L’homophobie est à la mode

André Duval
Enseignant,  Ex- président de l'ARLE

Qui donc connaît Bartholomé Tecia, ce collégien torturé et exécuté au 16ème siècle pour homosexualité?

En regardant le TJ du 10 juin 2013 à 19h30, je me suis posé une question.

Dans quelle mesure les politiciens ne saisissent-ils pas toutes les occasions pour paraître?

Prendre l'air du temps et se l'approprier, médiatiser et utiliser... rien à voir avec le devoir de mémoire.

Qui donc connaît Bartholomé Tecia, ce collégien torturé et exécuté au 16ème siècle pour homosexualité?

Pourtant, les autorités genevoises, Charles Beer en tête, ont jugé opportun de lui dédier une plaque commémorative, inaugurée hier au bord du Rhône, lieu de son exécution par noyade.

Une abomination bien entendu.

Mais, est-ce bien indiqué de la remettre au goût du jour?

Pourquoi alors ne pas apposer des plaques commémoratives pour rappel de toutes les injustices commises durant les siècles passés?

La liste serait longue, ainsi, par exemple

-une plaque commémorative sur tous les bâtiments qui, il n'y a pas si longtemps, pour d'obscures raisons, ont soi-disant hébergé les enfants retirés à leur famille...

- une plaque à toutes les frontières du canton, à l'endroit où de nombreux juifs ont été refoulés durant la 2ème guerre mondiale...

- une plaque commémorative à Belle-Idée, au nom de tous les malades mentaux qui y ont été traités comme des monstres...

- une plaque commémorative sur toutes les places publiques qui ont été la scène de bûchers pour les herboristes considérés comme des sorcières...

- une plaque commémorative en tout lieu qui a été la scène d'avortements charlatanesques car interdits par nos lois...

- de même pour tous ceux qui, pour telle ou telle raison, ont été jugés hérétiques par cette église toute puissante...

- etc.

Dans le cas présent, je m'interroge... pourquoi cette plaque en commémoration d'un événement qui, comme par hasard, a trait à un sujet malheureusement brûlant mais fort d'actualité?

Je me demande pour quelle raison les autorités ont attendu aujourd'hui pour ce faire?

Pour finir, ce genre d'action ne va-t-elle pas à contre-sens de ce qu'elle est censée apporter?

N'est-il pas temps de cesser de se mêler de ce qui ne nous regarde pas et de laisser vivre chacun selon ce qu'il est sans pour cela s'évertuer, même sous allure de bon sentiment, à stigmatiser sans cesse les différences qui sont pourtant humaines?

N'est-il pas temps de leur foutre la paix?

André Duval tient aussi un blog à la Tribune de Genève

 

13 commentaires

  1. Posté par Dominique Rachex (Network GE) le

    @La Rédaction
    Quant à la mise à exécution de la sentence, aucun des historiens avec lesquels nous avons travaillé n’ont jamais émis le moindre doute et la sentence stipule clairement « Et à vous nostre lieutenant commandons de mettre nostre presente sentence à deu et entière exécution. » ce qui laisse bien malheureusement peu de place au doute, comme nous aimerions qu’il ait pu être épargné!
    quant à l’homosexualité sous l’Ancien Régime et plus particulièrement à Genève :
    • Tom Betteridge, (éd.), Sodomy in early modern Europe, Manchester University Press,
    Manchester and New York, 2002.
    • Alan Bray, Homosexuality in Renaissance England , Gay Men’s Press, 1982.
    • William Monter, « Sodomy and Heresy in early modern Switzerland in Enforcing morality in
    Early Modern Europe, Londres, 1987, pp. 41-55.
    • William Naphy, Sex crimes, From Renaissance to Enlightenment, Tempus, 2002.
    • William Naphy, « Sodomy in early modern Geneva : various definitions, diverse verdicts »
    in Tom Betteridge (éd.), Sodomy in early modern Europe, Manchester University Press,
    Manchester and New York, 2002, pp. 94-112.
    • Helmut Puff, « Nature on Trial : Acts « Against Nature » in the Law Courts of Early
    Modern Germany and Switzerland » in Lorraine Daston, Fernando Vidal, (éd.), The Moral
    Authority of Nature, Chicago, 2004.
    16 14

    [La Rédaction: En effet, le doute paraît difficile en l’occurrence, l’on peut toujours espérer qu’il en ait réchappé. L’on devrait trouver une trace du salaire du bourreau dans les comptes de la ville.

