Mühleberg ou la saga des juges apprentis sorciers

Bruno Pellaud
Bruno Pellaud
Physicien
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La décision du Tribunal Administratif Fédéral (TAF) concernant la centrale nucléaire de Mühleberg représente un camouflet cinglant pour le Conseil fédéral, pour Moritz Leuenberger et en fin de compte pour Doris Leuthard

Le TAF remet en cause l’autorisation  d’exploitation illimitée accordée à Mühleberg en 2009 sous l’égide de Moritz Leuenberger, et ce faisant la séparation des pouvoirs constitutionnels et la politique énergétique du sans-nucléaire de Doris Leuthard. Le Prof. Hans-Björn Püttgen de l'École polytechnique de Lausanne parle à juste titre ce 7 mars à la radio "de crise institutionnelle grave".

En 2009, sous la houlette de Moritz Leuenberger – le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC)  – défendit cette prolongation illimitée jusqu’au Tribunal fédéral, qui lui donna raison. Ce 8 mars, dans une lettre à la radio suisse-alémanique, Moritz Leuenberger défend sa décision d’alors. Il note avec à-propos que le TAF aurait dû exiger l’arrêt immédiat de la centrale, puisque l’analyse technique faite par ses juges concluait à une sureté fragile. Affirmer que la sûreté est aujourd’hui encore garantie, mais pas après le 28 juin 2013, trahit la nature plus politique que technique de la décision du TAF.

Depuis 2009, l’Inspectorat fédéral de la sécurité nucléaire (IFSN) est l'autorité fédérale indépendante, directement  responsable envers le Conseil fédéral et non pas envers le DETEC et son Office de l'énergie (OFEN). L’Agence internationale de l’énergie atomique recommandait cette séparation depuis longtemps, dans le temps pour éviter que l’autorité de surveillance soit soumise au ministère de l’énergie du pays qui était souvent de par sa fonction promoteur industriel. Comme beaucoup d’autres, c’est là une recommandation ignorée par le Japon avec les conséquences que l’on sait. Même avant la séparation de jure, les conseillers fédéraux en charge avaient de fait toujours respecté cette indépendance,  notamment Moritz Leuenberger, un antinucléaire déclaré, mais respectueux du cadre juridique.

La décision du TAF du 1er mars 2012, superficielle et subjective

Selon le communiqué officiel, le TAF a en partie approuvé le recours de riverains de la centrale de Mühleberg. Il casse ainsi la décision du DETEC du 17 décembre 2009. La limitation de l’autorisation d’exploiter pour la centrale de Mühleberg n’est pas annulée. Elle est simplement prolongée jusqu’au 28 juin 2013. Si l’exploitant, à savoir les Forces motrices bernoises (FMB), souhaite continuer à utiliser la centrale au-delà de cette date, il doit présenter un "Concept de remise en état" détaillé avec une éventuelle demande de prolongation. Ces documents doivent être déposés auprès du DETEC.

Le TAF formule des requêtes techniques spécifiques à la centrale nucléaire de Mühleberg concernant la sécurité. De fait, stupéfaction, ces requêtes se recoupent dans leur totalité avec celles formulées précédemment par l’IFSN. Le directeur de l’IFSN, Hans Wanner,  se déclare surpris que politiciens et médias crient sur les toits que le TAF désavoue et donne une gifle à l'IFSN. Dans sa position, Hans Wanner devrait pourtant savoir que les médias bien-pensants aiment à se copier les uns  les autres à satiété, sans avoir lu en détail ces décisions juridiques écrites dans un allemand juridique pesant (l'absence de version française n'excuse que partiellement les Romands).

