Le spectacle politique: La leçon Anglaise.

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

Les Britanniques, une fois encore, nous donnent une leçon. La naissance du Royal Baby fait partie du grand spectacle monarchique, coups de canon et dignité compris, mais avec une mise en scène et des acteurs mis au goût du jour, un couple sympathique constitué d’un prince simple et d’une roturière jolie et souriante.

Bien sûr ces images trop bien adaptées à leur public et ce glissement de la politique vers la sentimentalité « people » devraient agacer les Français, et leur esprit révolutionnaire et républicain. Beaucoup doivent cependant ressentir au fond d’eux-mêmes une certaine envie.

Si on s’en tient au spectacle, celui des Windsor a une sacrée gueule. Avec honnêteté, il nous faut d’ailleurs reconnaître, que la politique française, toute républicaine qu’elle soit, c’est aussi un spectacle. Il n’a toutefois pas la même qualité. Le couple royal ou ceux qui pourraient lui succéder est une sorte de modèle de toutes les familles du Royaume. Il se doit d’être exemplaire. Lorsqu’une crise l’atteint, cela devient un drame national. Son existence rassurante a peut-être facilité l’évolution juridique du mariage dans des monarchies où l’on pense sans doute que des cas exceptionnels n’entament en rien l’institution.

En France, la remise en cause de l’institution matrimoniale donne le sentiment que tout s’écroule parce qu’aucune digue même symbolique ne s’y oppose. Le spectacle des couples présidentiels français, qui n’ont d’ailleurs aucune légitimité politique, est affligeant entre la bigamie de l’un, la concubine de l’autre et les alternances passionnelles du troisième dont on a pu savoir – quelle joie !- qu’elles pouvaient être « sérieuses ». Du vaudeville ! Alors, on prend doucement l’habitude de comparer l’apparat à ce dont il est censé illustrer le caractère éminemment respectable. La garde républicaine autour du Président ? Manifestement, tous ne semblent pas la justifier… sur le plan esthétique, s’entend… Quant à l’ouverture des séances de l’Assemblée, avec roulement de tambours et arrivée du Président entre deux haies de gardes républicains afin d’assister ensuite à une séance de questions au gouvernement dont le niveau est parfois celui d’une cour de récréation, cela appartient au tourisme plus qu’à la politique. Les questions de la majorité sont téléphonées au Ministre quand ce n’est pas lui qui les demande afin de pouvoir délivrer son message. Celles de l’opposition peuvent en revanche donner lieu à des incidents, une aubaine pour la télévision : du théâtre et parfois du cirque ! Le Parlement a pu jouer un certain rôle en cohabitation. Celle-ci étant pratiquement exclue par le quinquennat, il a retrouvé sa fonction de chambre d’enregistrement à laquelle ses membres n’échappent que par les petites phrases ou les Commissions d’enquête dont chacun a pu mesurer l’inanité dans l’affaire Cahuzac. L’opposition n’a pu tenter d’intéresser le public au feuilleton qu’en partant en claquant la porte : sortie théâtrale !

On en arrive donc à ce paradoxe que le spectacle politique peut-être efficace à condition d’être de qualité. Face aux nazis, le Roi d’Angleterre, la Reine des Pays-Bas règnent et ne gouvernent pas, mais ils incarnent à travers leur résistance la continuité nationale. L’exploit du Général De Gaulle d’avoir restauré une légitimité pour laquelle il n’avait aucun titre n’a pu masquer un flottement institutionnel dont la France porte encore la trace. Le Général voulait un Président qui fût à la fois le garant de la poursuite des grandes politiques nationales et l’incarnation de la Nation. Un Président dont la candidature est déterminée par une formation politique, qui est élu par une faible avance en voix en même temps, pratiquement, qu’une majorité parlementaire pour cinq ans n’est rien de tel ! C’est l’homme d’un parti. Pour peu que ses décisions soient chargées d’idéologie, il génère un climat de guerre civile larvée qui est préjudiciable à la confiance et donc à la marche du pays. Un chef d’Etat sans pouvoir, réduit à des « gestes » peut donc paradoxalement avoir sur la réalité un rôle plus déterminant que le véritable détenteur du pouvoir.

La Belgique ne tient que par son roi. Le Roi d’Espagne a su assurer la délicate transition entre le franquisme et la démocratie. Il est probable que son retrait en faveur de son héritier aurait un effet cathartique sur le pays. Sans cette efficience politique du symbole, le spectacle risque de n’être plus qu’un jeu illusoire. Afin de masquer l’absence de résultats d’une politique, les gouvernants « réels » sont, effet, amenés à se livrer à une frénésie de communications mensongères. Il n’est pas de fait divers qui n’ait suscité de tentation législative. Lorsque la loi a été votée, on a découvert quelques années plus tard qu’elle n’était pas ou peu  appliquée ou que ses résultats étaient faibles. La politique « sécuritaire » de Sarkozy est un bon exemple. Le chômage monte. Le Président Hollande sort de son chapeau le lapin des emplois non pourvus et la colombe de 100 000 formations pour les pourvoir. Malheureusement, ils sont moins nombreux et n’ont guère besoin de formation, disent les professions concernées. Illusion !

Il n’y a pas de politique sans spectacle car la psychologie collective le réclame. De sa qualité symbolique dépend son poids sur le réel ou il risque de n’être qu’opium du peuple et poudre de perlimpinpin. C’est la leçon anglaise !

Christian Vanneste

 

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