Du pain et des jeux

post_thumb_default

 

Nombreux sont les auteurs qui ont analysé le déclin de l’Empire romain. De Végèce à Heather, de Montesquieu à Ward-Perkins, de Gibbon à Bury, diverses théories quant à ses causes ont été avancées. Un érudit, compilant l’ensemble de leurs travaux, a pu en répertorier plus de deux cents.

Malgré les divergences constatées, au moins deux facteurs constituent le dénominateur commun de ces diverses analyses : l’intrusion des peuples barbares dans les affaires de l’Empire, notamment par le recours à leurs mercenaires pour en assurer la défense (avant d’ailleurs qu’ils ne l’investissent) et le ramollissement sinon la dépravation des mœurs.

En effet, dès le IIe siècle de notre ère, le citoyen perd quelque peu cette vertu civique et cette vigueur martiale qui avaient contribué naguère à l’expansion de Rome. Pire, il se laisse prendre aux pièges charmeurs du « carpe diem » incompatibles avec la pérennité de toute institution étatique. Et quand l’État lui-même devient complice de ce fatalisme débilitant, sa désintégration est proche.

On connaît la question fameuse : « Que demande le Peuple ? »

L’air ambiant émollient porte tout naturellement à répondre : « Panem et circenses ! »

Cette expression est extraite d’une satire datant du début du IIe siècle. Son auteur, Juvénal, avait le don de la formule puisque c’est à lui que l’on doit le non moins célèbre « mens sana in corpore sano » qui semble toutefois ne plus être d’actualité dans la Rome de son époque.

En 1973, Jean Raspail faisait débarquer sur les rivages varois un OFNI (Objet Flottant Non Identifié), Le Camp des Saints, dont l’impact fut alors interprété par le grand public, non comme une prophétie, mais comme une œuvre romanesque à l’originalité incontestable. En effet comment imaginer alors, qu’une immigration massive pût menacer la société occidentale et sa civilisation millénaire.

En 1984 paraissait le Néropolis d’Hubert Monteilhet. Cet auteur « touche à tout » qui s’était fait connaître pour ses savoureux romans policiers, n’en restait pas moins un historien universitaire que son érudition malicieusement contestataire n’allait pas manquer de refouler dans l’enfer des réactionnaires. À travers un récit particulièrement riche en péripéties, il suggérait sournoisement, par un parallèle subliminal, ce que notre société occidentale était en train de vivre sur le plan des mœurs et de la morale.

Déjà, les slogans festifs de mai 1968 avaient amplifié et accéléré un mouvement prétendument libérateur, sinon rédempteur. Appelé à « jouir sans entrave » et à « inventer de nouvelles perversions sexuelles », le citoyen se devait de revendiquer « le droit à la paresse » après avoir obtenu le bénéfice de « l’état de bonheur permanent ». Il pouvait enfin « prendre ses désirs pour des réalités car il croyait désormais à la réalité de ses désirs ». Bref il était prêt à embarquer pour la Cythère du troisième millénaire gouvernée à jamais par le « Pouvoir des Fleurs ».

On parla alors d’une société des loisirs. Ceux-ci devenaient bientôt le moteur de l’existence du « Français moyen », le « créneau professionnel » n’étant désormais que l’accessoire, à savoir la pompe à carburant nécessaire à l’alimenter. Philippe Muray pouvait désormais baptiser le petit dernier. « L’Homo Festivus » était bel et bien né.

Aujourd’hui et sur les bases d’une espérance moyenne de vie de 80 ans et des droits du travail en vigueur, le salarié français aura consacré moins de 10 % de son existence à ce que ses aînés appelaient le travail.

Et c’est là que resurgit le très romain « du pain et des jeux » et avec lui la prolifération des villages-vacances, des paquebots de croisière et des chaînes de télévision populaires aux émissions sciemment abêtissantes. Ainsi plus belle est la vie. Pour sa part « La Française des Jeux » multiplie les options offertes à une clientèle plus que jamais droguée aux tirages multiquotidiens et aux grattages frénétiques. « La chasse au pokémon go » dont les adultes ne sont pas les moindres adeptes, en constitue le tout dernier avatar.

Pour qu’il puisse jouir sans entrave de cette existence « bien pleine », qu’on ne vienne surtout pas distraire le citoyen au nom d’un civisme et d’un patriotisme tombés en désuétude. Désormais Bruxelles est à la manœuvre.

Que God save the Queen, c’est l’affaire des britiches. Exit le Brexit ! Mais que Bruxelles sauve l’Europe… et l’euro avec, c’est l’essentiel si c’est à ce prix que je peux encore rêver ma vie… sur mes deux oreilles !

Et pendant ce temps aux frontières de l’Europe se pressent des foules venues de partout pour prétendument bénéficier d’un droit d’asile qui le plus souvent n’abuse que ceux, politiciens en tête, qui veulent y croire ou font semblant. Le révélateur le plus efficace de la supercherie est l’absence de femmes et d’enfants aux côtés du « réfugié ». La jungle de Calais en est le plus bel exemple. Miracle permanent d’une source intarissable : plus on la vide, plus elle se remplit.

Dormez en paix, braves gens. Il est l’heure qu’il vous plaira…

Zut ! J’ai perdu le fil… Je vous prie de m’excuser, je ne sais plus ce que je voulais écrire. Pourquoi donc ai-je réveillé ces deux vieilles peaux de Montail et Raspeilhet ? Pourquoi associer la décadence de l’Empire romain à l’essor irrésistible de l’Union Européenne ? Non, décidément, je deviens un tantinet décadent et complètement gâteux.

Vous avez aimé cet article ?

EuroLibertés n’est pas qu’un simple blog qui pourra se contenter ad vitam aeternam de bonnes volontés aussi dévouées soient elles… Sa promotion, son développement, sa gestion, les contacts avec les auteurs nécessitent une équipe de collaborateurs compétents et disponibles et donc des ressources financières, même si EuroLibertés n’a pas de vocation commerciale… C’est pourquoi, je lance un appel à nos lecteurs : NOUS AVONS BESOIN DE VOUS DÈS MAINTENANT car je doute que George Soros, David Rockefeller, la Carnegie Corporation, la Fondation Ford et autres Goldman-Sachs ne soient prêts à nous aider ; il faut dire qu’ils sont très sollicités par les medias institutionnels… et, comment dire, j’ai comme l’impression qu’EuroLibertés et eux, c’est assez incompatible !… En revanche, avec vous, chers lecteurs, je prends le pari contraire ! Trois solutions pour nous soutenir : cliquez ici.

Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

Cet article Du pain et des jeux est apparu en premier sur Eurolibertés.

 

Extrait de: Source et auteur

Suisse shared items on The Old Reader (RSS)

2 commentaires

  1. Posté par TulliaCiceronis le

    Nous nous entre-dévorerons…
    Intéressants aussi (l’italique n’est pas dispponible) :
    « Le Déclin. La crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine – quelques analogies historiques », David ENGEL, 2012
    « Rome face aux Barbares », Umberto ROBERTO, 2015

  2. Posté par trafapa le

    Vient le temps où le pain manquera , où il n’y aura plus d’amour ; les jeux et l’eau fraîche suffiront-ils ? « La Cité antique » de Fustel de Coulanges est intéressante à lire .

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.