Mais question de simple citoyen: dans le cas de Mühleberg, comment un tribunal administratif peut-il sur des bases juridiques abstraites contester une expertise technique d’un inspectorat relevant du Conseil fédéral? La lecture du rapport du TAF est édifiante. Manifestement en se basant aveuglément sur les déclarations fallacieuses des opposants et leurs conseillers écologiques allemands. Le TAF a préféré jouer à l’apprenti sorcier en se mêlant de tout et en s'érigeant en autorité nucléaire autonome de tout.
Les tenants et les aboutissants de l'affaire

En reprenant les termes mêmes de son document, on pouvait s’attendre à ce que le TAF prenne position sur la décision du DETEC dans le but d’y découvrir des violations de nature juridique, y compris des déterminations incorrectes, incomplètes ou irraisonnables sur la nature intrinsèque du dossier, sur la base de lois, d'ordonnances et de directives administratives  - sans néanmoins entrer dans les détails techniques. Le TAF anticipe l'objection et se défend d’outrepasser ses compétences en le faisant: "On ne pourrait parler de dépassement de compétences que si le TAF exigeait une vérification approfondies des questions de sécurité et de la surveillance permanente ou encore un arrêt immédiat de l’exploitation, sans que ces questions eût été auparavant décidées par l’autorité compétente (le DETEC) ". C'est très proche de ce que le TAF ait en réalité!

Puisque les plaignants s’étaient opposés à l’octroi d’une autorisation illimitée d’exploitation par Moritz Leuenberger en 2009, c’est sur ce point que le TAF se concentre d’abord. Il concède que ce dernier pouvait/devait accorder cette autorisation sur la base de l’ancienne loi nucléaire qui était alors déterminante. Par contre, il estime que  du point de vue juridique une limitation de l’autorisation s’impose, puisqu’il existe des problèmes techniques en suspens. Le TAF en fait  se déclare juge et partie dans tout ça. Il statue ex cathedra sur des aspects purement techniques en outrepassant ses compétences intellectuelles, pour conclure que sur cette base-là le DETEC aurait dû imposer une limitation d’exploitation dans le  cadre de la nouvelle loi nucléaire entrée en vigueur en 2005.

Le TAF estime que l’OFEN aurait dû indépendamment de l’IFSN soulever la possibilité d’une limitation d’exploitation de "manière critique et indépendante", puisque "le DETEC dispose - pas pour rien - avec l’OFEN d’une autorité interne disposant de savoir-faire technique ". Une illusion naturellement, puisque l’OFEN a laissé partir à la retraite sans les remplacer les derniers Mohicans du nucléaire.

Trêve de détails. C’est au paragraphe 5.3 du document  explicatif du TAF que surgit le moment de vérité, celui du choix capital auquel se voit confronté le TAF. De deux choses l’une: "Le TAF décide dans ce cas lui-même de la substance (technique) ou, exceptionnellement, renvoie le dossier avec des instructions contraignantes au Département compétent (le DETEC). Dans le cas présent, il n’y a aucune raison de renvoyer le dossier, puisqu’une expertise supplémentaire n’est pas nécessaire pour répondre à la question juridique qui se pose ici ". C’est ubuesque (c'est-à-dire, selon Mauriac, "montrer la force qu'on n'a pas pour être obligé de s'en servir").  Et le TAF ajoute : "Les aspects de sécurité décrits ici qui restent non résolus sont cependant trop importants pour pouvoir être laissés dans les mains de l’autorité de surveillance "

S'il y a gifle du TAF, ce n’est pas tellement à l'adresse de l’IFSN, puisque les exigences techniques du TAF rejoignent celles de l'IFSN. La décision du TAF c’est d’abord une gifle à l’adresse du DETEC, de l’OFEN et des conseillers fédéraux responsables, le socialiste Moritz Leuenberger et la démocrate-chrétienne Doris Leuthard, tous deux antinucléaires déclarés, mais tous deux respectueux des compétences de l’IFSN et d’un cadre juridique cohérent.