    On ne connaissait pas Agrippa d’Aubigné sous cet aspect-là…

    Avez-vous connaissance de la publication d’une transcription complète du cahier P.C. 1e série 1359 ?]

  2. Posté par Dominique Rachex (Network GE) le

    @Duval,
    j’avait bien compris, dès vos premiers mots, que vous êtes un homme dont l’intéligence n’est pas à mettre en doute, et que vos intentions n’étaient pas maveillantes, sans quoi je ne serais jamais rentré en matière.
    je souhaitais juste complèter les infos du JT sur cette démarche, ce dernier laissait penser à une démarche essentiellement historique c’est ce que nous avons clairement voulu éviter mais au contraire l’inscrire au présent et au futur.
    en expliquant ces points il me semblait alors amener l’évidence que les politiques étaient ce lundi matin, comme représentants de la population, à la place adéquate et opportune que nous autres attendont d’eux.
    peut être ensuite devrons nous regretter ensemble que vos propos font le terrain de personnes moins bienveillantes que vous dans leur commentaires.

    [La Rédaction: Un grand merci de vos précisions et de l’intérêt de la démarche.]

  3. Posté par Dominique Rachex (Network GE) le

    @ la Rédaction,
    Avec mes excuses j’aurais aimé corriger les fautes d’orthographe avant publication, l’idée reste intact, c’est le plus important.
    Vous pouvez très simplement zoomer les documents des AEG en utilsant le curseur 1/2/3/4 en haut de page, la qualité est remarquable.
    Je note par votre réaction que vous êtes bien plus au fait du sujet que vous ne souhaitiez le laisser paraitre. Je ne suis pas historien et je n’étais pas sur le bord du Rhône le lundi 10 juin 1566, vous emméttez des doutes qui sont les vôtres, et dont je comprends difficilement le sens.
    Vous questionnez-vous sur le fait que l’homophobie pût être à la mode en 1566 déjà?
    Je resterai pour ma part cantonné à expliquer notre démarche en 2013.
    Doit-on douter que des personnes soient discriminées, persécutées, dénoncées, torturées pour obtenir des aveux, jugées, condamnées à être emprisonnées et parfois à la peine de mort du fait de leur homosexualité ou identité de genre, en 2013 à travers le monde?
    Doit-on l’accepter, le légitimer?
    Nous avons pris le parti de nous appuyer sur notre histoire locale pour le dénoncer tout en évitant de se poser en donneur de leçon.
    A présent je crois que j’ai apporté toutes les réponses qu’il était dans ma mesure d’apporter ici pour compléter l’info du JT du 10 juin.
    Cette plaque à vocation de suciter la réflexion sur la folie de l’homophobie et les droits de l’homme pour y remédier, il me faut vous laisser tout l’espace disponible pour celle-ci.
    Personnellement je n’ai pas envie de parler de phénomène de mode.

    [La Rédaction: Notre seule question résidait dans l’existence ou non d’une seconde source pour corroborer l’exécution de la sentence.

    La page Wikipédia que vous mettez en lien mentionne la condamnation de deux femmes pour sodomie. Nous avons conscience qu’il n’est pas permis de remettre en cause le dogme de l’homophobie éternelle, mais nous nous interrogions toutefois si, dans la relative liberté de moeurs du siècle (même à Genève), la condamnation portait spécifiquement sur l’homosexualité plutôt que sur la sodomie, pour autant, bien sûr, que l’on puisse distinguer l’un et l’autre, mais nous pensons que nous pouvons.

    Je n’avais pas saisi le système de zoom, la qualité est très bonne, mille mercis.]

