Quand les USA, Israël, la Russie et la Chine coopèrent

Michel Garroté
Politologue, blogueur

Chine-1

   
Michel Garroté  --  Je l'avais annoncé, photos et preuves à l'appui, en 2015, sur lesobservateurs.ch : la Chine s'engage contre l'Etat Islamique. Pourquoi ? Notamment parce qu'au sein de l'Etat Islamique, en Syrie et en Irak, il y a des terroristes ouïghours, des musulmans du Xinjiang chinois, soutenus par le régime islamique turc.
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Le Xinjiang, immense territoire chinois frontalier des Etats musulmans d'Asie centrale, est le théâtre de fortes tensions entre Hans, ethnie chinoise, et Ouïghours, musulmans turcophones constituant la principale ethnie de la région. Le Xinjiang a connu ces dernières années une recrudescence de troubles meurtriers, perpétrés par des terroristes islamistes soutenus par le régime islamiste du président autocrate turc Erdogan, régime également actif en Syrie.
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Autre point important : le conflit en Syrie oblige l’Europe - ou tout au moins devrait obliger l’Europe - à se rapprocher de la Russie et de la Chine, en dépit de nos divergences. J’ajoute, même si je l’ai déjà écrit plusieurs fois, que nous devrions traiter, non pas séparément, mais dans une seule et même négociation, la question syrienne, la question iranienne et celle du Donbass.
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Etats-Unis, Israël, Russie, Syrie et Iran :
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Les Etats-Unis, la Russie et Israël sont parvenus à un consensus sur la menace posée par les forces pro-iraniennes en Syrie. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou est parvenu à une entente avec Washington et Moscou selon laquelle les forces pro-iraniennes, y compris le groupe terroriste libanais Hezbollah, constituent effectivement une menace létale, existentielle, pour l’État juif.
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Les trois pays ont convenu que les forces pro-iraniennes auraient besoin que leurs mouvements en Syrie soient restreints, menant finalement à leur expulsion du pays déchiré par la guerre. Israël mène des frappes militaires en Syrie, y compris des attaques aériennes sur des convois armés par le Hezbollah, afin de contenir la menace. Dans le même temps, la Russie retire ses forces dans les régions du sud de la Syrie, laissant le régime d’Assad prendre le pouvoir. Israël espère que la pression exercée par Washington et Moscou aidera à affaiblir les entités militaires pro-iraniennes au point où elles peuvent être entièrement retirées de la Syrie.
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La Russie et la Libye :
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Même si les sociétés de mercenariat sont interdites en Russie, elles demeurent un levier pratique pour le pouvoir, dans le cadre de la nouvelle doctrine de guerre hybride. Seule condition : disposer d’une domiciliation offshore. Baptisées Chastnye Voennie Kompaniy ou encore ChVK pour les initiés, l’une d’entre elles, OSM, dirigée par l’ancien colonel des Spetsnaz Dimitry Utkin, alias "Wagner", avait attiré l’attention des médias occidentaux l’année dernière en raison de son implication dans le conflit ukrainien et syrien, et de son extrême proximité avec les forces spéciales russes.
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Ainsi ses hommes étaient entraînés sur la base de Molkino près de Krasnodar, connue pour héberger la 10e Brigade de Spetsnaz, et placés sous les ordres de celle-ci. Un entraînement que pourraient jalouser la plupart des membres des forces spéciales occidentales, puisqu’un simple soldat pouvait tirer quotidiennement pas moins de quinze missiles antichars Kornet.
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OSM a permis au Kremlin non seulement de mener des opérations clandestines tout en niant l’implication des forces russes, mais surtout d’épargner son opinion publique traumatisée par la guerre en Tchétchénie en ne comptabilisant pas les pertes de ces mercenaires qui se battent souvent en première ligne. D’ailleurs Dimitry Utkin a participé à la réception du Kremlin consacrée aux héros de la Russie en présence de Vladimir Poutine, le 9 décembre dernier.
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Il est de plus en plus difficile d’identifier la présence de ces combattants sur les théâtres d’opérations en raison de l’attention portée aux mesures de "secops" (faux papiers, téléphones chiffrés, mimétisme vestimentaire des forces spéciales).
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Il semble qu’une autre société soit actuellement présente en Libye : enregistrée comme société de sécurité au registre du commerce des îles vierges britanniques, la société RSB, dirigée par Oleg Krinitsyn, aurait déployé plusieurs unités de déminage autour de Benghazi sur le territoire contrôlé par le maréchal Haftar. Près de 22 combattants, portant les tenues caractéristiques des forces spéciales et disposant de mini-drones de la société russe Zala, ont été photographiés le 13 mars dernier sur la base aérienne de Sidi Barrani à la frontière égypto-libyenne. Après un démenti de l’état-major russe, Oleg Krinitsyn a reconnu qu’il s’agissait de ses hommes.
