Le Tessin sans voile et le chantage à l’islamophobie

Uli Windisch
Rédacteur en chef

La votation populaire du Tessin sur l’interdiction de se dissimuler le visage dans les lieux publics a fait apparaître une nouvelle fois le fameux fossé entre population, élites et médias. Il n’y pas de score plus net : 65,4%, même si certains médias ne relevaient que 58%, encore le lundi matin (ou quand on prend ses désirs pour la réalité).
Pour notre part, nous posons la question suivante : avec leur vote, les ghiringhellistes tessinois ne contribuent-ils pas à tenter de combler quelque peu les différents fossés que nos bien-pensants continuent de creuser par leur arrogance et leur aveuglement ?

 

La votation populaire du Tessin sur l’interdiction de se dissimuler le visage dans les lieux publics a fait apparaître une nouvelle fois le fameux fossé entre  population, élites et médias. Il n’y pas de score plus net : 65,4%, même si certains médias ne relevaient que 58%, encore le lundi matin (ou quand on prend ses désirs pour la réalité).

Peu après la communication des résultats, un célèbre avocat court s’exprimer dans les médias, à la radio romande. Il s’attendait sûrement à être interviewé car « notre radio », lorsque les forces politiques que les médias n’aiment pas gagnent, interroge, par réflexe, un perdant qui vient relativiser un succès ou carrément envisager, voire prévoir son invalidation par des instances supérieures. Avec quels arguments : cette interdiction serait contraire aux droits fondamentaux  et à la liberté religieuse. Et, le résultat de cette votation doit encore être approuvé par le Parlement fédéral. Ce dernier argument sonne comme un avertissement : vous allez voir ce que vous allez voir, cette votation sera invalidée et si tel ne devait pas être le cas, il sera toujours possible de faire recours au Tribunal fédéral, et si cela ne suffit pas non plus, il sera possible de chercher de l’aide à l’étranger, à la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg). Le peuple et la démocratie ? On s’en tamponne ?

Quand le peuple ne vote pas « comme il faut », sous-entendu comme le veulent  les bien-pensants, on passe comme chat sur braise sur ce que le peuple considère comme un pouvoir suprême, le sien. Quand le peuple ne vote pas bien, il faut changer ce peuple, disait l’autre, en rigolant ou non. Ou, moins fatiguant : ne pas en tenir compte.

Premier argument des « invalideurs » impatients : il en irait de la liberté religieuse, garantie par la Constitution fédérale. Sans être juriste ni spécialiste de l’islam, personne ne prétend que le voilement du visage est un élément constitutif de l’islam. En plus, ce n’est que récemment que le voile s’est répandu massivement ( souvenons-nous des images  fortes de l’époque où dans l’Egypte de Nasser le voile était très peu porté et dont Nasser lui-même se moquait comme personne ne le fait aujourd’hui). Il est vrai qu’il existe des idiots utiles et des naïfs dans tous les domaines.

Si l’argument de la liberté religieuse ne suffit pas, on trouvera toujours un anthropologue multiculturaliste qui viendra  nous dire que la subjectivité humaine nous fait ressentir une néo-colonisation interne qui n’existe pas et que ce sentiment d’envahissement est parfaitement imaginaire ( dans cette vision du monde, ou désir lui aussi subjectif, certains vont même jusqu’à proposer d’accepter dans nos pays d’immigration massive et incontrôlée une justice et certaines lois tout à fait étrangères et en totale contradiction avec nos propres lois). Autoflagellation et honte de soi quand vous nous tenez !

Un média se demande, l’on pouvait s’y attendre, si ce ne sont pas les émotions qui ont envahi une grande partie du peuple tessinois. Ah ! les émotions ! Et ce peuple irrationnel ! C’est toujours ainsi quand le peuple ne vote pas comme les bien-pensants ; ce même peuple devient pourtant exemplaire quand il va dans leur sens. A ne plus rien y comprendre, ne serait-ce le fait qu’un petit monde qui a le monopole du discours public est coupé du vrai monde, concret et quotidien et bien réel de Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Une sorte de centration socio-cognitive sur soi-même doublée d’une idéologie exclusive empêche en effet de se mettre à la place des autres, des autres visions de la réalité, même lorsqu’elles sont majoritaires, ce qui en principe, en démocratie, devrait pour le moins poser problème. En bref et en d’autres termes, on retombe constamment sur le  fameux fossé. Mais où est donc l’irrationalité, la détestation de l’autre, maintenant qu’il existe aussi une altérité interne, celle de ceux qui ne « votent pas bien ».  Et si derrière le prétendu égarement du peuple et son « irrationalité congénitale » il y avait tout simplement l’attachement à notre culture et à nos valeurs, à côté de la tolérance aux autres cultures, acceptées dans le cadre de certaines limites, limites qui ne devraient pas  remettre en cause certaines de nos valeurs les plus fondamentales de nos sociétés et de notre civilisation, au point d’empêcher de « faire société » avec tous et de finir par créer de multiples sous-sociétés voulues par un multiculturalisme dont les conséquences catastrophiques sont de plus en plus évidentes, sauf évidemment pour les aveuglés de cette idéologie multikulti.

Le risque de cet aveuglement : voir le fossé continuer de s’approfondir jusqu’au stade ou le primat des communautés sur la société débouche sur la lutte, voire la guerre entre ces communautés. Ce qui arrive assez facilement en périodes de difficultés économiques, comme aujourd’hui dans bien des pays voisins et demain aussi chez qui… si on n’y prend garde.

Le journal Le Temps (du 23.9.2013) a néanmoins osé une voix contraire, mais il a été la chercher à l’étranger sur un site internet, Riposte laïque,  qui porte bien son nom puisqu’il reste intransigeant sur la laïcité et qui va jusqu’à remercier  les Tessinois d’avoir ouvert une voie qui pourrait conduire au grand réveil européen.

En sommes-nous au stade où l’un de nos journaux doit citer un site internet et en plus étranger pour tout de même présenter une position contraire à la massive bien-pensance ambiante ? Car ce n’est pas demain que l’on citera un site de chez nous qui fait de cette lutte contre le politiquement correct son combat depuis longtemps. Encore un effort et l’on pourra parler d’un embryon de pluralisme.

Pour notre part, nous posons la question suivante : avec leur vote, les ghiringhellistes tessinois ne contribuent-ils pas à tenter de combler quelque peu les différents fossés que nos bien-pensants continuent de creuser par leur arrogance et leur aveuglement ?

Uli Windisch, 24 septembre 2013

 

Un commentaire

  1. Posté par hausmann conrad le

    Et le soir de cette votation la Tv a donné la parole à madame Brunschwick Graff
    qui a tenté de faire le coup de l’ Islamophobie. Comme toujours la TV nous explique que finalement le peuple n’ a compris les enjeux. Quant au pays islamophobe au moyen-orient il n’est pas nécessaire de le nommer ici.

    quant

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