Médias. Service public suisse. Le nouveau directeur général : « l’homme qui avance masqué. »

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant

Gilles Marchand, l'homme qui avance masqué

Un homme d’une grande intelligence. Un animal à sang froid, calculateur, stratège, toujours courtois. Un sociologue, qui connaît rudement bien son métier, comprend les habitudes de consommation des gens, anticipe leur évolution. Tel est Gilles Marchand, le futur directeur général de la SSR. Le contraste avec son prédécesseur, Roger de Weck, idéologue, missionnaire, pro-européen militant, Croisé anti-UDC, est saisissant. Deux hommes, deux univers.

 

J’écris ces lignes, parce que, dans la guerre, il ne faut jamais sous-estimer l’ennemi. Avec Gilles Marchand à sa tête, la SSR, ce vieux Mammouth encroûté, obtient l’aubaine d’un répit. Oh, elle mourra : nous mourrons tous, c’est sûr. Mais voilà, pour ce consortium rouillé, de type Biélorussie années 50, ou Pologne de l’avant-Gomulka, ou Tchernobyl avant la définition de l’atome par Démocrite, le sursaut de quelques années, encore, à vivre.

 

Il suffit de discuter trente secondes avec Gilles Marchand pour tout comprendre : il vous regarde, vous écoute, vous sourit. Il a de l’humour. Il réussit très vite à vous enrober, laisse croire qu’au fond, nous sommes tous d’accord, allez on déjeune et on en reparle. Sous cette apparence, l’homme est un guerrier : il sait ce qu’il veut, où il va, comment il pourra l’obtenir.

 

Le moins qu’on puisse dire est qu’il a du pain sur la planche. Une frénésie de chaînes de radio et de TV, des appétits insensés sur internet, des alliances publicitaires hallucinantes avec les requins du privé : il leur faut tout, à la SSR : le beurre, l’argent du beurre, la crémière, la redevance, la pub, les séries américaines, de l’argent, encore de l’argent.

 

Ce comportement de prédateur, qui fut celui de Roger de Weck, sera aussi celui de son successeur. Mais, vous verrez, avec moins d’arrogance, voire pas du tout, moins de postures morales, aucune espèce d’obligation missionnaire sur l’idée européenne. Non, notre homme avancera comme il l’a toujours fait : masqué. Mais sachant parfaitement où il va, et pourquoi.

 

Un brillant tacticien, donc. Mais cela suffira-t-il ? Connaît-il le pays ? Parle-t-il l’allemand ? Quelle représentation a-t-il du monde germanophone, ou italophone ? Connaît-il les fragiles secrets de la Suisse ? Entendra-t-il la colère de ceux, toujours plus nombreux, qui ne supportent plus le parti-pris de certaines équipes rédactionnelles, on peut penser à la RSR sur l’élection américaine ? Acceptera-t-il, longtemps encore, que le premier parti du pays, près d’un tiers d’électeurs, soit systématiquement sous-représenté, rabroué, vilipendé sur les ondes SSR ?

 

Surtout, j’invite ici mes amis des télévisions régionales privées à ne se laisser prendre en aucun cas dans le piège du « Nous sommes tous copains, unissons nos forces, le seul ennemi c’est Google », que ne manquera pas de leur tendre cet homme habile, de si bonne compagnie, dans la tiédeur anesthésiante d’un cocktail. La vie, c’est le combat. Dans la guerre, il faut savoir identifier l’ennemi. Ne pas le sous-estimer, surtout dans le cas présent. Mais l’ennemi demeure l’ennemi.

Bonne chance, Gilles. Tu es un homme intelligent. Donc redoutable. Nous nous retrouverons sur les champs de bataille.

Pascal Décaillet,  Sur le vif, 10.11.2016

 

Un commentaire

  1. Posté par Momo le

    Ahahaha!!! La SSR, un monde à elle toute seule, 7 chaines TV, 15 radios. Incroyable mais vrai dans un pays de 8millions d’habitants. Vivement que le peuple Suisse vote oui à No Billag, parce que cela ne va vraiment plus du tout. Le gros problème, comme toute le journalisme mainstream d’aujourd’hui, c’est qu’il n’informe plus, mais il fait de l’opinion, et quel opinion, mon dieu, mon dieu, voir http://lesobservateurs.ch/2016/11/10/election-de-trump-le-matin-continue-a-deverser-sa-haine/, on n’a de la peine à croire que l’on abat de arbre, pour faire du papier et imprimer des insanités pareilles. L’élection de Trump est l’exemple type, comme des gamins à qui on a confisqué son jouet, on a de la peine à croire que se sont des adultes, et qui en plus essaie de nous faire la morale, à pleurer de rire tellement c’est pathétique le journalisme actuel.

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