L’agriculture française se meurt, l’Union Européenne l’achève

Par Marie de Rossi, ingénieure dans le secteur agroalimentaire en France, 

Après avoir poussé à la faillite les éleveurs de porcs et producteurs de lait français il y a quelques années, Bruxelles pourrait porter un coup fatal à l’agriculture tricolore si elle continue de céder à tous les lobbies écologistes.

« J’espère que les États généraux de l’alimentation ne seront pas une grande foutaise comme la COP21. » Invité sur France Inter le 14 août dernier, le célèbre critique gastronomique et rédacteur en chef de « Marianne » Périco Légasse a eu du mal à cacher son inquiétude au sujet de la table ronde organisée par Emmanuel Macron jusqu’en novembre. Le but de cette mobilisation orchestrée par le gouvernement ? Sortir les nombreuses petites exploitations agricoles françaises de l’impasse — voire du gouffre. Et il y a urgence : si rien n’est fait, en 2018, près de 20 000 d’entre elles pourraient disparaître.
C’est que, ces dernières années, les difficultés se sont accumulées pour les agriculteurs tricolores. La France a connu successivement une crise dans le secteur porcin et une autre dans le secteur laitier. Deux événements majeurs qui ont démontré les faiblesses — et la dangerosité — d’un système à bout de souffle mais n’ont pas apporté de réformes notables.

Des crises alimentées par les décisions européennes

En février 2014, le secteur porcin français est en péril : dérégulation du marché commun, hausse du coût de l’alimentation des cochons et embargo russe sur la viande porcine européenne mettent à genoux les éleveurs français. Les exportations s’effondrent et les dettes s’accumulent pour les exploitants agricoles.
Paris avait pourtant tenté de batailler avec la grande distribution et Bruxelles, en fixant, au début de la crise, un prix d’achat de la viande de porc à 1,40 euro le kilo. Une décision censée permettre aux éleveurs de profiter d’un montant correct et de se maintenir la tête hors de l’eau. Mais les prix sur le marché ont continué de fondre, et bon nombre d’industriels refusent alors d’acheter les produits français en préférant s’approvisionner autre part, comme en Allemagne.

Pourtant, dans la tempête, certaines enseignes de grande distribution comme Leclerc et Intermarché assuraient qu’elles continueraient tout de même de se fournir au prix initial de 1,40 euro le kilo, alors que celui-ci est descendu à 1,07 euro. Un choix souverain, patriotique et solidaire que goûte modérément la Commission européenne, qui lance une enquête pour entrave à la concurrence étrangère et menace les grandes surfaces de leur infliger une amende à hauteur de 5 % de leur chiffre d’affaires. Une décision qui enfonce encore davantage les éleveurs français.

Quelques semaines plus tard éclate en France la crise du lait, provoquée là encore par une dérèglementation excessive du marché européen. Chute des prix, un taux de cessation d’activité dans les exploitations françaises qui avoisine les 10 %, des milliers de producteurs au bord de la faillite… les répercussions ne se sont pas fait attendre.
Pour Périco Légasse, tout le schéma économique de l’agroalimentaire en Europe est à revoir ; le libéralisme financier défendu par Bruxelles a inévitablement conduit les grandes entreprises à exercer de fortes activités de lobbying sur les parlementaires. Conséquences : baisse des prix, moins de réglementations, allègements des conditions de traçabilité des produits européens… Les agriculteurs français sont confrontés à une véritable concurrence déloyale qui mine leur chiffre d’affaires.

La fin du glyphosate coûterait 976 millions d’euros

Le secteur agricole pourrait ne pas être au bout de ses peines. En cause : la mesure d’interdiction du glyphosate au sein de l’UE que pourrait prendre Bruxelles d’ici quelques mois, alors qu’une pétition, lancée sous forme d’initiative citoyenne européenne (ICE), pour forcer la Commission à se pencher sur la question a recueilli le million de signatures requis en juin dernier. L’exécutif européen s’était pourtant déjà prononcé indirectement sur l’avenir du désherbant, en renouvelant sa licence en 2016, et ceci juste avant que l’Agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) précise que le glyphosate n’est pas cancérogène, comme le prétendent ses détracteurs. Une conclusion de l’EFSA partagée par quasiment l’ensemble des instituts scientifiques indépendants dans le monde.

