Pologne : points de vue des droites sur la Marche de l’Indépendance organisée par les nationalistes

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Réinformation.TV a interrogé pour vous plusieurs responsables politiques de la droite polonaise pour comprendre comment en Pologne les nationalistes, dont le poids électoral est très faible, parviennent à rassembler chaque 11 novembre une centaine de milliers de patriotes à leur grande Marche de l’Indépendance, et aussi pour comprendre pourquoi avoir choisi le mot d’ordre « Nous voulons Dieu ». Voici donc l’explication de Robert Bąkiewicz, coordinateur régional du mouvement nationaliste ONR et président du comité organisateur de la Marche de l’Indépendance, de Piotr Gliński, vice-premier ministre et ministre de la Culture, de Ryszard Terlecki, vice-président de la Diète et chef du groupe parlementaire du PiS à la Diète, et de Wojtek Murdzek, député membre du parti Porozumienie (Entente), un petit parti de centre-droit allié au PiS dans le cadre de la coalition parlementaire Droite unie.

Qui sont les nationalistes polonais ?

Quand on lui demande à quoi sert une opposition nationaliste à un gouvernement PiS décrit à l’étranger comme étant lui-même nationaliste, Robert Bąkiewicz répond que les conservateurs ont effectivement repris à leur compte une partie de la rhétorique de la droite nationale, mais que sa politique s’inscrit bien dans le système démocratique libéral, qu’il appelle « démolibéral » et qu’il dénonce. Du point de vue nationaliste, le gouvernement de Beata Szydło reste soumis à Bruxelles et à Washington et ne défend pas les intérêts polonais. Contrairement aux conservateurs du PiS, les nationalistes polonais sont par exemple favorables à la sortie de l’UE et de l’OTAN. En revanche, ils rejettent les amalgames qui voudraient faire d’eux des fascistes ou des nazis, et Robert Bąkiewicz évoque l’action des nationaux-démocrates, mouvement dans lequel ils puisent leur tradition, avant et surtout pendant la Deuxième guerre mondiale, quand ces nationaux-démocrates avaient été nombreux à sacrifier leur vie dans le combat contre les nazis et pour sauver des compatriotes polonais ou juifs.

Le principe qui guide leur action, c’est celui de l’ordre de la charité : j’aime (et j’aide) d’abord ma famille, puis mes voisins, puis ma commune, puis ma patrie et enfin l’Europe et le monde. Le nationalisme polonais, insiste Robert Bąkiewicz qui est un catholique traditionaliste, est un nationalisme chrétien, et ce n’est pas un nationalisme qui cherche à construire un avenir meilleur pour sa propre nation en détruisant les autres nations.

De nombreux conservateurs proches du PiS à la Marche de l’Indépendance organisée par les nationalistes

Voilà donc ce qui explique comment tant de patriotes polonais, qui n’ont pas forcément les convictions des nationalistes, peuvent se joindre à la grande Marche de l’Indépendance organisée par ces derniers. « Les gens veulent fêter dans la joie ce jour où la Pologne a récupéré son indépendance », nous a expliqué le député Wociech Murdzek, « ils veulent montrer que c’est très important de bâtir sur ce fondement la Pologne d’aujourd’hui et de demain. C’est pourquoi les gens qui viennent ne partagent pas forcément les idées des organisateurs, mais ils veulent exprimer publiquement leur attachement aux grandes valeurs et à la patrie. »

Le ministre de la Culture Piotr Gliński, qui est le numéro deux du gouvernement Szydło et que nous avons rencontré dans son ministère en compagnie d’autres médias (le site Internet Visegrád Post et la télévision TV Libertés), a lui aussi tenu à souligner que, contrairement à ce que prétendent certains médias mal intentionnés, les nationalistes polonais n’ont rien à voir avec le fascisme et que leur combat politique entre dans le cadre du débat démocratique. D’autant, a souligné le ministre, que leur vision de la nation est culturelle et non ethnique.

A quoi doit-on le succès de leur manifestation annuelle ? Pour le ministre Gliński, « En Pologne, pendant des années on n’organisait pas de manière appropriée la commémoration de l’anniversaire de notre indépendance le 11 novembre. C’est pour cela que la droite nationale s’en est chargée ».

Même son de cloche chez le vice-président de la Diète Ryszard Terlecki, qui explique ainsi le succès de la Marche de l’Indépendance des nationalistes : « Après la chute du communisme, la gauche et les libéraux ont dit “Laissons tomber l’histoire, pensons à l’avenir.” (…) Il y avait une gêne vis-à-vis de ceux qui parlaient de patriotisme et montraient leur attachement à leur patrie. Mais cela a beaucoup changé ces dernières années. (…) La Marche de l’Indépendance en est un des symptômes, mais ce n’est pas le seul ».

