De la santé en tant que droit humain

Pierre Kunz
Pierre Kunz
Ancien député PLR, Genève
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A partir des années 1970, notre société, poussée par les progrès sidérants induits par la recherche dans tous les secteurs de la médecine a peu à peu mis la maladie hors la loi. La bonne santé est apparue comme un dû, un acquis social même. Souffrir de la grippe ou ressentir du bleu à l’âme est devenu aussi injuste qu’inacceptable.

Les primes d’assurance-maladie, perçues de manière indue, que la Confédération semble ne pas pouvoir rembourser à ceux qui les ont versées, flattent l’imagination des assurés et de leurs défenseurs. On a ainsi pu prendre connaissance récemment dans la presse de la nouvelle « trouvaille » de ceux qui en ont marre de voir croître leurs cotisations. Ils réclament tout simplement le blocage des primes.

A leur attention on rappellera que si la LaMal dysfonctionne aussi gravement c’est tout simplement parce que dans le cadre de cette loi tous les acteurs du secteur de la santé, qu’ils soient consommateurs, prescripteurs ou pourvoyeurs de prestations, ont intérêt à la surconsommation médicale. La LaMal n’offre qu’un aspect positif : les dérives que l’on constate dans les pays voisins, à savoir les trous financiers gigantesques dans les comptes de leur sécurité sociale, sont impossibles chez nous, précisément parce que chaque année les assureurs présentent aux assurés la facture de l’augmentation de leur consommation médicale. Voilà l’origine des hausses, année après année, des primes. Dans le cadre de la LaMal par conséquent, pas de blocage possible des cotisations sans mesures compensatoires dont la plus évidente est la réduction du catalogue des soins couverts par l’assurance de base. Or jusqu’à présent, au nom de « la médecine la meilleure pour tous », pratiquement personne, ni dans le monde politique ni au sein du corps médical et encore moins parmi les assurés, ne veut envisager une telle réduction.

D’où nous vient cette incapacité de nous comporter raisonnablement dans ce domaine ?

Il est probable que le mirage de ce que le philosophe Pascal Bruckner a appelé « l’euphorie perpétuelle », c’est-à-dire cette croyance apparue simultanément avec l’hédonisme et le consumérisme exacerbé selon laquelle le bonheur et la santé feraient en quelque sorte partie des droits humains, trouve ses racines dans mai 68. A partir des années 1970, notre société, poussée par les progrès sidérants induits par la recherche dans tous les secteurs de la médecine a peu à peu mis la maladie hors la loi. La bonne santé est apparue comme un dû, un acquis social même. Souffrir de la grippe ou ressentir du bleu à l’âme est devenu aussi injuste qu’inacceptable.

Pas étonnant que dans un tel contexte l’on ait assisté, sous la baguette des politiciens et grâce à la complicité intéressée de nombreux acteurs économiques et médiatiques, à la multiplication des prestations sanitaires et médicales de toutes natures et des réponses médicamenteuses. Pas étonnant non plus que d’autres acteurs, institutionnels ceux-là, à savoir le corps médical privé et le corps professoral des hôpitaux publics universitaires se soient engouffrés partout en Occident sur un marché des soins en pleine expansion et qu’ils aient ainsi contribué largement à l’accroissement massif des dépenses de santé, en Suisse tout particulièrement.

Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que les hommes et les femmes de ce début de siècle aient cessé de raisonner de manière cohérente. Comment pourraient-ils en effet comprendre les contradictions inhérentes à un système d’assurance qui dérive follement mais que le monde politique continue obstinément à soutenir parce qu’il n’a pas le courage d’en remettre en question les fondements, préférant attendre la crise qui précipitera immanquablement son effondrement ?

 

 

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