De l’avis d’un grand nombre de spécialistes, un revirement de la part de Bruxelles serait catastrophique pour les agriculteurs européens en général, et français en particulier. D’après une étude conduite en 2012 par Envilys, société d’expertise et de conseil en agronomie et environnement, « le glyphosate est utilisé en France sur 38 % des surfaces cultivées en blé et colza, 26 % de celles cultivées en orge et 25 % de celles cultivées en tournesol. » Un « poids considérable » qui s’explique notamment « par son efficacité agronomique qui permet de lutter contre le développement des résistances et la saturation des sols », si bien qu’« il n’existe pas d’alternative technique réelle au glyphosate pour éliminer durablement les plantes vivaces ». Des substituts à ce désherbant se trouvent, mais pour un bilan écologique et économique plus lourd à supporter.

Le think thank « Fondation Concorde » a évalué l’impact que pourrait représenter l’interdiction du glyphosate et son constat est sans appel : « Le total général du coût associé à la fin du glyphosate pour les seules activités agricoles est de 976 millions d’euros », sans compter les conséquences sur l’environnement. En effet, les techniques de substitution au glyphosate pourraient être bien plus risquées que son emploi. Parmi celles-ci : le recours à des molécules plus dangereuses utilisées de manières plus intensives — car moins efficaces — et la résurgence du « labour profond », « de moins en moins pratiqué, car […] considéré comme trop préjudiciable à la fertilité des sols ». Une décision qui entrainerait par ailleurs le retour en trombe des tracteurs et, donc, des émissions de CO2 désastreuses pour la planète.

En somme, l’interdiction du glyphosate ne ferait que renchérir inutilement les coûts de production supportés par les agriculteurs, déjà soumis à un marché européen dérégulé et crisogène.

Marie de Rossi

 

6 commentaires

  1. Posté par rayer le

    Bonjour,

    je réalise un Mémoire dans le cadre de mes études sur les rapports qu’entretiennent les agriculteurs avec l’Europe et notamment la Politique agricole commune. j’aimerais ainsi avoir des informations afin de comprendre pourquoi l’UE est-elle un frein à l’agriculture française mais également des statistiques montrant le mécontentement ou des agriculteurs français. Est-il possible de vous contacter afin de vous poser quelques questions ? je vous remercie par avance.

  2. Posté par Panache l'Écureuil le

    Je connais des gens qui se disent écolos et qui mangent en plein hiver des cerises venues du Japon. Aucune conscience de la valeur locale et saisonnière d’un produit!
    Dans ce sens, la devise écologique « Penser globalement, agir localement » se ramène pour bien des « verts » à de purs mots, c’est tout. L’adéquation entre le dire et le faire est totalement absente chez eux.

  3. Posté par Aude le

    Les agriculteurs se meurent et les Baillis de l’UE se goinfrent. Grave, Non!
    Sinon un biberonné à l’alcool du matin au soir
    Profiteurs, dehors.

  4. Posté par poulbot le

    Tant que les multinationales agro-alimentaire dicteront leur loi aux agriculteurs ainsi qu’aux gouvernement, rien ne changera . La vente direct de lait par les agriculteurs a été interdite par l’état sous prétexte sanitaire pour faire plaisir aux laiteries industriels qui voyaient en cela une concurrence déloyale (LoL) ; cela permettait simplement aux agriculteurs un petit plus dans le revenue de la ferme tant le prix du lait est bas. Boire du lait sortant juste du pie d’une vache n’a jamais rendu malade quelqu’un ; mon amie qui a 75a en boit 5litres de lait fermier par semaine et ce porte comme un charme (merci a mon fromager sur paris qui arrive a en avoir) .

  5. Posté par Panache l'Écureuil le

    « le secteur porcin français est en péril »:
    à part la politique imbécile de l’UE et les sanctions contre la Russie décidées par les USA contre les intérêts des Européens, pourquoi ne pas mentionner aussi une certaine partie de la population française, à savoir les musulmans, qui ne mangent pas de porc et, par conséquent, constituent un débouché en moins?

  6. Posté par Dupond le

    Les écolos sont tout sauf des écolos …..Donnez leur le plus beau potager fertile du monde et au bout d’un an ils creveront de faim . J’ai connu un tissus rurale encore assez dense jusqu’en 1965 ou les produits récoltés sur place etaient distribués dans un rayon de 20km (marchés locaux pour les fruits et légumes ,laiteries pour 2 cantons avec collecte journaliere) . Essayez de mettre la grosse duflot a installer un pot suspendu a une vache normande a 7h du matin !! nous avons nous les gens de plus de 60balais connu le bio par obligation (vous savez cette génération dite des 30 glorieuses) L’agriculture a été industrialisée au lieu d’etre modernisée et adaptée aux petites exloitations qui rayonnaient et faisaient vivre sur tout le territoir en adoptant des circuits courts (donc moins polluants) …Les écolos de propagande ne mettent jamais les mains dans le purin et le soir quand ils se couchent ils n’ont pas de courbatures !!
    https://www.youtube.com/watch?v=-JjGbPkRXWo

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