« Prévoyance vieillesse: la nécessité d’une réforme originale et durable », Communiqué CPV

Service d’information du Centre Patronal
Publication hebdomadaire – Rédacteur responsable: P.-G. Bieri, Centre Patronal
22 novembre 2017 (N° 3165)

Prévoyance vieillesse: la nécessité d’une réforme originale et durable

Après l’échec de «Prévoyance vieillesse 2020», il est nécessaire d’élaborer un nouveau projet de réforme. Celui-ci devrait coordonner l’assainissement du premier et du deuxième pilier, tout en s’appuyant sur des idées nouvelles susceptibles de désamorcer les oppositions de la droite et de la gauche et de façonner un système de prévoyance moderne et durable.

Récupérer ce qui doit être récupéré
Les organisations économiques qui ont soutenu la réforme «Prévoyance vieillesse 2020» ne l’ont pas fait par enthousiasme, mais par conviction qu’un premier pas vers un assainissement des assurances sociales, même modeste, valait mieux que l’immobilisme auquel la Suisse est confrontée depuis vingt ans. Cette position pragmatique, comme on sait, n’a pas réussi à s’imposer et la réforme a été rejetée en votation populaire le 24 septembre dernier.
Les problèmes de la prévoyance vieillesse – déficits de l’AVS entamant son fonds de réserve, épuisement trop rapide des capitaux LPP – restent donc présents, et chacun ou presque admet qu’il faut rapidement remettre l’ouvrage sur le métier et élaborer un nouveau projet de réforme. Mais sur quelles bases? On entend dire qu’il faudrait récupérer les «éléments incontestés» du projet qui vient d’échouer… Cela ne va pas être simple, car quasiment toutes les mesures ont été contestées par l’un ou l’autre des camps en présence – et ces contestations risquent de s’amplifier si l’équilibre entre ces diverses mesures se trouve rompu.
De fait, l’aspect le plus intéressant à conserver est précisément celui que certains parlementaires voudraient abandonner: il s’agit de la coordination entre la réforme du premier pilier (AVS) et celle du deuxième (prévoyance professionnelle). La distinction entre ces deux piliers – dont on n’insistera jamais assez sur le fait qu’elle doit absolument être maintenue! – n’est pas forcément essentielle aux yeux de la population, qui s’intéresse davantage, pour ne pas dire uniquement, au revenu global qui sera touché lors de la retraite. La coordination des mesures d’assainissement AVS et LPP, expressément voulue par le conseiller fédéral Alain Berset, devait permettre un des objectifs fondamentaux de la réforme «Prévoyance vieillesse 2020», à savoir le maintien du niveau global des rentes de vieillesse. Cet objectif reste plus que jamais opportun, car c’est de lui que dépendra l’indispensable soutien populaire à toute future réforme.
S’adapter à l’évolution de la société
Pour le reste, la nécessité de concevoir un nouveau projet offre l’occasion de «remettre à plat» un certain nombre de choses. Les assurances sociales doivent s’adapter à la société actuelle, à l’évolution des habitudes de travail, à l’expansion des emplois à temps partiel, à la coexistence d’activités de plus en plus intellectuelles avec d’autres qui restent physiquement éprouvantes, ou encore à la tendance à entrer de plus en plus tard dans la vie active. «Prévoyance vieillesse 2020» ne prenait pas en compte ces éléments; pour cette raison, elle n’aurait pu être, au mieux, qu’une étape intermédiaire. Il importe maintenant de concevoir une réforme plus originale, plus substantielle et plus durable.
Le Centre Patronal, qui s’était impliqué dans la campagne en faveur de «Prévoyance vieillesse 2020», a été invité à participer à la table ronde organisée le 27 octobre 2017 à Berne par le conseiller fédéral Alain Berset. Il a saisi cette occasion pour présenter une série de propositions et d’idées qui pourraient constituer la base d’un futur projet de réforme, et qui sont présentées plus en détail dans les pages qui suivent.
Concevoir une réforme originale et durable
Ces propositions se fondent essentiellement sur la volonté de s’affranchir de la notion d’«âge légal de la retraite», qui focalise aujourd’hui tous les affrontements politiques et toutes les craintes des travailleurs. A la place, le système devrait s’appuyer sur le décompte des années de cotisations, qui apparaît d’emblée plus équitable pour tenir compte des diverses situations. Ainsi, quarante-quatre années de contributions ouvriraient le droit à une rente complète de vieillesse. Cette nouvelle approche permettrait à l’AVS de réaliser des économies qui restent à chiffrer, mais qui se révéleraient certainement non négligeables – même si, en complément, une hausse modérée de la TVA resterait nécessaire. En ce qui concerne le deuxième pilier, on n’échappera pas à une diminution du taux de conversion, qui devra être compensée par diverses mesures permettant d’augmenter le capital de retraite.
Un projet de réforme basé sur ces idées originales réussirait peut-être à dépasser les affrontements stériles entre la gauche et la droite. Mieux: il façonnerait un système de prévoyance vieillesse moderne, solide et durable. Le monde politique relèvera-t-il ce défi?
Pierre-Gabriel Bieri
Synthèse des propositions du Centre Patronal pour une nouvelle réforme de la prévoyance vieillesse

