La foi, clef de l’avenir ?

Pierre Kunz
Pierre Kunz
Ancien député PLR, Genève
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Comment l’Occident déchristianisé pourrait-il ne pas ressentir de l’inquiétude en découvrant que, contrairement à ce qu’il croyait jusqu’ici, dans notre monde globalisé l’avenir n’appartient pas systématiquement aux maîtres des prouesses technologiques et aux inventeurs de l’Etat providence mais aux dépositaires de la foi…

La redistribution des cartes de l’économie mondiale et le péril qu’elle fait peser sur l’équilibre social des nations occidentales s’accompagne depuis deux décennies d’un problème à caractère religieux, marqué par la montée de l’intégrisme musulman et de ses violences. Alimenté par les flux migratoires croissants et irrésistibles en provenance de l’Afrique et du Moyen-Orient, ce phénomène démographique ne pouvait manquer d’accentuer la déstabilisation sociale des pays européens. Ceux-ci, si peu exigeants avec eux-mêmes, oublieux de la pensée libérale et humaniste qui les guidait depuis le siècle des Lumières, se sont vautrés complaisamment depuis 1950, dans une vision humanitariste de leurs rapports avec les populations pauvres de la planète. Ils les ont accueillies sans retenue suffisante dans une faiblesse nourrie par leurs sentiments de culpabilité grandissante à propos de leur comportement colonialiste.

Au sein des populations de l’Occident industrialisé le malaise à l’égard de cette évolution n’a fait que grandir. Les arguments populistes aidant, la question de « l’islamisation de l’Europe » est devenue lancinante et elle empoisonne le climat social.

Maintenant que ces minorités islamiques sont installées, avec le temps et la réflexion, il apparaît pourtant que le ressentiment exprimé ou intériorisé par nombre d’Européens à leur égard pourrait ne pas provenir véritablement des difficultés d’intégration que rencontrent ces gens, de leurs comportements inattendus ou encore de la petite criminalité dont on les accuse. Le malaise ne serait pas davantage lié aux « enseignements » aliénants de quelques meneurs intégristes, aux crimes commis par leurs frères terroristes et à la petite criminalité de leur frange la moins reluisante. Pour le monde occidental, coupé de sa spiritualité et de ses valeurs ancestrales, ce qui au fond impressionne, souvent encore confusément, est en vérité cette force morale et religieuse qui habite ces hôtes nouveaux et les rend apte à résister au désespoir qui étoufferait la plupart d’entre nous si nous devions vivre dans les mêmes conditions qu’eux.

Elle nous inquiète la certitude affichée par ces gens pauvres que l’avenir leur appartient. Par extension, il est bouleversant notre sentiment grandissant que cette force morale et religieuse fournit la vraie clé des succès que rencontrent tous les pays émergents, ceux qui prennent la place des Européens sur les marchés mondiaux et qui remettent en cause nos « acquis » et nos privilèges.

L’exemple de la Turquie est particulièrement révélateur. Ce pays connaît une progression fulgurante depuis une dizaine d’années, depuis que son régime politique, au grand dam de l’Occident bien-pensant, est dominé par le parti religieux AKP de Recep Tayyip Erdogan, depuis que celui-ci a tourné le dos à la société séculaire instaurée en 1927 au prétexte du modernisme par Kemal Ataturk. Sous la conduite de leur nouvel homme fort, les Turcs se mobilisent en vue de construire une société fondée sur les principes du conservatisme culturel, familial et religieux, avec l’ambition de s’enrichir et de jouer un rôle de leader régional voire mondial.

Or, si l’on y regarde de près, les fondements des succès ottomans sont identiques à ceux expliquant les avancées économiques et géopolitiques non moins spectaculaires de la Chine, de l’Inde, du Brésil ou de l’Indonésie. Partout, même si la volonté de s’enrichir constitue un moteur puissant, l’ancrage dans les valeurs sociétales et familiales est essentiel, la foi domine. Constat d’autant plus interpellant que, lorsqu’on analyse le passé des puissances industrialisées du Nord, on se rend compte que, plus que tout autre facteur, c’est une foi profonde qui a permis à nos pays d’accéder à l’aisance matérielle qu’ils ont acquise au cours du 20ème siècle ; foi en Dieu, en la patrie, foi en la construction d’un avenir meilleur grâce au labeur et aux sacrifices, foi dans la recherche possible du bonheur.

Comment l’Occident déchristianisé pourrait-il ne pas ressentir de l’inquiétude en découvrant que, contrairement à ce qu’il croyait jusqu’ici, dans notre monde globalisé l’avenir n’appartient pas systématiquement aux maîtres des prouesses technologiques et aux inventeurs de l’Etat providence mais aux dépositaires de la foi, cette foi qui paraît commander tous les autres facteurs du progrès ?

Pierre Kunz

 

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