« Conspirateur sans complices »: Erwin Sperisen, condamné à perpétuité. Une nouvelle « Genferei »?

Conspirateur sans complices

Alex Baur, Die Weltwoche – 23 mars 2017

Cela fait bientôt cinq ans qu’Erwin Sperisen est en détention préventive à Genève en raison d’un prétendu complot meurtrier mené dans le lointain Guatemala. Le dernier conjuré supposé vient d’être acquitté en Espagne. Pour la justice genevoise, c’est une débâcle qui se profile.

Le verdict du 15 mars 2017 de l’Adiencia Nacional à Madrid était on ne peut plus clair : « L’accusé n’était ni impliqué dans l’exécution des prisonniers, ni ne l’a-t-il décrétée, approuvée ou appuyée, ni n’en a-t-il eu connaissance, ni ne pouvait-il la prévoir ou l’empêcher. » Le tribunal espagnol a acquitté de la sorte l’ex-ministre de l’intérieur guatémaltèque, Carlos Vielmann, en le déclarant non-coupable dans une affaire internationale, sur laquelle l’on se dispute depuis 10 ans, entre autres à Genève.

Le « massacre de Pavón » tient lieu, parmi les activistes tiers-mondialistes, de modèle de violence et d’arbitraire de la droite. En septembre 2006, 2'500 policiers et soldats avaient pris d’assaut un complexe pénitencier de 1'800 détenus à Guatemala-City, contrôlé par les cartels de la drogue et du crime. Sept prisonniers avaient été abattus et ceci – selon les soupçons – après s’être rendus. Sous la pression exercée par une campagne d’ONG mondialement orchestrée, une commission spéciale (CICIG) a accusé des politiciens de premier rang et haut-fonctionnaires d’alors de complot meurtrier.

L’acquittement de Madrid concerne le dernier et le plus éminent des accusés, le chef supposé de la conjuration. Certes, les juges espagnols sont d’avis que le ministre de l’intérieur Carlos Vielmann a porté la responsabilité politique principale, cependant il est inconcevable de conclure à une responsabilité pénale sur cette base unique.

La théorie d’un soi-disant complot se fonde sur les dépositions de témoins bénéficiant de protection et/ou rémunération et a, d’année en année, fondu comme neige au soleil printanier. Le chef du système pénitentiaire, Alejandro Giammattei, et son suppléant, Mario García Frech, ont déjà été acquittés en 2010 au Guatemala. En 2013, c’était au tour du chef des opérations de la Police nationale guatémaltèque (PNC), Javier Figueroa, d’être acquitté en Autriche, où il a dans la foulée obtenu l’asile politique.

Le cas prend la poussière au Tribunal fédéral

Erwin Sperisen, le chef politique de la PNC, demeure ainsi l’unique prétendu conspirateur. Depuis son arrestation à Genève en août 2012, il croupit en détention préventive à la prison de Champ-Dollon. En juillet 2015, la Cour pénale genevoise a condamné en deuxième instance ce descendant d’émigré suisse de Soleure à une peine de prison à perpétuité. Certes, il ne ressort pas du jugement quel rôle concret Sperisen aurait joué. Cependant, les juges genevois ne pouvaient concevoir que la prétendue conspiration ait pu voir le jour sans lui.

Depuis, le cas prend la poussière au Tribunal fédéral. Dans une série d’articles parus à l’automne 2015, la Weltwoche avait dévoilé au grand jour de nombreuses incohérences du procès. Ainsi, les juges genevois ont condamné les soi-disant complices Giammattei, García, Figueroa et Vielmann explicitement comme coacteurs – sans qu’ils eussent jamais l’occasion de se défendre contre ces accusations. Cependant, sans la conspiration – qui n’a, au vu des acquittements au Guatemala et en Autriche, jamais eu lieu – Sperisen ne pouvait être condamné.

Avec l’acquittement de Vielmann à Madrid, c’est désormais la tête du présumé complot qui disparaît, en sus des subalternes de Sperisen. Erwin Sperisen doit avoir conspiré avec lui-même, ironisent ses deux avocats, Florian Baier et Giorgio Campa. Certes, les jugements étrangers ne lient pas la Suisse. Cependant, Vielmann et Figueroa ont été réhabilité par des Etats signataires de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Et celle-ci interdit de condamner ailleurs, pour un même délit, des personnes acquittées.

Contrairement aux Genevois, les Espagnols n’ont pas eu besoin de traducteurs. L’Audiencia Nacional a taxé le témoin protégé le plus important de l’accusation – l’agent secret Luis Linares, qui avait révisé ses dépositions à de nombreuses reprises afin de sauver sa tête – de totalement non-crédible. Pourtant, Linares ne charge qu’indirectement Sperisen, via Vielmann. Avec la condamnation de Vielmann qui tombe, c’est la conspiration toute entière qui s’effondre.

Baier et Campa réclament désormais la mise en liberté immédiate d’Erwin Sperisen, qui patiente en détention préventive depuis près de cinq ans. Du fait qu’il ait été coopérant dès le début et qu’il se soit même mis à disposition de la justice, les risques d’évasion sont faibles. Il ne subsiste aucun risque de récidive, encore moins de disparition de preuves. Et pas d’autres motifs de détention.

Le Tribunal fédéral fait face à un dilemme. L’acquittement de Madrid constituerait à lui-seul un motif suffisant pour une révision de toute la procédure pénale. Un acquittement, en revanche, représenterait un énorme camouflet pour la justice genevoise. Les réparations se chiffreraient en millions. Et ce ne serait certainement pas la première fois que Genève devrait payer des indemnités élevées dans un procès pénal politiquement sensible. Toutefois, plus le Tribunal repoussera l’embarrassante décision, plus l’acquittement sera douloureux, et plus il sera cher.

