Islam. Il ne peut y avoir d’islam de France

De Vautrin, docteur d'État et maître de conférences 

« Je crois que l’islam est compatible avec la République. Un islam tel que nous l’avons connu, laïcisé par les Lumières comme les autres religions. » (Marine Le Pen sur TF1). Si cette absurdité n’est pas qu’une période oratoire ad propagandam, dans un contexte de brigue du pouvoir, nous avons-là un bel exemple de ce que produit la vision ethnocentrique. De nombreux politiciens tiennent un raisonnement semblable, tout aussi spécieux. Ne parlons pas de Juppé, pour qui une France « apaisée » ferait coexister la charia islamique avec le Code Civil en négociant un pacte d’accommodements « raisonnables » avec un mythique « islam de France ». Ni même de l’honnête Chevènement qui a accepté la mission de rassembler les musulmans sous la houlette de la République laïque (et obligatoire ?). Nombreux sont ceux qui rêvent - ou feignent de rêver - d’un islam « à la française », comme nous avons un « modèle français » du socialisme (nonobstant ses effets pervers !).

Ethnocentrisme, dis-je. Ce qui veut dire - et il est presque impossible de s’en défaire – que nous évaluons les valeurs de l’autre à l’aune de nos propres valeurs et de notre propre histoire que nous avons l’outrecuidance de considérer comme universelles. Certes, historiquement, nous avons connu le gallicanisme légitime de nos Rois qui savaient faire le départ entre le spirituel et le temporel : « Redde Caesari quae sunt Caesaris, et quae sunt Dei Deo » ; Rome peut commander au spirituel, Paris commande au temporel, du moins en France. La distinction du politique et du religieux est au fondement même de la civilisation chrétienne, si l’on s’en tient à cette interprétation de la parole du Christ, dont il est bien évident qu’elle ne saurait être atemporelle dans son sens, mais qu’elle est bien marquée historiquement par le rapport des forces entre la Papauté et la Royauté.

Le distinguo entre le temporel et le spirituel semblait encore bien partagé lorsque Bonaparte créa en 1808 le Consistoire Juif. L’Empereur intégrait ainsi le judaïsme dans le régime politique des cultes reconnus, même si certains, plutôt que de l’en louer, lui ont reproché ce que des gens à courte vue appelaient des « décrets infâmes ». La loi de laïcité de 1905 trouva ensuite des clergés organisés et bien structurés contre lesquels stipuler. Tel est le produit de notre Histoire, et l’on comprend que des politiques, assez généralement ignorants de la réalité de l’islam, pensent traiter cette entité à la manière dont on a traité des religions ordinaires. Telle fut par exemple la démarche de Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, fabriquant le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Puisque les vieilles recettes ont fonctionné, assurant la paix civile et religieuse, pourquoi en irait-il autrement de l’islam ? Sous-entendu : l’islam est une religion comme une autre, c’est-à-dire comme celles auxquelles nous sommes habitués. Même erreur -grossière - chez Marine Le Pen s’imaginant un islam « laïcisé » par les « Lumières » (autre mythe !).

Or la réalité est tout autre et, disons-le d’emblée, l’islam ne peut pas se « laïciser » et pas davantage épouser nos us et coutumes. Le Père Charles de Foucaud notait déjà dans sa lettre à Hervé Bazin (1907, publiée en 1917) : « Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui.

D'une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s'y opposent ; avec certains il y a des accommodements ; avec l'un, celui du « Medhi », il n'y en a pas : tout musulman, (je ne parle pas des libre-penseurs qui ont perdu la foi), croit qu'à l'approche du jugement dernier le Medhi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l'islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non musulmans. Dans cette foi, le musulman regarde l'islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants. » Paroles qui sembleront aujourd’hui prophétiques, mais surtout inspirées par la connaissance précise que le Père avait de l’islam.

On nous rétorquera, sans doute, que l’islam n’est pas un monolithe et qu’il a évolué au cours des siècles. En témoigneraient les chapelles souvent férocement opposées les unes aux autres, par exemple les chiites (imamites, duodécimaires, ismaéliens, zaïdites) et les sunnites (90% des musulmans), les kharidjites, mu’tazilites, wahhabites, yazidis… Certes, les religions étant des phénomènes géopolitiques, il est inévitable que des peuples les accommodent à leurs mœurs : le marxisme, lui aussi, a changé de peau en franchissant la Muraille de Chine ! Ceux qui rêvent d’un « islam de France » tirent sans doute parti de cette appropriation nationale des doctrines, en postulant que l’islam pourrait se fondre dans la République en traversant la Méditerranée. Mais il demeure l’obstacle principal, le texte fondamental, le coran.

