Interview d’Hervé de Lépinau.
Hervé de Lépinau a pris la suite de Marion Maréchal-Le Pen après qu’elle s’est retirée pour quelque temps de la vie politique. Avocat à Carpentras et suppléant de la jeune députée FN, il s’est donc présenté dans la 3e circonscription du Vaucluse. Annoncé comme largement en tête, il se retrouve au soir du premier tour en deuxième position, très proche de la candidate En Marche, Brune Poirson – seulement 90 voix les séparent. La déception est grande et l’analyse sévère.
— Que pensez-vous de ces résultats du premier tour ?
— Je suis un peu étonné par la faiblesse de mobilisation de notre électorat. Par rapport au premier tour de Marion Maréchal-Le Pen, nous avons perdu dans les 3 600 voix. Cette perte de voix s’inscrit dans le phénomène Macron mais aussi dans la difficile visibilité du programme du FN. La diabolisation monétaire menée contre nous, mais aussi la volonté implacable de notre parti à vouloir sortir de l’euro, a déboussolé l’électorat, qui attendait autre chose. Nous payons le prix de la fin de campagne présidentielle du Front national. Aujourd’hui, j’appelle les abstentionnistes à venir voter pour nous.
— Vous attendiez-vous à ce score, au regard de la campagne que vous avez menée sur le terrain ?
— Non, ce n’était pas prévisible. Tout comme cette abstention record. Il y a une sorte d’engouement irrationnel pour Macron dans le pays qui est tout simplement incroyable. Regardez Richard Ferrand en Bretagne ! Malgré les casseroles qui continuent de s’accumuler et les preuves qui arrivent, il obtient un score très confortable. On parle de moralisation de la vie publique, mais comment le peut-on quand l’environnement est devenu amoral ? Nous assistons à la fin d’un cycle démocratique. Je ne peux pas prédire ce qui se passera demain, mais j’ai l’inquiétude chevillée au corps.
— Comment analysez-vous ces résultats ?
— Nous n’avons pas été capables de stabiliser notre électorat, qui est pourtant sensibilisé aux questions identitaires. Nous nous sommes laissé submerger par la problématique monétaire. Le résultat est que nous sommes partis pour avoir deux ou trois députés à l’Assemblée… Ces résultats montrent la victoire de l’égoïsme et du matérialisme. Nous avons un pays qui est moralement battu, il n’a plus de système immunitaire et est donc vulnérable à toutes les agressions.
— Comment voyez-vous le second tour ?
— Dans ma circonscription, tout est encore possible. L’écart de voix qui me sépare de la candidate En Marche est très réduit. A priori, j’ai plus de réserve de voix qu’elle, principalement parmi les abstentionnistes. J’espère que ces résultats du premier tour vont faire l’effet d’un électrochoc électoral pour le second tour. Car les abstentionnistes risquent d’avoir rapidement la gueule de bois vu ce qui se profile. Je pense qu’il va y avoir du mépris et de l’arrogance dans cette chambre bleu horizon qui se prépare, et que beaucoup vont grincer des dents.
— Vous semblez plutôt pessimiste…
— Je suis sombre, c’est vrai. Etant observateur de la vie politique, je vois comment les choses se passent. On m’annonçait un premier tour facile, avec une large avance. C’est la preuve que rien n’est jamais acquis, que l’électorat est volatil et que les problèmes de civilisation ne sont pas perçus comme tels.
— Comment voyez-vous la suite ?
— Le FN va devoir faire un travail d’inventaire, comme on dit. La leçon de ces élections est que les grands courants des 40 dernières années ont explosé, et le FN a été touché au même titre que les autres.
Propos recueillis par Anne Isabeth
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