1. AVS
Il s’agirait d’abandonner toute notion d’âge de la retraite et même d’âge de référence (tel qu’il était proposé dans PV 2020) pour passer à un système fondé sur les années de cotisations. Sommairement esquissé, le nouveau modèle pourrait prendre la forme suivante.
Durée de cotisations «normale» envisagée et flexibilisation.
La durée normale de contributions serait fixée à 44 années pour ouvrir le droit à une rente complète de vieillesse. Compte tenu du début de l’obligation de cotiser dès le 1er janvier de l’année qui suit les 20 ans révolus (année des 21 ans), la durée proposée conduirait à un âge de retraite de 65 ans dans la plupart des cas.
Cependant, les assurés qui ont commencé à cotiser en exerçant une activité lucrative avant 21 ans verraient leurs années de jeunesse prises en compte pour l’ouverture du droit à une rente complète après 44 années de contributions (contrairement au droit actuel).
Pour assurer au système la flexibilité souhaitable, il faudrait ouvrir la possibilité de prendre sa retraite après 40 années de contributions au plus tôt et 48 années au plus tard. Par effet de symétrie, il est proposé d’anticiper au plus tôt de 4 ans et d’ajourner le versement de la rente après 48 ans de contributions au plus.
Echelonnement des rentes
Un moyen de traiter équitablement tous les assurés et d’inciter les personnes qui le peuvent à prolonger leur vie active serait d’intégrer le coût de l’anticipation et les suppléments résultant de l’ajournement directement à l’échelle de rentes applicable. Concrètement, la rente entière de 100% serait acquise après 44 années de contributions (44/44èmes). Elle tomberait à 90,9% pour une durée de 40 ans (40/44èmes) et passerait à 109,09% après 48 années de contributions.
Cas particuliers
Sans vouloir entrer dans tous les détails, il s’agirait de prévoir, en matière de prise en compte des années de contributions, des modalités particulières pour certaines catégories d’assurés. Par exemple, pour les étudiants, il faudrait exclure les années entre 21 et 25 ans pendant lesquelles les étudiants ne versent que la cotisation minimale. Ceci aurait pour effet de reporter l’âge de retraite «ordinaire» des personnes qui débutent leur activité lucrative à 25 ans à 69 ans, avec possibilité de retraite anticipée réduite à 65 ans. Autre exemple: les personnes mariées. La systématique actuelle de l’AVS exonère les personnes mariées qui n’exercent pas d’activité lucrative pour autant que leur conjoint verse le double de la cotisation minimale. Ces périodes doivent être prises en compte comme années de contributions. A noter que les années durant lesquelles un assuré a droit à des bonifications pour tâches éducatives ou à des bonifications pour tâches d’assistance compteraient également comme années de contributions.
Financement
Les effets financiers d’un tel système devraient bien évidemment être étudiés, mais des gains substantiels pourraient à n’en pas douter être réalisés. Pour le reste, et afin de pouvoir faire face aux gros défis démographiques auxquels notre pays est confronté, une majoration raisonnable de la TVA nous paraîtrait acceptable. Reste à déterminer le «bon» taux, le débat relatif à PV 2020 nous ayant à cet égard laissés assez sceptiques, puisqu’on est passé en quelques années de propositions prévoyant 2% de relèvement dans le projet mis en consultation à 1,5% dans le Message du Conseil fédéral, puis à 1% dans la version du Conseil des Etats, pour arriver à 0,6% dans le projet du Conseil national et dans la réforme finalement soumise au vote.
2. Deuxième pilier obligatoire
Il s’agirait pour le deuxième pilier d’assurer, probablement dans le cadre d’un même projet, une coordination appropriée avec une AVS pareillement repensée. Mais les propositions de fond de la défunte réforme restent totalement valables: baisse du taux de conversion à 6%, avec d’indispensables mesures de compensation, mais en évitant cependant tout financement croisé.
Parmi ces dernières, on peut reprendre, en les aménageant quelque peu, les mesures proposées dans la réforme rejetée le 24 septembre:
• Rééchelonnement des bonifications de vieillesse, en veillant à ce que l’augmentation des cotisations qui pourrait en résulter soit supportable tant pour l’employeur que pour le travailleur et ne défavorise pas trop les travailleurs plus âgés (cf notre proposition d’échelle ci-après).
• Diminution, voire suppression, du montant de coordination. Etablir le financement de la LPP sur la base du salaire AVS (donc supprimer ledit montant de coordination) serait certes coûteux, mais pas insupportable selon nous. Cette solution apporterait en tout cas clarté et simplification au système et surtout ne prétériterait pas les personnes exerçant une activité à temps partiel.
• Versement d’un subside à la génération dite de transition, pour laquelle les deux mesures ci-dessus ne suffiraient pas à assurer des prestations équivalentes du fait de la réduction du taux de conversion.
Pour accroître l’efficacité du système et assurer la cohérence avec la proposition fondamentale susmentionnée de se fonder sur les années de cotisations plutôt que sur un âge terme, il s’agirait de prévoir une entrée plus précoce dans le système d’épargne de la LPP, qui augmenterait in fine le capital retraite accumulé. Actuellement, l’échelle de cotisation pour l’épargne commence au 1er janvier qui suit le 24ème anniversaire et se termine le mois du 64ème/65ème anniversaire. La durée de cotisation est donc théoriquement de 40 ans (mais en réalité en moyenne de 40,5 ans). Il conviendrait d’augmenter cette durée de cotisation et de la coordonner avec l’objectif de 44 ans de l’AVS. La proposition serait donc de cotiser obligatoirement pour l’épargne à partir du 1er janvier qui suit le 20ème anniversaire.
En supprimant le montant de coordination tout en avançant l’âge d’entrée dans le processus d’épargne du deuxième pilier, on pourrait envisager, s’agissant des bonifications de vieillesse, une échelle de ce type :
Age LPP % Salaire AVS
21 – 29 7%
30 – 38 8%
39 – 47 9%
48 – 56 10%
57 – 65 11%
Alain Maillard, 22.11.2017

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