L’Institut Libéral: « Souveraineté et concurrence des systèmes »

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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Le 28 février 2013, l’Institut Libéral organise à Genève une conférence sur un thème quelque peu obscur de prime abord: Souveraineté et concurrence des systèmes.

Les trois intervenants sont Jean-Pierre Roth, ancien président du directoire de la Banque nationale suisse, Edouard Cuendet, secrétaire général du Groupement des banquiers privés genevois, et François Schaller, rédacteur en chef de L'AGEFI.

Le descriptif de la conférence est plus explicite:

"Cours plancher vis-à-vis de l'euro. Différends fiscaux avec l'UE et les États-Unis. Pressions réglementaires de l'OCDE instrumentalisée par le G20. La Suisse, qui dispose de l'important avantage institutionnel de sa non-appartenance à l'Union européenne tout en étant traditionnellement l'une des économies les plus ouvertes sur le monde, ne peut échapper aux bouleversements internationaux. Elle semble de moins en moins en mesure de faire appliquer son droit compétitif lorsqu'il apparaît entrer en collision avec les intérêts de grands États ou de cartels d'États. Quelles stratégies un petit pays peut-il développer à l'avenir pour préserver ses libertés et sa conception d'un État subsidiaire de proximité ?"

Dans son introduction Pierre Bessard souligne que les petits Etats et les cités-Etats sont les plus à même de fixer des limites à la centralisation, de respecter le principe de subsidiarité et d'avoir dans le même temps un grand degré d'ouverture sur le monde. Le cas de la Suisse et de Singapour, par exemple.

Jean-Pierre Roth constate qu'Adam Smith a gagné sur Karl Marx, que le capitalisme est sorti vainqueur de son affrontement avec le communisme. Le capitalisme revêt toutefois plusieurs habits: il peut être rouge, comme en Chine, social-démocrate, comme en Europe, impérialiste, comme aux Etats-Unis. Il s'agit en fait d'oppositions de mises en forme.

La crise de l'euro résulte, selon lui, de problèmes de gouvernance. Tout le monde est monté dans un même bateau sans qu'il n'y ait de pilote... L'euro a été un oreiller de paresse. C'est ainsi que l'Italie a perdu 20% de productivité par rapport à l'Allemagne depuis la création de la monnaie unique. Aussi la crise de l'euro n'est-elle pas une crise technique mais une crise des finances publiques, conséquence de la dilatation des régimes sociaux.

Dans ce contexte la Suisse a su préserver la qualité de sa monnaie en stabilisant les prix, en limitant l'inflation, même si elle a dû prendre des mesures de sauvegarde, telles que le cours plancher.

Sa stratégie doit se donner pour objectifs de:

- se maintenir au top de la qualité en matière de technologie, de recherche, de conditions cadres, de stabilité monétaire, de diversification des marchés;

- renforcer sa cohésion intérieure face aux attaques extérieures.

Edouard Cuendet expose que les attaques contre la souveraineté fiscale de la Suisse ne se font pas pour de nobles motifs, mais pour acquérir des parts de marché. La réglementation et le refus du libre-échange des services sont des moyens de parvenir à ces fins.

La FATCA, la législation américaine relative aux rapports entre l'administration fiscale, l'IRS, et les institutions financières, doit être observée par ces dernières sous peine d'exclusion du marché américain. Elle engendre des coûts prohibitifs et a une portée extra-territoriale...

La France de François Hollande remet en cause la convention successorale avec la Suisse (la taxation se fera au domicile fiscal des héritiers au lieu de celui du défunt), abolit unilatéralement les forfaits fiscaux, taxe les exilés fiscaux.

Sous prétexte de protéger les consommateurs l'Union européenne oblige les institutions financières de pays tiers à avoir un établissement dans un pays de l'UE pour pouvoir y proposer leurs services et menace de rétorsions les pays dont la fiscalité des entreprises serait trop faible (à Londres les taux sont certes élevés mais les assiettes d'imposition minuscules...).

L'OCDE a créé une organisation, le Global forum (sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales), qui détermine les conditions à remplir pour être conforme à la norme fiscale internationale. La Suisse reste bloquée à la première phase, en compagnie du Vanuatu, du Liban et des Emirats arabes unis, bien qu'elle ait conclu 40 accords de double-imposition: on lui reproche de ne pas en avoir conclu avec les grands Etats membres...tels que l'Italie hostile.

