Suis-je de droite ou de gauche?

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Devient-on nazi lorsqu’on cesse d’être de gauche ? Telle est la question subliminale qui sous-tend le discours du député PDC Laurent Léger soupçonnant Oskar Freysinger de vouloir gazer des enfants…
La diabolisation, dernier recours des désespérés de la gauche…
Et si on se mettait à penser au lieu d’appliquer une grille de lecture abrutissante.

Passer pour un homme de droite, quelle horreur ? A gauche toute si l’on veut soigner son image ! C’est moins vrai aujourd’hui qu’hier, mais un soupçon subsiste. Les âmes troublées par cette angoissante question, s’efforcent de se montrer ancrées à gauche, à l’égalité, à la démocratie, aux droits de l’homme, même et surtout lorsqu’elles se sentent glisser à droite. De sorte qu’on se demande si celui qui clame sa dévotion au multiculturalisme ou à l’ouverture universelle n’est pas en train de sentir qu’il dérape vers des valeurs qu’il déclare honnir.

 

Mécanisme intéressant : plus on se proclame pur, à gauche, plus on semble dire qu’on ne l’est plus. C’est comme avec ces slogans produits par les agences de communication qui, avec une touchante naïveté, conseillent à leurs clients de se déclarer les meilleurs, des battants, comme l’a fait Léonard Bender avant qu’il ne soit… battu lors des dernières élections en Valais. Devant une telle déclaration, comment ne pas se dire que celui qui se déclare le meilleur ne l’est justement pas. De même, devant tous ceux qui ne cessent de se proclamer de gauche, on se demande s’ils n’ont pas cessé de l’être. Déraperaient-ils sur la belle route bien droite du socialisme ?

 

Déraper hors de ce qu’on a adoré pendant des décennies est pénible. Surtout si l’on a tenu un très sérieux discours sur les « valeurs de la gauche ». Douter de ces valeurs, s’avouer à soi-même qu’on n’est plus ce qu’on croit avoir toujours été, c’est dur, très dur. Pendant des décennies on a brandi le drapeau du bien et voilà que, un beau jour, on se met à douter que le bien soit à gauche !

 

Les exemples abondent d’individus qui ont dû faire un douloureux virage. D’autant que d’un virage de la gauche à la droite, nous avons entendu parler ! C’est un Marcel Déat ou un Jacques Doriot qui, dans les années trente, rejoignent les nazis. Voilà qui fait dresser les cheveux sur la tête ! Devient-on nazi lorsqu’on cesse d’être de gauche ? Telle est la question subliminale qui sous-tend le discours du député PDC Laurent Léger soupçonnant Oskar Freysinger de vouloir gazer des enfants parce que ce Conseiller d’Etat songe à limiter l’intégration de certains enfants dans l’école publique. La diabolisation, dernier recours des désespérés de la gauche lorsqu’ils sentent qu’ils dérapent vers la droite.

 

Doit-on alors s’attendre à un glissement général vers la droite ? Peut-être mais, avant, nous allons assister à autre chose. A l’obsolescence de plus en plus criante de la grille droite/gauche. On peut le craindre, car le monde politique et intellectuel deviendra alors chaotique. Mais on peut aussi s’en réjouir, car alors on se mettrait peut-être à penser, au lieu d’appliquer une grille de lecture abrutissante.

Jan Marejko 6 août 2013

5 commentaires

  1. Posté par Jean-François Dupont le

    Excellente analyse. Un peu dans la même veine Raymond Aron aurait dit: « N’être que de droite ou que de gauche, c’est être hémiplégique. ». Il était plutôt de droite. J’y vois une qualité qui me semble plus présente à droite qu’à gauche: la faculté de reconnaître que toute médaille a deux faces.
    Pour simplifier beaucoup, la priorité à gauche est de bien partager le gâteau, à droite c’est d’agrandir le gâteau. Les deux sont complémentaires. Mais la gauche fait parfois des propositions de partage dangereuses pour la croissance du gâteau.