Les néophytes au travail

Dans son analyse technique le TAF fait preuve d’un mépris sournois par le choix des mots: "… il est évident que…", "… des questions non résolues et qui l’étaient déjà du temps (de Monsieur Moritz Leuenberger)".  Il pontifie sur le vieillissement technique des installations : "La centrale de Mühleberg atteint à 40 ans la fin de son existence… " [Attention les Valaisans: avant le tant attendu retour des concessions hydrauliques et de leur pactole, le TAF condamnera sans doute leurs 80 ans d’exploitation antérieure et demandera leur abandon]. Pour le nucléaire – ne s’en remettant qu’aux déclarations des antinucléaires et des Oeko-Institute allemands à leurs services – le TAF fait preuve d’une légèreté étonnante en ignorant tout ce qui se fait ailleurs dans le monde. Il n’est certes pas évident pour des néophytes de la technique dans ce petit pays fermé qui est le nôtre de différencier entre les 30 ans de période d’amortissement financier d'une centrale, les 40 ans de garantie technique accordés par les fournisseurs d’équipement et les 50 ans d’exploitation jugée "normale" (une valeur utilisée par Doris Leuthard et le Conseil fédéral). En fait, aux États-Unis, plus de la moitié des quelque 110 centrales ont déjà obtenu une autorisation d’exploitation de 60 ans et le reste du monde en fera de même.

En plus de la technique, il y a au TAF les néophytes de l’économie. Ils estiment si élevé le coût des améliorations que le TAF souhaite lui-même imposer que seule une prolongation importante de l’autorisation d’exploitation pourrait permettre de les amortir, une prolongation que le TAF veut manifestement empêcher. Voyons un peu. La centrale de Mühleberg produit près de 3 milliards de kilowattheures par année à un coût d’environ 3 centimes le kilowattheure. Sur le marché de l’électricité, le kilowattheure se traite autour des 9 centimes. Donc, bénéfice net: 180 millions de francs par année. Le patron des FMB, Kurt Rohrbach, estime qu’une nouvelle modernisation de l’installation pourrait coûter jusqu’à 100 millions de francs. Une paille qui en vaut la chandelle comparée aux quelque deux milliards engrangés en exploitant la centrale jusqu’en 2022 - comme l'envisage le Conseil fédéral dans sa nouvelle politique énergétique.

Ignorant ici encore les réalités du monde industriel et nucléaire en particulier, le TAF s’en prend à la méthode des "petits-pas" adoptée en Suisse par les  exploitants de centrales et les instances de surveillance pour l’amélioration de la sécurité au cours des dernières décennies. Le TAF aurait souhaité, il souhaite un grand "Concept global de remise en état" qui définirait sur plusieurs décennies tous les détails de modifications techniques. Or, c’est précisément grâce à cette approche graduelle que les centrales suisses (et allemandes) sont considérées comme exceptionnellement sûres par la communauté nucléaire internationale, et c’est l’absence de cette méthode qui a conduit à l’accident de Fukushima. Au Japon, et souvent aux États-Unis, la règle a été " Une fois bien construit, pour toujours bien construit " en ignorant les risques nouveaux (comme un tsunami de 15 mètres, une agression externe ou une chute d’avion) ainsi que les techniques nouvelles survenant de temps en temps. C’est à la loi nucléaire allemande de 1957 que nous devons la règle du "Stand von Wissenschaft und Technik", c’est-à-dire une approche évolutive qui conduit à l’incorporation successive de nouvelles techniques bénéfiques et à même d’améliorer la sécurité. Ces nouveautés – présentes à Mühleberg – auraient empêché les événements de Fukushima. Le Gouvernement japonais l’a maintenant compris et va y remédier. Les visites de délégations japonaises (gouvernement, industriels et télévision) en Suisse au cours des derniers mois se sont multipliées. Ça n’intéresse pas les médias romands, mais ça aurait pu intéresser le TAF.

Au cas où les FMB décident de préparer un "Concept de remise en état", ce sera, selon le TAF, le rôle du DETEC/OFEN – en tant qu’autorité responsable - de le vérifier et par une décision pouvant faire l’objet d’un recours de statuer sur la question de savoir si la centrale de Mühleberg pourrait bénéficier d’une autorisation d’exploitation illimitée, limitée ou devrait être mise hors service.