  4. Posté par Duval le

    @Dominique Rachex
    J’ai lu avec beaucoup d’intérêt vos comentaires ci-dessus.
    Je n’aimerais par qu’il y ait un malentendu et que vous vous mépreniez sur mes intentions. Peut-être que mon billet n’était pas assez clair. Il n’y a chez moi aucune déconsidération au contraire. J’en veux pour preuve un récent billet que j’ai posté sur mon blog dont voici le lien:
    http://etsionenparlait.blog.tdg.ch/archive/2013/05/16/ces-cons-que-je-meprise.html

  5. Posté par Dominique Rachex (Network GE) le

    @ la Rédaction,
    Bien évidemment, comme je le suggérait, le sujet mérite d’être un peu approfondit pour être mieux compris et perçu. Nous avions anticipé que c’était un enjeux important du message de cette plaque.
    L’accès à l’information est simple et large, nous avons tout mis en oeuvre pour qu’elle soit à la portée du plus grand nombre via le web, donc vous retrouver facilement BT sur Wikipédia par exemple – https://fr.wikipedia.org/wiki/Bartholom%C3%A9_Tecia – la plaque elle-même intègre un QRcode qui ouvre sur un smartphone la page dédiée sur le site de la ville de Genève, – http://www.ville-geneve.ch/bartholome-tecia – offrant une traduction en allemand, italien et anglais à l’intention des nombreux résidents et touristes étrangers de Genève ; ici, outre faire connaissance avec le sujet et nos intentions dans la démarche, vous trouver en PDF téléchargeable, le texte intégralement retranscrit de la sentence avec en fin de page un lien qui redirige sur le site des archives d’Etat de Genève, directement vers le dossier du procès qui a été numérisé à notre demande afin d’être à la disposition du grand public, pour autant seuls les initiés parviendont à le lire; ajoutons toujours sur le site de la ville, un autre PDF intitulé « contexte historique et judiciaire » rédigé par l’historienne Sonia Vernhes Rappaz, spécialiste de l’époque et du sujet, qui permet de contextualisé parfaitement et de comprendre que Bartholomé était simplement victime d’une société qui condamnait l’homosexualité comme il en existe encore à travers le monde en 2013.
    Parler de Bartholomé peut toujours être sujet de polémique, comme l’homosexualité ou l’homophobie tant que notre intention n’est pas de se comprendre pour mieux vivre ensemble.
    Il serait inutile se s’intéresser à Bartholomé mort en 1566, sans avoir de la considération pour ce que vivent nos contemporains.
    Quant à la présence opportuniste des politiques je pourrais revenir sur le sujet si vous le souhaitiez, mais ils sont les représentant de l’ensemble de la population, leur place était naturellement opportune et adéquate à cette occasion, nous leur aurions reproché et certainement difficilement pardonné leur absence.
    Merci de m’avoir proposé de vous répondre

  6. Posté par Dominique Rachex (Network GE) le

    @ la Rédaction,
    L’accès à l’information n’est pas difficile, nous avons tout mis en oeuvre pour qu’elle soit à la portée du plus grand nombre via le web, donc vous retrouver facilement BT sur Wikipédia par exemple – https://fr.wikipedia.org/wiki/Bartholom%C3%A9_Tecia
    sur le site de la ville de Genève, une page dédiée (en lien avec le QRcode intégré sur la plaque) – ville-geneve.ch/bartholome-tecia – ici, outre faie connaissance avec le sujet et nos intention dans la démarche, vous trouver en PDF le texte intégralement retranscrit de la sentence avec en fin de page un lien qui redirige sur le site des archives dEtat de Genève, vers le dossier qui a été numérisé à notre demande, pour être à la disposition du grand public, pour autant seuls les initiés parviendont à le lire; ajoutons toujours sur le site de la ville, un PDF intitulé « contexte historique et judiciaire » rédigé par l’historienne Sonia Vernhes Rappaz, spécialiste de l’époque et du sujet qui permet de contextualisé parfaitement et de comprendre que Bartholomé était simplement victime d’une société qui condamnait l’homosexualité comme il en existe encore à travers le monde en 2013.
    Parler de Bartholomé peut toujours être sujet de polémique, comme l’homosexualité ou l’homophobie tant que notre intention n’est pas de se comprendre pour mieux vivre ensemble.
    Et inutile se s’intérresser à Bartholomé mort en 1566, si l’on n’a aucune considération pour ce que vivent nos contemporains;
    Quant à la présence opportuniste des politiques je pourrais revenir sur le sujet si vous le souhaitiez, mais ils sont les représentant de l’ensemble de la population, leur place était naturellement adéquate à cette occasion, nous leur aurions reproché et certainement difficilement pardonné leur absence.
    Merci de m’avoir proposé de vous répondre

