Avances de frais de justice dissuasives : trop c’est trop

Christian Addy
Informaticien, photographe, blogueur
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Un monsieur circule en voiture à l'approche d'un rond-point fortement ralenti. La circulation se fait très lentement, avec des arrêts. Son téléphone sonne, il le prend en main, constate que son beau-frère l'appelle, décroche à l'arrêt, demande d'attendre, le garde en main, passe le giratoire et se parque à 20 mètres. Il engage la conversation tranquillement, bien sûr d'avoir bien fait de s'arrêter. Que nenni, un policier lui signifie, dans un parking, qu'il est interdit de téléphoner au volant et le colle de Frs 100.- ! L'histoire est véridique.

L'argumentation est inutile, le policier se montre péremptoire et ne tient aucun compte des arguments. Alors que le TF a statué deux mois plus tôt sur le fait qu'il faut une perte d'attention constatée et que la consultation d'un appareil tel qu'un téléphone n'est pas suffisante à valoir condamnation, rien n'y fait. Nul n'est censé ignorer la loi, sauf ce policier. L'homme, confiant, fait recours par écrit mais reçoit en retours une lettre de la Commune de Conthey lui signifiant que Frs 500.- de frais d'avance sont nécessaires au traitement de ce recours.

Comme toute bonne histoire, elle n'est jamais simple, et le recours sera abandonné : chômeur, proche de la fin de droit, l'automobiliste renoncera la rage au cœur. Cette forme de dissuasion, que l'on peut évidemment trouver excessive, a cours dans certaines communes valaisannes. Est-ce normal ?

Est-il normal qu'une personne, sanctionnée sans jugement, se retrouve systématisée en position de faiblesse au point de presque toujours renoncer ? Est-il normal, alors que les policiers sont payés pour justifier de leurs erreurs professionnelles, que les défendeurs se retrouvent à devoir engager des sommes d'argent importantes ? Car il s'agit bien de sommes importantes. Dans notre cas, un chômeur ne perdra probablement pas de salaire pour se rendre au tribunal mais dans un cas plus courant, un employé devra perdre des heures de travail, ce qui s'ajoutera aux frais de justice, éventuellement d'avocat, de déplacement, etc...

Ces avances dissuasives doivent être mieux réglementées. Certes il n'est pas envisageable de monopoliser des frais importants pour une simple prune de parcage. Bien sûr que l'administration des contraventions coûte de l'argent et il ne faudrait pas que la grogne devienne systématique à la moindre remise à l'ordre. Mais faut-il faire de la dissuasion une règle pour toute amende ?

Et que se passera-t-il si le contribuable gagne son recours ? Renseignements pris, le défendeur se verra rembourser son avance. A la bonne heure ! Justice sera rendue, tout le monde sera content ? Pas du tout. Le défendeur aura engagé pas mal de son temps libre pour écrire une correspondance dont il n'est pas coutumier. Peut-être l'aura-t-il faite écrire parce que son français n'est pas excellent, mais alors il faudra bien qu'il rembourse ce service. Il aura pris sur son temps pour se rendre au tribunal, peut-être aura-t-il demandé conseil à un avocat. Bref, à la fin de la procédure, l'automobiliste aura beaucoup investi mais se retrouvera avec une phrase sibylline genre "Le juge décide d'un non-lieu", circulez y'a rien à voir. Une petite phrase à l'attention du chasseur de primes ? Vous rêvez mon cher Monsieur.

Les effets pervers de cette méthode sont réels. Tout d'abord, le défendeur, qui se voit dans l'impossibilité d'exprimer son mécontentement, en éprouvera du mépris de l'Autorité de Police. Son histoire se transformera bien vite en exemple au café du coin et plutôt que la conclusion ne soit : "J'ai obtenu gain de cause", elle  deviendra une ode à la bêtise policière, justifiée ou non. Mais il y a un deuxième effet pervers de cette protection à outrance des agents verbalisateurs : la commune de Conthey ne sait pas combien d'imbéciles sévissent dans ses rangs. Cette réalité qui peut sembler provocatrice ne l'est pas. En effet, quel degré d'autoritarisme accepte-t-on avant de percevoir les signaux qui auraient pu éviter un futur dérapage ? A autoriser une trop grande dissuasion, on prend le risque d'une déconnexion entre le citoyen et sa police.

Je pense que nous devons réfléchir à diverses solutions. Tout d'abord une adéquation entre le montant des frais de dissuasion et le montant de la sanction, mais sans être linéaire. Il ne suffit pas de multiplier la contredanse par cinq pour avoir une bonne adéquation. Ensuite, il est important que tous les services qui traitent les recours aient l'obligation de conditionner cette avance de justice à des conditions de ressources suffisantes. Ils doivent avoir la possibilité d'exonérer ces frais, sans se réfugier derrière l'entraide judiciaire, qui comme chacun sait, ne profite dans la réalité qu'aux vrais criminels et autres abonnés des aides sociales, mais est extrêmement rare pour les travailleurs même pauvres. Enfin, il me semble logique que le défendeur qui a gagné son recours voie l'autorité en prendre acte concrètement.