Le TAF part du principe que l’OFEN dispose du personnel nécessaire pour procéder à une analyse technique détaillée du concept FMB. Après tout, si des juges peuvent le  faire, pourquoi pas des généralistes en énergie solaire de l'OFEN. Parce qu’il faut savoir une chose: avec une rare détermination, pendant les douze ans de son mandat, Moritz Leuenberger a systématiquement éliminé toute compétence nucléaire à l’OFEN. Il en reste un, sur le chemin de la retraite, alors que plusieurs douzaines s’affairent sur le solaire (toutes ces demandes de subventions pour panneaux chinois exigent beaucoup de travail…). Tant pis, si le nucléaire c'est 40% de la production électrique suisse, et le solaire seulement 0,1%.

Tous ces ingénieurs mécaniciens, ces spécialistes du béton qui siègent au TAF concluent donc que les dossiers techniques convaincants qui leur ont été soumis justifient une autorisation d’exploitation limitée –  seulement jusqu’au 28 juin 2013. Ni plus, ni moins. Ce faisant, le TAF outrepasse abondamment ses compétences en se substituant à l’IFSN et à l’OFEN, avant même que le concept technique exigé par l'IFSN et le TAF soient disponibles!

L’exemple de la sécurité sismique en cas de rupture du barrage du lac artificiel de Wohlen mérite mention. La centrale hydroélectrique associée à ce bassin de retenue, exploitée par les FMB, produit environ dix-sept fois moins d’électricité que la centrale de Mühleberg. Une étude de sécurité américaine citée par le TAF a conclu que le barrage avait encore une chance de survivre à un tremblement de terre d’une probabilité de 10'000 ans – et que la petite salle des machines en constituait le maillon faible. Dans ce cas, un juge-mécanicien devrait pouvoir suggérer que si renforcement il doit y avoir, c’est la salle des machines hydrauliques du lac de Wohlen qu’il faudrait renforcer, plutôt que la centrale nucléaire. Double bénéfice de cette approche pragmatique: non seulement la centrale bénéficierait ainsi d’une meilleure protection, mais encore les milliers d’habitants vivant en aval du lac seraient sauvés d’une  noyade fatale.

Les leçons politiques et institutionnelles

La réorganisation des instances juridiques de la Confédération a semble-t-il conduit à une vaste zone grise quant à la séparation des pouvoirs de l'État, avec un zèle excessif de la part des juges à empiéter sur les plates-bandes de l’exécutif et même du législatif. On admettait dans le temps qu’un tribunal administratif statuait sur la conformité juridique et administrative d’une décision officielle, si celle-ci était conforme aux lois, à la jurisprudence, aux ordonnances et aux directives internes – sans statuer sur le fond, sans se substituer à un autre pouvoir. Le tribunal administratif renvoyait simplement le dossier à l’autorité concernée avec commentaires plus ou moins contraignants. Les ingérences du pouvoir judiciaire deviennent malheureusement de plus en plus fréquentes. Il y a quelques années, le TAF cassa une décision du Conseil d’État neuchâtelois qui interdisait la construction d’éoliennes dans une zone naturelle légalement protégée. L’explication des juges: les énergies renouvelables doivent avoir priorité sur les paysages. Peut-être, mais c'est au législatif à le décider.  Avec cette logique, rien ne s’oppose plus à une éolienne au sommet du Cervin, et à cent autres dans la rade de Genève. Pourtant, les Services Industriels Genevois mettent les leurs sur les crêtes du Jura, chez les autres…

La suite des événements

Le délai imparti pour la remise d’un recours auprès du Tribunal fédéral échoit le 15 avril 2012.  Curieusement, le document du TAF désigne les FMB comme partie adverse alors que le TAF s’en prend essentiellement aux manquements du DETEC.  En fait, les FMB elles-mêmes ne sont pas mises en cause, puisqu’elles ont semble-t-il toujours respecté les injonctions de l’IFSN et du DETEC.