    [La Rédaction: « Agrippa affirme que Bartholomé aurait « tenté de le bougrer » » C’est tout à fait intéressant et l’on peut vous remercier d’avoir collecter les sources (même si l’on ne peut pas zoomer sur le fac-similé des AEG, ce qui est fort dommage). Plus en arrière dans le temps, l’accusation de bougrerie eût pu être assimilé à une accusation d’hérésie, mais il est vrai que le quolibet correspond à l’époque. Une preuve magistrale de cette « inquisition protestante », typiquement Renaissance, dont on parle si peu.

    Une question subsiste néanmoins, dans la mesure où des femmes ont été condamnées pour sodomie elle aussi, la condamnation se motive-t-elle principalement par le rejet de l’acte en soi ou le rejet des amours masculines proprement dite ?

    Il faudrait vraiment que l’on puisse lire le texte intégral pour comprendre.

    Enfin, a-t-on une preuve objective de l’exécution de la sentence ? Comptes de bourreaux, échafaudages etc. ? La mention « en ledit jour executé » peut parfois signifier plus un ordre qu’une réalité. Plus avant dans le Moyen-âge, ces condamnations sont constamment suivies d’exécutions symboliques, bûcher en effigies, humiliations publiques, mais rarement d’exécutions définitives.]

  7. Posté par La Rédaction le

    @ Dominique Rachex: Disposez-vous des minutes du procès ? Y aurait-il moyen de les numériser, transcrire, voire traduire et diffuser sur internet ? Voilà qui ferait beaucoup pour la cause de la mémoire de Bartholomé Tecia, histoire de faire plus ample connaissance, ne pensez-vous pas ?

  8. Posté par Marie-France Oberson le

    @M.Gaberell :
    NETWORK: un lobby très influent , bien que très minoritaire ….et les élus tout esbaudis ..

  9. Posté par Roger Gaberell le

    Quant à la plaque, je recommande le communiqué de NETWORK (organisation qui a initié et payé le projet) pour en mesurer toute la portée: http://network.ch/t3/index.php?id=1&L=1

  10. Posté par Dominique Rachex (Network GE) le

    une bonne occasion de faire connaissance avec Bartholomé Tecia, justement, et peut-être de creuser un peu plus que les 2 minutes d’un journal télévisé, pour savoir de quoi parle cette plaque, et en quoi elle est importante aujourd’hui pour les personnes qui la considère comme telle, bref un peu d’ouverture, et si c’est votre souhait, donnons nous rendez-vous auprès de la plaque pour en parler!

  11. Posté par Marie-France Oberson le

    J’ai été exaspérée à la vue de ce reportage.. L’imbécilité serait-elle dorénavant l’appanage de certains de nos responsables politiques ?
    Chaque jour dévoile une raison supplémentaire à notre exaspération.
    Ainsi aujourd’hui ,je ne décolère pas depuis que j’ai lu ce matin, un article dans le journal chéri des Fribourgeois et dont le titre est « Gays »
    Extraits:
    « (…) Et la France ultracatholique vient cracher, vomir et éructer pendant des mois les insultes les plus immondes à la face des gays sous prétexte de « manifs pour tous (…) »
    L’auteur de l’article, Florence Hügi, a dû prendre les Femen pour des catho…

  12. Posté par Derek Doppler le

    Ah, et autre chose: on ne devrait jamais se permettre de juger les mœurs d’une époque disons, éloignée, avec celles (s’il en reste!?) du moment. Le faire n’est à mon avis rien d’autre que du révisionnisme.

  13. Posté par Derek Doppler le

    Simagrées et gesticulations typiques des sociétés en état de déliquescence avancée. On brasse de l’air, tout sauf se préoccuper de ce qui est réellement important et urgent. Le plus cocasse est sans doute le fait que l’on n’a encore rien vu et que malgré ce que le bon sens commun pourrait nous dicter, nous sommes toujours loin d’avoir touché le fond. Et puis bon, un élu, la seule chose qui l’intéresse, c’est d’être réélu (sur des promesses et du brassage d’air, du vent précisément), et comme visiblement la somme totale des minorités et communautés est maintenant supérieure à la somme de la majorité…

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