La gauche et l’instruction publique

Jean Romain
Jean Romain
Ecrivain, philosophe, député PLR GC Genève

L’échec le plus grave, le plus retentissant, de notre école est d’abord et essentiellement lié à l’apprentissage de la langue française et à la lecture.

Toutes les rentrées politiques s’accompagnent de leur lot de remèdes pour juguler la catastrophe qu’est devenue l’école, en France comme en Suisse romande. Bien sûr, il n’existe pas une seule manière de bien faire les choses mais il en existe de nombreuses de les mal faire.

Le ministre français Vincent Peillon apporte à son tour un train de mesures, conseillé sans doute par l’inénarrable Philippe Meirieu, et la gauche socialisante unie une fois encore avec les écolos nous sert ses sempiternelles recettes inefficaces et idéologiques.

1. Inefficaces parce qu’on ne s’attaque pas à la cause du problème, mais en engageant des bataillons de professeurs mal formés et incultes, en consacrant une partie du temps scolaire aux devoirs « à domicile », en revoyant l’évaluation (les notes), en supprimant les redoublements, en ne prenant pas en compte les vraies raisons de l’échec scolaire, on manque l’essentiel.

Soyons clair : l’échec le plus grave, le plus retentissant, de notre école est d’abord et essentiellement lié à l’apprentissage de la langue française et à la lecture. Ce double apprentissage conditionne tout le reste. Et cette grave carence est accentuée par l’imposition de méthodes mortifères issues du cerveau de docteurs Mabuse des « sciences » de l’éducation, ces officines de gourous qui « forment » les futurs profs. Les méthodes globales ou semi-globales d’apprentissage à la lecture sont inefficaces pour la grande majorité des élèves ; le refus de considérer la grammaire (si peu sexy) et l’apprentissage de la syntaxe (si complexe) équivaut au refus de la transmission d’une langue. Cette instabilité programmée est le goutte à goutte sinistre qui détruit l’école. Comme par hasard, à Genève, on vient de choisir « Mon manuel de français » aux méthodes dévastatrices au lieu de « L’île aux mots », qui privilégie une approche plus traditionnelle. Et l’apprentissage d’une langue étrangère est rendu d’autant plus difficile qu’on ignore comment fonctionne sa propre langue.

2. Idéologiques parce que la gauche socialiste et ses sbires écolos ont encouragé le déni des problèmes. Elle s’est calfeutrée, cette gauche, dans des abris anti-réel et a culpabilisé les enseignants. Elle a décrété que la solution était de s’adapter aux élèves en suivant les baratins sur la spontanéité créatrice des chers petits et en transformant tout travail en simple jeu. « Apprendre en s’amusant », tel est son mot d’ordre parce que, bien entendu, tout effort, est de nature à supprimer le plaisir et à sélectionner les plus endurants. La gauche s’est ainsi privée du seul véritable atout de réinsertion sociale : le travail et l’effort. Elle refuse de considérer l’ampleur du fossé qui sépare les élèves provenant de milieux sociaux différents ; inévitablement, elle l’a psalmodié de manière incantatoire mais elle a prôné une école unique, sans différence de filières, sans devoirs à domicile, sans effort, sans notes, ce qui a mécaniquement avantagé ceux qui l’étaient déjà. Elle a voulu que l’école soit « un lieu de vie », étant entendu que la culture est un lieu de mort ; et cette merveilleuse école de la vie s’est ouverte au racket, à la drogue, à la violence, aux graffitis, aux pieds sur les tables, à Facebook. Alors la gauche affolée a prêché le respect de l’Autre avec un grand A, tout en affirmant que le respect de la langue, de la tenue, du savoir, des œuvres, était du dernier bourgeois ! L’idéologie pédagogiste est directement responsable de l’échec scolaire, et les instituts de formation des professeurs - où le bain pédagogo est maintenu à bonne température - sont catastrophiques.

Pour commencer à redonner un semblant de sens à cette entreprise, belle et essentielle, qu’est l’école publique, fichons la paix aux professeurs. Soumis à toutes les réformes, tant pédagogiques qu’administratives, baladés par toutes les théories du moment, les professeurs ne peuvent plus exercer leur métier. Travaillons à redéfinir simplement la mission de ces professeurs, mission oubliée par l’école, et redonnons aux enseignants la responsabilité de leur métier.

Jean Romain

2 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    On sait bien qu’à Genève, comme en France, toute réforme n’a servi jusqu’ici qu’à dissimuler l’échec de toutes les précédentes; mais à coup de millions engagés chaque fois pour peu de rendement, on est déjà parvenu, je pense, à une limite asymptotique, fait qui devrait réveiller les politiciens et les comptables de la République: peut-on encore mettre de plus en plus de ressources dans une machine qui ne fonctionne plus ? mais peu importe aux socialistes (français ou genevois) lorsqu’on vit dans une fiscalité redistributive; qui se souvient encore à Genève de la défunte FEE ? Sésame qui devait ouvrir la route d’un bonheur retrouvé à tous les délaissés de l’école bourgeoise: personne; et combien ont coûté les introductions successives et inutiles de nouveaux manuels de français, allemand, math ? et la re-formation de maîtres à ces « nouvelles méthodes » bientôt elles-mêmes abandonnées ? Et qui à Genève dirige donc le DIP ? Une officine de penseurs trônant à la FAPSE, pédagogistes interposés et tout-puissants ou un chef éclairé et au fait de ce qu’est et doit faire vraiment l’Ecole ? Comment peut-on délicieusement, efficacement enseigner une branche si on ne l’a d’abord pratiquée avec goût au cours de sa propre scolarité ? Un maître qui, étant élève, n’a jamais eu de liens affectifs forts avec l’allemand sera incapable d’insuffler le désir de l’apprendre à des profanes de dix ans; idem pour le français ou les l’anglais ou les math et je ne parle pas du suisse alémanique (domaine où il reste un grand choix entre bâlois, bernois, voire lötschenthal), nouvel hochet du DIP: mais on croit que d’avoir passé par la moulinette dé-cérébelleuse des « études pédagogiques » cela doit suffire pour enseigner tout et n’importe quoi! Erreur !

  2. Posté par Jacky Brouze le

    Bonjour,
    Tout l’édifice de l’enseignement est fragilisé par l’affligeante faiblesse de l’enseignement de la langue maternelle (notamment). Il est flagrant que la plupart de moins de trente ans (et je suis optimiste) ne savent plus écrire, comprennent parfois de travers ce qu’ils lisent, qu’ils soient d’anciens apprentis ou universitaires.
    Le fait de passer sous silence la grammaire et l’orthographe au profit de la libre expression portée aux nues (sans doute encore un droit de l’Homme) empêche la structuration de la pensée, nuit à la capacité de suivre des règles et respecter des limites et finalement provoque le grand « n’importe quoi » que l’on constate de plus en plus dans notre société.
    Je prétends qu’il ne s’agit pas là de l’effet secondaire d’un concept visant à l’épanouissement personnel, mais bien de l’effet principal et attendu par les théoriciens de l’éducation dont la coloration politique n’échappe à personne.
    Comme vous le dites très justement Monsieur Romain, fichons la paix aux professeurs, rendons leur la responsabilité et le plaisir et la noblesse de l’enseignement, et renvoyons les inventeurs de concepts fumeux à leurs études, en les dispensant surtout de nous faire part de leurs résultats.
    Bonne journée

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.