Alex Baur, die Weltwoche/LesObservateurs.ch, 23 mars 2017

11 commentaires

  1. Posté par Erwin Rank le

    It is absolutely a horror show that the authorities of Geneva have displayed over Sperisen. Shame for the Geneva legal system.

  2. Posté par Héradote le

    L’affaire Mikhailov. Le procureur socialiste Bertossa ( père ) est responsable du fiasco qui a couté 800000 francs aux contribuables genevois. Il voulait ‘se faire’ un mafioso russe. Peut-être l’était-t-il, encore faut-t-il le prouver, et c’était le devoir du procureur.
    Le fils Bertossa, socialiste aussi, refuse d’admettre qu’il est ou a été membre de TRIAL, l’ONG qui est à la base du procès Sperisen, et qui veut se faire une notoriété en ‘se faisant’ un chef de la police Guatémaltèque. La justice est-elle vraiment neutre ou est-t-elle au service d’idéologies?

    Tous les détails se trouvent facilement sur le web, et ça vaut la peine de chercher.

    Cette affaire va nous coûter cher encore une fois, car aucune preuve n’a été apportée, des témoins de la défense écartés, par contre, le témoignage d’un meurtrier à été reçu. Un meurtrier qui témoigne contre le chef de la police, belle crédibilité. Lisez le dossier en français de la Weltwoche.

  3. Posté par Palador le

    Toujours cette justice suisse et particulièrement genevoise qui accourt comme un caniche, aux moindres injonctions de magistrats étrangers. La dernière fois, aussi à Genève, sous la présidence de Calmy-Rey, un homme d’affaire russe soupçonné d’avoir des liens avec des oligarques et le crime organisé fut emprisonné sans autre forme de procès par les autorités genevoises. Après des mois d’enquêtes, son procés s’est révélé être une véritable farce et toutes les charges contre lui se sont effondrées comme un château de cartes. Par contre, l’humiliation envers les autorités genevoises et surtout la facture, ont été…salées !

  4. Posté par Amarillys Taylor le

    Encore une « genferei » des juges qui devraient eux, être en prison car ce n’est pas la première bourde coûteuse qu’ils commettent. Faut-il être de l’extrême gauche et complètement aveuglé par leurs certitudes comunistoïdes pour avoir sorti de leur chapeau aux lapins mourants une telle sentence contre un homme dont le seul pêché est d’avoir un nom suisse. Au lieu de s’occuper de ce qui ne les regarde pas ils devraient balayer devant leur porte pleine d’idées saugrenues sur les « refugiés » étrangers illégaux, mendiants roumains auxquels ils donnent de
    l’argent pour rentrer chez eux et qui font la nique aux policiers le lendemain. On ne veut pas de juges qui font de la politique au lieu de s’occuper de ce qui les regarde vraiment.

  5. Posté par aldo le

    Est-ce bien le fils Bertossa qui a initié cette future bavure pour donner un semblant de crédibilité et faire la promotion pour une ONG dont il est partie prenante ? Ce serait bien de nous donner plus de précisions si c’est bien le cas.

  6. Posté par Héradote le

    Ayant assisté à la plaidoirie des avocats de la défense, il est clair pour moi que ce procès est indigne de Genève. Les détails se trouvent dans l’article de la Weltwoche. Même la chroniqueuse judiciaire de la Tribune laisse entendre, entre les lignes, ce qu’elle pense de tout cela. Si Sperisen est acquitté, les réparations financières seront astronomiques. Beaucoup plus grandes que dans l’affaire Mikailov, qui a couté 800000 francs à l’état de Genève. Qui a fait condamner Mikailov ? Devinez ?

  7. Posté par pierre frankenhauser le

    C’est Olivier Jornot et sa bande qui devraient être jugés, pour incompétence et dilapidation des deniers publics. En effet, ce n’est pas le procureur général qui paiera de sa poche les indemnités, mais le contribuable genevois. Le bout du lac n’en est plus à une Genferei près. Il me semble qu’il y a déjà suffisamment de magouilles financières et d’incohérences flagrantes dans ce canton, sans qu’en plus les systèmes judiciaire et pénal genevois s’embourbent en bâclant le boulot dans une affaire qui n’est pas de leur ressort.

  8. Posté par coocool le

    Un procès politique, instigué par des organisations mondialistes de gauche, qui a mis en prison un innocent pendant près de cinq ans, et qui va coûter cher aux contribuables genevois…

  9. Posté par Yolande C.H. le

    Qu’est-ce qu’un guatémaltèque, qui plus est de la police nationale de son pays, fait dans une prison genevoise, et au nom de quoi la justice genevoise a-t-elle dû se mêler de crimes commis au Guatemala, sur dénonciation d?ONG, par définition internationales?
    Les tribunaux cantonaux sont faits pour les suspects qui ont commis des crimes en Suisse. On a déjà 3/4 de détenus d’origine étrangère qui occupe les juges et remplisse nos prisons, ce qui nous coûte les yeux de la tête, ça suffit. Les contribuables n’ont à payer encore des millions pour un jugement qui n’aurait pas dû avoir lieu chez eux, n’en déplaise à ces ONG éprise de justice!
    Que les internationalistes mondialistes soient cohérents et créent leurs propres instances et non les instances judiciaires nationales.

  10. Posté par Nicolas le

    Une fois de plus des crétins en robe se la pètent et c’est le contribuable qui va devoir payer les indemnités pour prix de leur incurie, alors que la racaille reste en liberté et lui pourrit la vie. Ras le bol de ces bouffons.

  11. Posté par Bussy le

    Et même s’il avait été coupable, ça faisait sept salopards de moins sur terre !

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