Racistes, les nationalistes polonais ?

L’affirmation du vice-premier ministre selon laquelle le nationalisme polonais se fondait sur des critères culturels et non raciaux a été contredite par la publication dimanche après-midi d’une interview avec un représentant d’une des organisations membres du comité responsable de la Marche de l’Indépendance. Interrogé sur la présence de quelques banderoles revendiquant une Europe « blanche » dans la manifestation, le porte-parole de Młodzież Wszechpolska (Jeunesse pan-polonaise) a affirmé que cela ne le choquait pas et que son mouvement était contre le mélange ethnique qui se produit actuellement entre continents. Rejetant toute idée de racisme, Mateusz Pławski a évoqué un concept de séparation des races pour expliquer son opposition à l’immigration de masse. L’organisation Młodzież Wszechpolska l’a toutefois limogé lundi en affirmant qu’elle n’avait pas de critères raciaux et qu’elle comptait par exemple parmi ses membres des Tatars polonais qui sont des patriotes et des nationalistes [polonais] exemplaires. Le vice-président du parti nationaliste Mouvement national (Ruch Narodowy) représenté à la Diète a rappelé que les nationalistes polonais étaient guidés par l’idée nationale polonaise et l’enseignement moral de l’Eglise, et qu’aucune doctrine raciale ne pouvait entrer dans ce cadre : « Le racisme nous est étranger, tandis que l’opposition à l’immigration nous est proche », a résumé le député Krzysztof Bosak.

Les droites polonaises ensemble pour exprimer leur patriotisme et leur foi en Dieu

Pour Robert Bąkiewicz (ONR) comme pour Piotr Gliński (PiS), et également Ryszard Terlecki (PiS) et Wojciech Murdzek (Porozumienie) que nous avons interrogés à la Diète, le mot d’ordre « Nous voulons Dieu » est tout à fait naturel en Pologne dans la mesure où c’est un pays où patriotisme et foi catholique sont étroitement liés depuis très longtemps. « Le lien entre patriotisme et foi est très fort car à l’époque communiste c’est l’Église qui défendait l’identité et la conscience nationale », nous a expliqué le vice-président de la Diète dont l’activité d’opposant au régime communiste remonte à la fin des années 1960.

Pour le ministre de la culture Piotr Gliński, « La Croix et la foi sont très importants pour le patriotisme polonais ». Puis il précise : « même si je ne veux en aucun cas exclure les patriotes qui ne sont pas croyants ». « Depuis des siècles, le patriotisme polonais, l’amour pour la patrie, passe par le lien avec l’Église, par la foi en Dieu », nous a expliqué le député de centre-droit Wojciech Murdzek, « On sacrifie sa vie pour servir autrui en pensant à Dieu mais aussi par amour pour sa patrie. C’est pourquoi ce mot d’ordre aujourd’hui, avec tout ce qui se passe en Europe dans une Europe qui oublie ses racines chrétiennes, qui veut supprimer les croix sur les statues par souci du politiquement correct, ce mot d’ordre est important bien sûr pour la Pologne, mais il montre que les autres nations doivent aussi revenir à leurs racines. »

Le dirigeant nationaliste Robert Bąkiewicz nous a lui aussi expliqué ce mot d’ordre en référence à ce qui se passe en Europe : « C’est une réaction à ce monde d’hédonisme, de corruption, de décadence morale, éthique, et aux problèmes auxquels est confrontée l’Europe : l’immigration, le meurtre des enfants dans le ventre de leur mère, l’euthanasie, l’acceptation des pervers, l’acceptation des homosexuels, l’éducation sexuelle imposée aux enfants, la sexualisation omniprésente, la consommation. (…) Dans ce contexte, le retour aux valeurs catholiques, spirituelles, à un élément spirituel dans la vie de l’homme contemporain, du Polonais, de l’Européen, est indispensable pour permettre une certaine renaissance et peut-être sauver notre civilisation latine (…). Il nous faut l’absolu, le Dieu unique en trois personnes, le Dieu de la religion catholique, car nous considérons que c’est la seule vraie religion et cette religion a construit cette civilisation (…) elle est l’essence de l’Europe d’aujourd’hui, même si l’Europe aujourd’hui ne veut pas s’en souvenir. »

Le mot d’ordre « Nous voulons Dieu » vient d’un chant religieux que le ministre de la Culture chantait dans son enfance. Un chant religieux dérivé d’un cantique français du XIXe siècle, pour une France catholique !

Olivier Bault

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