Ne serait-ce que pour des raisons institutionnelles relevant de la séparation des pouvoirs, on doit espérer que les FMB feront recours, alors même que c’est le service juridique du DETEC qui a combattu et négocié avec le TAF durant toute la procédure. Il faut le dire, Madame Leuthard a maintenu une ligne juridique ferme et cohérente durant toute cette période.

Aujourd’hui, c’est Doris Leuthard qui est sur la sellette. Elle va jouer sa crédibilité dans cette affaire. Quelques points de repère:

  1. Elle-même et ses services devront soutenir les FMB auprès du Tribunal fédéral faute de désavouer le rôle du DETEC durant la procédure du TAF.
  2. Le recours devra être spécifique. Rien à redire à la requête du TAF pour un "Concept globale en matière de sécurité ",  puisqu’un tel travail technique est déjà en cours entre les FMB et l’IFSN. Par ailleurs, en l’état des choses, il ne semble pas nécessaire de s’opposer par principe  à une limitation temporaire et temporelle de l’autorisation d’exploiter - pour autant que celle-ci soit fixée par les autorités compétentes, c’est-à-dire l’IFSN et le Conseil fédéral (autorité de tutelle de l’IFSN).  Par contre, il faut recourir fermement contre cette date fantaisiste et arbitraire de fin d’exploitation du 28 juin 2013.
  3. Depuis le 25 mai 2011, Doris Leuthard explique que les centrales nucléaires en exploitation satisfont aux normes de sécurité, qu’elle a confiance dans le travail de l’IFSN  et que les centrales existantes resteront en service aussi longtemps que la sécurité est assurée. Pour conserver sa crédibilité envers le pays et envers son parti, le Parti démocrate-chrétien (PDC), elle doit soutenir à fond le recours auprès du Tribunal fédéral pour défendre la nouvelle politique énergétique qu’elle défend.  Aura-t-elle le courage d’agir avec autant de détermination que son prédécesseur socialiste, Moritz Leuenberger,  l'a été en 2009? Si elle ne le fait pas, l’accord électoral tacite conclu entre le PS et le PDC – pas de nouvelles centrales, mais maintien des existantes – n’aura été pour beaucoup de politiciens PDC qu’un marché de dupes.
  4. Et en fin de compte, Doris Leuthard devra reconstruire un Office de l'énergie mieux géré, avec le personnel nécessaire et en consacrant plus d'attention à ces centrales nucléaires qui nous accompagneront encore pendant plusieurs décennies. Ne serait-ce que pour remplir le nouveau mandat d'instance de contrôle nucléaire séparée que lui octroie le Tribunal fédéral administratif. Ne serait-ce que pour ne pas être à nouveau surprise par un édicte de ce dernier.

 

 

6 commentaires

  1. Posté par Bruno Pellaud le

    Commentaires de l’auteur sur les interventions:
    François Etienne: Une logorrhée à élans techniques et philosophiques se limitant un peu trop aux généralités et clichés habituels. Prenons note et passons. Tout de même, François Etienne reconnait que la centrale a rendu des services; qu’il en prenne aussi note, elle va continuer de la faire longtemps après 2013.
    Raoul Genoud a raison, mais la place manque. Chacun son métier … du moment. Pour le reste, qu’il se rende sur son moteur de recherche préféré, il aura de quoi lire…
    Rodolphe Weibel s’en prend à ma plume. C’est un peu court. Dommage. Son opinion sur les expertises techniques en matière de béton utilisées par les tribunaux eut été intéressante, puisqu’il a créé et dirigé pendant 32 ans un bureau d’ingénieurs actif dans ce domaine.
    Jean-Paul Costantini: Je me permets de prolonger sa phrase « La politique ne fait souvent pas bon ménage avec la réalité… » par une citation extraite de la « Frankfurter Allgemeine » de hier: « L’opinion publique commence lentement à concevoir qu’au-delà de considérations éthiques, d’autres facteurs – comme la physique, la météorologie et la présence d’un réseau de transmission – jouent aussi un rôle dans la production d’électricité ». En ce qui concerne le désarmement nucléaire, qu’il sache que durant ces dernières années le Département fédéral des affaires étrangères dirigé par Micheline Calmy-Rey s’est efforcé de réitérer son importance en particulier à Genève à la Conférence du Désarmement.
    Dernières nouvelles: Les Forces Motrices Bernoises ont fait recours auprès du Tribunal fédéral; Hans Grunder, le président du Parti Bourgeois Démocratique, a lui aussi trouvé « scandaleux » la décision du TAF et deux conseillers nationaux socialistes offrent aux partis bourgeois une garantie de 50 ans d’exploitation…