  2. Posté par germon le

    Ayant toujours voté à gauche, représentée par Jaurès, Blum et les lois sociales, Mendès France pour la fin de la guerre en Indochine, la décolonisation de la Tunisie et du Maroc, j’ai vu enfin arriver un Président de la République (Mitterand) ! Oui mais tout a commencé à déraper: la stigmatisation des « riches » considérés comme des voyous, la honte à tous ceux qui ont de l’ambition, de mieux vivre sans être au crochets des contribuables (comme le font nos millions de fonctionnaires); l’étude de l’Economie, le rejet de l’assistanat perpétuel des feignants, puis enfin la lecture de livres sur Mitterand (Péan, Benhamou) me plongèrent dans l’effroi ! Quoi, ce Président de « gauche » avait demandé la francisque de Vichy ? Sa soit-disante « résistance » durant la guerre n’était que mensonge ? Cosmopolite par nature, ayant vécu et travaillé en Allemagne, j’ai vu ce pays (que je ne portais pas dans mon coeur pour des raisons évidentes) se relever, loin de toutes les idéologies creuses de la gauche française. Depuis l’échec de Lionel Jospin aux Présidentielles (comploté par ses « amis »), je fus contrainte de voter J.Chirac pour faire barrage à Le Pen. Puis je votai pour Sarkozy car il avait un vrai programme politique et économique même si certains de ses comportements agaçaient car pour moi, seul compte le redressement de la France, il fallait obliger les chômeurs professionnels à trouver un emploi, etc.. Hélas, la presse française sut manipuler adroitement l’opinion avec pour résultat la venue du pire Président que j’ai jamais connu (IV° et V° Républiques confondues) et un gouvernement incapable tant sur le plan économique que dans les Relations Internationales ou la politique intérieure. Alors oui, je ne suis PLUS DE GAUCHE. Je me suis sentie trahie. Nous avions la « Droite la plus bête du monde » maintenant cette pseudo gauche n’est qu’un ramassis de gens bardés de diplômes pratiquant la démagogie au mépris des Français républicains respectant la Constitution avec ses Droits ET ses DEVOIRS. Je ne veux plus entendre les tiers-mondistes, les alter-mondialistes, les écolos-faschos, les associations « humanitaires » qui reçoivent des millions d’euros/an mais ne cherchent qu’à vouloir nous culpabiliser, à nous obliger à nous soigner avec des génériques alors que la Ville de Paris DONNE 9 milliards d’euros pour la CMU1 & 2 et que nous sommes OBLIGES de soigner GRATUITEMENT des enfants Algériens !! C’est donc le « ras-le-bol » total. Un seul mot résume ce que des millions de Français pensent: M… !

  3. Posté par Antonio Giovanni le

    Comme l’a fait remarquer un jour dans ce qu’à Genève on désignait encore de journal, parce qu’il l’était, Etienne Bariller disait: »Lorsqu’on ne croit plus à rien, on est prêt à tout gober. » Ce bien à quoi en sont réduits les commentateurs-politiciens qui se sentent les obligés de leurs électeurs et cèdent à la facilité du commentaire indéchiffrable pour écarter tout classement idéologique précis et donc électoralement défavorable en année électorale; le melting-pot innomable, que j’appelle pot-pourri d’une pensée stérile, devrait, pense-t-on, permettre à chacun de trouver ce qu’il cherche et non ce qu’il ignore; en cela les politicards du centre sont congénitalement les meilleurs; « M. Darbellay gardez-vous à droite, gardez-vous à gôche. » … une posture qui n’a jamais promu une opinion du centre, hé! c’est comme ça !

  4. Posté par Paule Valiquer le

    Bonsoir,
    J’ai récemment traduit de l’allemand un texte assez intéressant sur l’approche des médias en rapport avec la catastrophe de Fukushima. Je vous en copie ici deux passages qui illustrent bien la non-pensée ou la pensée « tout-venant » qui règne en maître aujourd’hui, au détriment de la liberté d’opinion et de l’écoute réciproque réelle. En bref, l’esprit du troupeau et du langage politiquement correct, répandu par des médias de la gauche bobo.

    Dirk Maxeiner*
    Si vous essayez de vous lancer dans la classification des catastrophes, accidents et risques techniques ou sociétaux à l’aide de chiffres et de faits, attendez-vous à être accusé de vouloir «relativiser» ou «banaliser» les choses. Les classifications objectives sont en effet souvent indésirables, qu’elles concernent l’ESB ou la grippe aviaire, la pauvreté ou la criminalité, le génie génétique ou le nucléaire.
    Dans ce genre de situations, le maître mot est «consensus», c’est-à-dire un état apparent de complète unanimité. L’émergence d’une opinion dominante sur certaines questions tient davantage de la psychologie de groupe que des faits réels. L’expérience le démontre: lorsque les membres d’un groupe sont interrogés «devant le peuple» et que plusieurs d’entre eux se sont déjà exprimés en adoptant une certaine position, les suivants n’osent souvent pas contredire leurs prédécesseurs, même s’il s’agit d’une position absurde. Des spécialistes américains en sciences sociales nomment cet effet «informational cascade», tandis que la sondeuse d’opinion allemande Elisabeth Noelle Neumann évoque une «spirale du silence».
    Goethe, le roi des poètes allemands, avait lui aussi déjà abordé le sujet: «Lorsque l’une des parties s’avance pour conquérir la masse et remporter un triomphe tel, que ceux d’en face sont forcés de se retirer et de se tenir provisoirement cois, cette prédominance est baptisée le «Zeitgeist» ou l’air du temps et va dès lors subsister pendant un certain temps.»[trad. libre]
    *Dirk Maxeiner est un auteur libre et chroniqueur pour le quotidien «DIE WELT». Il fait partie des éditeurs du blog d’auteurs allemand à succès http://www.achgut.com.

  5. Posté par Gaétan Porcellana le

    On appelle ça « avoir les fils qui se touchent » dans son métier.

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