berne et Soleure dévalant le Sanetsch pour sauver la mise à leurs alliés et disperser leurs ennemis. Sempach, Morgarten, Grandson ou Morat n'ont qu'à bien se tenir, la Planta n'a rien à leur envier. Gageons que les JUDC, jusqu'à ce jour, n'en savaient rien.

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