  2. Posté par François Etienne le

    Cette grande discussion à coup d’experts, de contre-experts, de spécialistes, de statisticiens oublie juste un fait incontournable, à savoir que Mühleberg a fait son temps, a rendu des services, et qu’il est grand temps de mettre cette centrale à la retraite.

    Il y eût Tchernobyl, avec la justification d’un cataclysme en terre communiste. Et il y a eu Fukushima, au sein d’une nation « occidentale », très évoluée technologiquement. En 1972, lors de la construction de Gösgen, on nous affirmait que le risque nucléaire était comparable au risque presque zéro et que la probabilité de l’accident était inférieure à 1 au cours des mille ans à venir … La réalité historique fût différente. Fukushima constitue un réel cataclysme, très honteusement minimisé par un gouvernement terroriste. Ce jour, Fukushima est toujours encore une bombe à retardement avec environ 200 tonnes de « Mox » pouvant s’embraser, menaçant les trente millions d’habitants de Tokyo et capable de rendre inhabitable toute la moitié nord du Japon. Des milliards de litres d’eau de mer contaminés sont provisoirement stockés, mais les citernes débordent et la mer, le Pacifique, la Terre « s’enrichissent » de violents radio-isotopes dont la nocivité ne s’éteindra que dans cinquante siècles. Voilà la vérité nucléaire, magnifique application humaine, transformée en outil économique avec une visée unique, celle du profit maximal.

    Le temps des scénarii improbables est révolu : Mühleberg, au plan du type de réacteur, équivaut à un cinquième de Fukushima. N’imaginons plus, mais réfléchissons : un incident de niveau 5 sur 7 à Mühleberg signifierait le déplacement immédiat et permanent de 160’000 personnes. Quand bien même je sois actionnaire BKW/FMB, j’appartiens à cette population qui serait contrainte à tout quitter, ad eternam, parce que le manteau déjà fissuré du réacteur de Mühleberg aurait cédé. N’allons pas chercher la petite bête dans le tremblement de terre, ni dans la rupture du barrage du Wohlensee … Arrêtons-nous sur les déficiences matérielles de cette centrale qui a fait son temps. Le risque croît à la vitesse grand V, motif implacable pour mettre hors service Mühleberg, encore plus rapidement, par exemple en automne 2012 (douze). Lecteurs de cette chronique, imaginez le hurlement sinistre des sirènes vous ordonnant de tout quitter … Pour aller où ? Ne rêvons plus, la vieillesse des centrales nucléaires est un fait avéré.

    Ne faisons pas de Mühleberg une fixation. Considérons l’environnement européen. Dans la Vallée du Rhône française, quatorze réacteurs sont en exploitation. La France tire son énergie à raison de 75 % du nucléaire. L’isotope meurtrier ne connaît aucune frontière. Dans cent ans, dans mille ans, mais demain matin aussi, l’incident idiot, la conjonction d’incidents peuvent nous anéantir. Jamais le danger imminent du nucléaire civil n’aura été aussi grand, du fait de sa banalisation, de sa productivité sans limites.

    Passons progressivement aux énergies douces. La Terre renferme en son sein une potentialité extraordinaire. Que la recherche dirige l’Humanité vers le progrès raisonnable.

    Ni le TAF, ni Doris Leuthard, ni personne ne pourront nous guérir d’une leucémie. Le nuccléaire dépasse la politique et concerne uniquement l’Homme.