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S’il semble difficile d’évaluer le nombre de mercenaires russes déployés en Libye, il pourrait s’avérer considérable puisque dans la brochure publicitaire remise au maréchal Haftar, RSB affirme disposer d’un "Book" de 2'000 anciens militaires et de nombreux contacts locaux. Avant 2011, Khamis Khadafi, en charge des forces spéciales libyennes, avait eu recours à de nombreux conseillers issus des troupes aéronavales du GRU (le service secret militaire russe) et surnommés les "Batmen" (en raison du symbole tatoué sur leur épaule). Des conseillers qui ne faisaient pas mystère de leur passé puisque certains d’entre eux avaient joué le rôle de facilitateur au profit de certains électroniciens occidentaux.
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La Chine et la Syrie :
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Assad a récemment confirmé que les services syriens et chinois travaillent ensemble pour combattre les Ouïghours. Environ 3.000 membres de la minorité musulmane de la région autonome Ouïghoure du Xinjiang ont rejoint les rangs d'Al-Qaïda et de l'Etat islamique (EI) dans la guerre en Syrie. La Chine, qui craint leur retour et ses conséquences pour la sécurité des citoyens chinois, a déjà approché Bashar Al-Assad à ce sujet pour s'assurer de leur neutralisation. Ces ressortissants chinois partis combattre en Syrie sont des Ouïghours, un peuple turcophone et musulman sunnite habitant la région autonome Ouïghoure du Xinjiang, ancien Turkestan oriental, en Chine et en Asie centrale.
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Si la Chine n'accordait auparavant peu d'importance à sa politique en Syrie, les circonstances actuelles ont changé les priorités de Pékin. "L'arrivée de dizaines de milliers de citoyens chinois combattant et vivant dans le pays accélère la nécessité de les surveiller. Et nous comprenons qu'ils préfèrent les neutraliser sur le sol syrien, afin d'empêcher leur retour sur le territoire chinois", a révélé un rapport du Mossad israélien. Pour parvenir à ses objectif, Pékin doit chercher le soutien de ceux qui sont actifs sur le terrain et avec qui il entretient de bonnes relations, c'est-à-dire la Russie, l'Iran et le régime d'Assad.
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Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois a affirmé que la Chine est prête à coopérer avec les parties concernées, dont la Syrie, pour lutter contre les activités transfrontalières des Ouïghours. De plus, la diplomatie chinoise a fait savoir que Pékin était intéressé à prendre part à la reconstruction de la Syrie dès que possible. Parallèlement, Assad a fait savoir que de nombreux experts chinois sont déjà sur place pour aider à la réhabilitation.
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Le rapport relève que les services de sécurité chinois ont fait un effort considérable pour stopper la sortie illégale des Ouïghours, et malgré le blocage de la route du Pakistan, des dizaines de milliers d'entre eux ont réussi à s'enfuir par la frontière sud, cherchant à atteindre la Turquie. En raison de leurs origines turques, la Turquie aide ceux qui veulent se rendre sur leur territoire, ce qui crée des tensions grandissantes entre Ankara et Pékin.
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Le TIP (Parti Musulman du Turkestan), à l'origine de cette fuite d'Ouïghours vers la Syrie, a partagé des vidéos de combattants en Syrie en juin 2013 et a appelé la minorité musulmane au djihad. Le TIP est une organisation séparatiste Ouïgoure qui procède principalement en dehors du territoire chinois. Au début de la guerre "civile" syrienne, la Chine avait fait un principe de ne pas se positionner en faveur d'une des parties. Une position qu'elle a reconsidérée en 2015 pour se ranger derrière le leader syrien. Les délégations chinoises, dont l'armée, ont commencé à arriver à Damas pour étendre leur aide en Syrie.
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Michel Garroté pour https://lesobservateurs.ch/
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http://www.europe-israel.org/2017/03/les-etats-unis-et-la-russie-pret-a-aider-israel-a-liberer-la-syrie-des-milices-pro-iraniennes-du-hezbollah/
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http://www.ttu.fr/libye-mercenaires-de-poutine/
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https://www.i24news.tv/fr/actu/international/asie-pacifique/141259-170328-des-milliers-de-djihadistes-chinois-partent-combattre-en-syrie
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Un commentaire

  1. Posté par jean Pierre Garnier le

    La Suisse devrai faire une alliance avec eux et fermer ses frontières !

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