Edouard Cuendet suggère plus de fermeté. Les accords bilatéraux se sont montrés efficaces, mais il faut conclure des accords globaux et refuser le saucissonnage. A l'interne il faut faire davantage front et refuser l’auto flagellation: les Suisses seront respectés dans la mesure où ils se respecteront eux-mêmes.

François Schaller remarque qu'il n'y a jamais eu autant de démocraties sur la planète, mais que la démocratie est limitée par la Déclaration des droits de l'homme de 1945, par la solidarité, par le sauvetage de la planète...

L'unité de lieu n'est plus la nation mais le monde. L'égalité des nations est malmenée. Le Conseil fédéral et le Parlement ont fait ce qu'ils pouvaient, mais ils ont pu peu...

Pour François Schaller il faut réhabiliter l'égalité des nations en créant un forum international où des personnalités seraient invitées à débattre de cette thématique. Il est convaincu qu'un grand nombre de nations seraient intéressées, par exemple le Canada et l'Australie.

Il est préférable de porter le drapeau des petites nations plutôt que de s'obstiner à vouloir faire partie du G20 qui ne veut pas de la Suisse.

Comme les deux autres intervenants, il se désole du manque de cohésion de la Suisse, où, par exemple, la FINMA (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) désapprouve ouvertement le coussin conjoncturel préconisé par la BNS (Banque nationale suisse)...

Francis Richard

co-publication http://www.francisrichard.net

2 commentaires

  1. Posté par M. T le

    Alors comme cela , l’Institut Libéral parle de “Souveraineté et concurrence des systèmes” . Est-ce une blague ? Un oxymore ?

    « ..qu’Adam Smith a gagné sur Karl Marx, que le capitalisme est sorti vainqueur de son affrontement avec le communisme. Le capitalisme revêt toutefois plusieurs habits: il peut être rouge, comme en Chine, social-démocrate, comme en Europe, impérialiste, comme aux Etats-Unis. Il s’agit en fait d’oppositions de mises en forme. »

    Ceci est incorrect. Le communisme n’est autre qu’une forme de capitalisme étatique.
    Le capitalisme est simplement un mode de production ou il s’agit d’exploiter et de consommer des ressources. Il est impossible pour l’humain de vivre sans consommer. Le communisme produit et consomme de manière à ce que l’état grandisse plus rapidement jusqu’à un certain stage de développement étatique. C’est dans ce sens exactement comme l’imperialisme, chose inévitable pour ces chers libéraux. Il s’agit pour eux de croissance économique et non pas forcément de qualité de vie.
    La question n’est pas et n’a jamais été la leur. La question est et sera toujours comment consommer pour améliorer la vie de l’humain. Ces messieurs n’on jamais lu Karl Marx et ne se sont jamais intéressé à sa vie, comme d’ailleurs la grande majorité des gens qui parlent de lui. Cet homme a simplement cherché un moyen plus humain de distribuer les ressources. Il a aussi bien expliqué les relations productives et humaines dans un monde économique comme le notre. Cela est a retenir plus que la création d’un parti rouge qui est aujourd’hui autant gaspilleur et nuisible que les USA.
    Marx était religieux, de famille religieuse, et il a cherché à donner à David un moyen de vaincre Goliath.

    Cela dit, ces messieurs les libéraux, tout religieux qu’ils sont, deveront se rentre compte, à un certain point dans leur développement, que le libéralisme mène au pareil croisement.

    Clairement ni Marx ni eux ont vu assez loin.

    Je retiens cependant une chose, « l’unité de lieu n’est plus la nation mais le monde ». Cela est précisement pourquoi La C.H. est le model à suivre et non pas une centralisation Atlantiste, impérialiste et mondialiste.

    Toutes ces extremes sont néfastes, je vote au centre 🙂

    La mondialisation est un processus de vie et de vieillesse simultanément. Il est aussi inévitable. Tout comme l’est la production et la consommation. Le mondialisme est l’acceleration de ce processus. Les ressources naturelles et humaines ne sont pas illimitées. Tout a un début et par conséquence, une fin.

    (Pour plus de recul, je conseil la lecture de sociologues comme Immanuel Wallerstein et Giovanni Arrighi)

  2. Posté par Marcel Rubin le

    Les dernières prises de position et annonces du Conseil fédéral en matière de relations économiques et fiscales internationales – spécialement les concessions (confinant à de « l’à-plat-ventrisme ») de Madame Widmer-Schlumpf – me font honte comme citoyen suisse. Il fut des temps où la Suisse menait une politique économique internationale indépendante et… courageuse! Ce courage a fait place à un défaitisme consternant.

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