  3. Posté par Raoul Genoud le

    L’ajout d’une petite biographie de M. Pellaud n’aurait sûrement pas été superflue pour une bonne compréhension de cet article. « Consultant » ne semble pas refléter complètement son parcours.

  4. Posté par RdolpheWeibel le

    Le commentaire que vous venez de censurer était sans doute politiquement trop correct…. Peut-être pourtant aurait-il suscité parmi vos lecteurs quelques autres commentaires ? Ma question reste entière: Si vous avez lu cet article, y avez-vous compris quelque chose?
    Vous voulez un exemple?
    L’auteur de l’article écrit: « Tous ces ingénieurs mécaniciens, ces spécialistes du béton qui siègent au TAF concluent donc que les dossiers techniques convaincants qui leur ont été soumis justifient une autorisation d’exploitation limitée – seulement jusqu’au 28 juin 2013. »
    Qu’entend-il par là? Je crois comprendre qu’il veuille ironiser en avançant qu’au TAF ne siègent ni ingénieurs mécaniciens, ni spécialistes du béton?
    Bon! Donc : A ces gens qui ne siègent pas au TAF ont été soumis des dossiers.…, ça devient plus compliqué. Pourquoi reprocher au TAF des manquements de gens qui n’en font pas partie ?
    Ces dossiers sont convaincants, écrit l’auteur ; pouvez-vous cher censeur, me dire pour qui ils sont convaincants : pour lui ? pour les ingénieurs mécaniciens et spécialistes du béton ? pour le TAF ? pour vous ? En français, ça serait aux ingénieurs, mais comme ils n’existent pas, à quoi cela sert-il qu’ils soient convaincants ? Admettons que c’est toujours de l’ironie.
    Mais continuons : Ces dossiers sont convaincants pour justifier une exploitation limitée dans le temps. Qu’entend votre auteur ? il en est satisfait ? Mais alors de quoi se plaint-il ? Encore de l’ironie sans doute.
    Après cette analyse, je crois comprendre que ce que voulait exprimer l’auteur tient en ceci :
    « Au TAF ne siègent pas d’ingénieurs compétents en ces domaines. Le TAF n’avait donc pas les moyens de porter un jugement sur les dossiers techniques qui lui ont été soumis. Or la qualité de ces dossiers était telle qu’ils auraient convaincu des spécialistes. En ne disposant pas de spécialistes sur lesquels reposer son jugement, le TAF a donc commis une double faute : Il a jugé sans maîtriser la question que seule une autorisation limitée dans le temps était licite, et a fixé la date limite, fait particulièrement risible. »
    Que signifie: « C’est très proche de ce que le TAF ait en réalité! « .
    Et la grammaire : « Ce faisant, le TAF outrepasse abondamment ses compétences en se substituant à l’IFSN et à l’OFEN, avant même que le concept technique exigé par l’IFSN et le TAF soient disponibles! » Vous ferez ce que vous voudrez de mon point de vue : après tout, c’est votre affaire. Mais je regrette tout de même vivement que le soutien à l’énergie atomique soit en de si mauvaises plumes.

  5. Posté par Rodolphe Weibel le

    Quelqu’un a-t-il compris quelque chose à cet article?

  6. Posté par Jean-Paul Costantini le

    On prend conscience des dangers potentiels du nucléaire, surtout après Fukushima. On devrait être à même de produire de l’électricité plus propre, les solutions techniques existant. Si cependant les centrales actuellement en service ne sont démantelées que dans bien des années, cela laisse largement le temps à tous les accidents potentiels de nous tomber sur la tête. La politique ne fait souvent pas bon ménage avec la réalité, car il faut ménager un peu tout le monde. On ne parle pas des armes atomiques, qui sont potentiellement bien plus dangereuses que les centrales, puisque n’importe quel illuminé peut décider soudainement d’appuyer sur un bouton destiné à envoyer des missiles nucléaires à son ennemi du moment, sachant toutefois qu’il peut également en recevoir en retour, ce qui peut freiner quelque peu ses ardeurs. Qui aura le courage de proposer le démantèlement de ces machines de guerre?

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