Nawal Al-Saadawi : le voile est un asservissement de la femme

Nawal Al-Saadawi, née en 1931, médecin, est l’écrivaine féministe égyptienne la plus connue du monde arabe, une éternelle révoltée indomptable. Elle est contre le voile de la femme, et non seulement contre le niqab. Elle a été emprisonnée sous Sadate, a fait l’objet de plusieurs procès pour atteinte à la religion musulmane et plusieurs de ses livres, dont sa biographie, ont été interdits en Égypte.

Elle dit que les vêtements ont une fonction liée au climat et non à la vertu. En Afrique, dans les régions chaudes, des hommes et des femmes vont et viennent nus, et personne ne leur demandent pourquoi, et cela n’est pas ressenti comme honteux ou immoral. Nawal Al-Saadawi s’oppose à ce que la femme soit couverte et pas l’homme. Le voile est contre la morale, dit-elle: «Si donc je veux être une fille honorable, je n’ai qu’à acheter un voile pour cinquante piastres ou cinquante livres et l’entrée au paradis m’est assurée. Moi, je veux mériter le paradis par mon comportement, et non grâce à un morceau d’étoffe.»

Certains disent que les femmes portent le voile parce que les hommes ont des désirs sexuels et regardent les femmes avec concupiscence. Si tel est le cas, c’est l’homme qui doit être voilé, et non la femme, ou il faut lui arracher les yeux. L’homme a des désirs sexuels, mais la femme aussi. Pourquoi alors ne pas voiler l’homme que la femme pourrait désirer? Ou la femme est-elle plus forte que l’homme? Elle seule peut maîtriser son désir? Voilà une contradiction à laquelle on ne pense jamais. On rencontre des contradictions chaque jour, mais on ne les voit pas parce que nos yeux sont devenus aveugles. L’ingéniosité consiste à voir les contradictions que personne ne voit. Si les femmes se posaient cette question, elles enlèveraient le voile.

S’attardant sur la décision de Jaber Nassar, recteur de l’Université du Caire, qui interdit aux enseignantes et aux employées de l’université d’y pénétrer avec le niqab, elle dit que cette décision est trop formelle et limitée. En fait, l’État doit interdire le niqab, dans toute l’Égypte. Le niqab est contraire à la morale. Des hommes et des femmes se cachent sous le niqab pour commettre des crimes. C’est un problème de sécurité. De même qu’il est interdit de marcher tout nu dans la rue, il doit être interdit de marcher dans la rue entièrement couvert.

Mais qu’en est-il de la liberté individuelle? Chaque personne n’a-t-elle pas le droit de choisir ses habits? Nawal Al-Saadawi répond que les petites filles, dans les écoles, sont contraintes par le ministère à porter un voile. On les habitue à porter le voile et, quand elles grandissent, elles continuent à le porter. De plus, les médias disent que le voile est une obligation religieuse. Peut-on alors parler de liberté individuelle? La liberté consiste à présenter aux femmes les normes coraniques en faveur du voile et les autres contre le voile. Une femme saine d’esprit ne choisira alors ni le voile ni le niqab. Personne ne choisit l’esclavage sans y être contraint, sans être asservi.

Nawal Al-Saadawi dit être à la fois contre l’exhibitionnisme et le voile (elle est aussi contre le maquillage: elle ne se maquille jamais). Dans les deux cas, la femme est transformée en marchandise. Le voile n’est pas une question de liberté, mais un symbole politique dangereux de la servitude de la femme. Cela signifie que la femme est un corps sans tête. Pourquoi couvrir la tête de la femme? La tête de la femme est sa noblesse. Nawal Al-Saadawi estime que le voile n’a pas de lien avec les trois religions monothéistes car il est antérieur à ces religions. Il date du temps de l’esclavage, puis il a été repris par ces religions. Le voile s’inscrit dans un système esclavagiste, patriarcal, servant à persécuter la femme. Elle veut que les hommes et les femmes soient soumis aux mêmes normes vestimentaires. Voilà ce qu’on appelle la liberté. Mais voiler les femmes et ne pas voiler les hommes, ceci n’est pas la liberté. C’est de la domination et de l’esclavage.

Le visage est l’expression de la dignité. Comment peut-on parler avec une personne qui n’a pas de visage? L’État devrait interdire le niqab. “Lorsque je vois une femme portant cette tente qu’est le niqab, je ne lui trouve pas de dignité. Qui n’a pas de visage n’a pas de dignité”. On ne peut pas dire non plus que le voile est accepté par la société. Sa grand-mère ne portait pas de voile, mais mettait simplement un fichu pour protéger sa tête du soleil et de la poussière, pour des raisons concrètes, sans base religieuse. Le voile a été imposé. Sadate a amené à l’Égypte les Frères musulmans, l’aide américaine et le voile. Cela n’a aucun lien avec la religion. La religion demande seulement de porter des habits décents. De même, en Égypte, le voile ne fait pas partie de la tradition du peuple égyptien, c’est une pratique intruse, tout comme le mouvement des Frères musulmans[1].

ٍSignalons ici que Nawal Al-Saadawi est une opposante farouche à la circoncision tant masculine que féminine; elle a écrit la préface de mon ouvrage sur la circoncision en langue arabe, ouvrage disponible aussi en français et en anglais.

[1] Pour la rédaction de cet article, nous nous basons sur les vidéos suivantes:

 

Sami Aldeeb, professeur des universités
Directeur du Centre de droit arabe et musulman

3 commentaires

  1. Posté par Sam mamerit le

    Bravo madame il devrait y avoir plus de femmes et d’hommes comme vous pour expliquer aux musulmans que le port du voile pour une fille n’est pas le symbole de l’islam !

  2. Posté par Dahmane. le

    C’est l’évidence. Le pire c’est que les femmes qui portent le voile ne le font pas par conviction religieuse ou fierté mais pour marquer leur différence.

  3. Posté par LEPVRIER daniel le

    un jour les femmes enlèveront le voile partout dans le monde. cela demandera du temps.patience et longueur de temps font plus que force ni que rage (la fontaine)

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