Deux pistes sont à étudier selon moi : La reconnaissance officielle que la sanction indue a causé un préjudice et, en deux, une réparation objective de la faute. La dissuasion administrative en cas de recours devrait être rendue au double ou mieux, au quintuple si le rapport est de cinq fois l'amende! Ce serait une manière honorable de dissuader les amendes trop discutables et une compensation équitable rendue à l'accusé à tort. Gageons que les autorités seront alors beaucoup moins procédurières pour annuler une sanction discutable.

Christian Addy, 7.12.2016

Article : www.facebook.com/christian.addy/notes

7 commentaires

  1. Posté par Addy Christian le

    Le pire dans cette histoire c’est que le policier en question a mis en danger la vie d’autrui, et perdu une jambe lui-même, en faisant un demi-tour sur route à moto pour rattraper un automobiliste qui téléphonait au volant ! Comment se sent le Président de Conthey dans cette affaire ?

  2. Posté par Dominique Schwander le

    En Valais, j’ai fait l’expérience que les avances demandées par un tribunal de district sont dissuasives, les frais d’un expert partial des plus coûteux, la justice traîne des années alors que justice tardive équivaut à un déni de justice. De plus, on oblige, celui qui se défend à prendre un avocat! Conclusion: haine des citoyens autochtones et amour de l’Autre, le réfugié qui a un avocat… gratuit. Révoltante inversion des valeurs!

  3. Posté par Sergio le

    Devinette. Pour moi, la justice est à portée de main. Je vais de recours en recours jusqu’au tribunal fédéral. Avocat et frais de justice sont sans importance, car je ne paye rien. Qui suis-je ?

  4. Posté par Dumesnir Henri le

    Quand on voit le nombre démesuré de flics affectés à coller des prunes, on peut en conclure que les politiques préfèrent tondre les automobilistes plutôt que de lutter contre la criminalité en réaffectant certains policiers à des tâches de sécurité publiques. Pour emprisonner un dealer, les policiers doivent le prendre trois fois en flagrant délit. On se fout des sans-dents comme dirait l’autre.

  5. Posté par Martin Leu le

    La justice est égale pour tous! Quelle blague!
    Il y a longtemps que cette affirmation idiote n’est plus vraie et les exemples pullulent de situations où un citoyen lambda s’est fait laminer par le prétendue justice!
    M. Addy a donc raison de dénoncer l’incommensurable c… qui le frappe.
    Dans l’émission TV «A bon entendeur», on nous dit fréquemment que tel problème dénoncé par un consommateur s’était miraculeusement réglé sur le champ – après des mois de tergiversations – lorsque l’émission avait demandé des informations à l’entreprise mise en cause par le consommateur!
    On peut rêver… Mais on peut aussi être assuré que la justice ou les autorités ne voudront jamais faire amende honorable vis-à-vis du vulgaire pékin, persuadées quelles sont d’être incontestablement supérieures aux citoyens qui les paient!
    Je préfère être un citoyen considéré comme un emmerdeur que de baisser les bras devant l’injustice!

  6. Posté par christian le

    Ma foi, on peut prêcher le renoncement, on peut aussi ne pas accepter les comportements visiblement discutables de chasseurs d’impôts déguisés en policiers. Je suis bien sûr que les bons policiers ont envie de faire autre chose que de se voir utilisés comme taxateurs.

  7. Posté par sophie edouard le

    Il a bien fait de ne pas faire recours, on le sait bien, quand il s’agit de payer on a toujours tort. Moi mon mari, un jour d’hiver avait dégagé complètement les vitres de sa voiture. Comme c’est un utilitaire, à moins d’avoir une échelle, tout en haut de la vitre avant il y avait encore une bande du givre de 2cm tout en haut, bien entendu sans aucune conséquence sur la vision étant donné la largeur du parebrise. il s’est fait arrêter 2 min après avoir pris la voiture. Les policiers lui ont dit que d’après la loi, bien que cette bande ne gênait pas la visibilité, le parebrise devait être totalement dégagé. Nous avons eu 250 frs d’amende, 400 frs de frais de justice car dénoncé au tribunal et j’ai pu faire enlever 1 mois de retrait de permis en parlant au juge qui avait les photos et qui a reconnu que la visibilité n’était pas masquée…. alors pour 100frs mieux vaut fermer sa gueule….

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