Il faut reconnaître que le coran est une anomalie anthropologique, dans la mesure où il semble n’avoir pas évolué depuis le Xe Siècle, alors que l’exégèse montre que les textes sacrés des autres religions ont connu des refontes au cours de l’Histoire. Encore, concernant le coran, l’immutabilité est-elle douteuse, puisque l’exégèse et la critique sont interdites aux musulmans -les commentaires de oulémas et talibans n’étant que des subtilités grammaticales et non des exégèses – et qu’il manque les documents contenant les proto-corans (par exemple ceux de Kūfa colligé par Ibn Mas’ud, et de Basora d’Abu Musa), probablement détruits sur ordre des féroces califes abbassides. L’important est que le texte actuel, définitivement fixé par Ibn Muqla et Ibn Isa vers 933, ait force de loi.

Il a d’autant plus force de loi que l’article doctrinal qu’à la suite de Harry Austryn Wolfson j’appellerai « Inlibration » - en pendant doctrinal de l’Incarnation - force le musulman à croire que le coran a été dicté en langue arabe par Allah (dont c’était, dit-on, la langue avant même la Création) à Mahomet. Ce point doctrinal fondamental se serait imposé vers 920, même s’il aurait été un temps oublié, vers 833-837. Il est extrêmement important, dans la mesure où il s’agit de la parole même d’Allah : elle ne peut donc être contestée, puisque ce dieu est, ainsi que l’affirme la bénédiction initiale du coran, « rabbi al alamina », le Maître des Mondes.

Ceci aura des conséquences très importantes, qui expliquent bien des attitudes et prises de positions des musulmans contemporains. Notamment, la proscription de la critique académique du coran ; la théologie et l’histoire coraniques sont contraintes à fonctionner en circuit fermé, par auto-référence et pour interpréter des passages du coran - les contradictions et désordres ne manquant pas dans le texte - il faut se référer à d’autres versets ou sourates, au mieux aux hadiths. Un musulman n’a pas le droit de se référer à des textes non musulmans (les textes non musulmans contemporains des débuts de l’islam ne manquent pas, cependant) ni même le droit de discuter de religion avec un non-musulman. Dans ce cas, on voit mal les représentants de la République espérer convaincre un « consistoire » sunnite hypothétique de procéder à un aggiornamento du coran !

Ceci est d’autant moins imaginable que contester le coran, parole d’Allah, est une apostasie punie de mort. Le soufi Mahmud Muhammad Taha, par exemple, prônait l’abandon des passages féroces du coran : il fit pendu comme apostat, en 1967. « S’ils retournent à l’infidélité, saisissez-les et tuez-les partout où vous les trouverez. » (IV, 49).

Une autre conséquence de l’Inlibration est la justification mythique de la supériorité des fils d’Ismaël sur les autres races et ethnies. Cela apparaît dès la première sourate : en raison d’une double alliance entre Allah, d’une part, et Abraham et Ismaël (né de la servante Agar) d’autre part, Isaac voit son privilège de naissance légitime subtilement transféré à Ismaël, « Alors Ibrahim rétablira les assises du Temple avec Ismaël ». Or les descendants d’Ismaël sont les Arabes, le Peuple Élu, la quintessence de la Oumma. Les peuples, descendants d’Isaac, ne connaissant pas le Livre, probablement la Bible revue et corrigé par les rédacteurs du coran, sont dans les ténèbres. Les Juifs, considérées comme « falsificateurs des Écritures » (sourates II à VIII, 9 versets), sont « maudits d’Allah » (V,61). Les Chrétiens, véritables « associateurs » (mučrikum), sont condamnés dans 118 versets de concert avec les polythéistes et les idolâtres, et dépouillés de tout droit politique. Les athées sont tout benoîtement condamnés à mort.

La Oumma est donc l’a-patrie par excellence, ou, si l’on préfère, la patrie des musulmans. C’est un principe de transnationalité, stipulant la supériorité du musulman sur tout autre humain non-croyant, quelle que soit sa patrie. Dès lors, le droit coranique l’emporte essentiellement sur tout droit local, considéré comme impie. De là la taqiya, cette pieuse hypocrisie pratiquée tant que l’effectif démographique des musulmans n’a pas atteint la masse critique nécessaire à l’instauration du droit coranique : on feint de se conformer - provisoirement - aux lois positives du pays où l’on est. Quelque « croyant » acceptant de discuter sereinement et honnêtement avec les autorités d’un pays du dar-el-harb , la maison de la guerre, serait par conséquent apostat et punissable de mort. Il ne peut donc, fondamentalement, y avoir de dialogue franc et honnête entre ceux qui se croient « parfaits » (aslim : « sois parfait » et non islam : « sois soumis ») et les incroyants.

Je pense que ces deux principes -inlibration et descendance mythique- sont à l’origine du refus des communautés musulmanes de s’intégrer aux sociétés de droit positif. Ils expliquent nombre d’interdits et règlent les rapports des humains avec les humains, notamment le principe du djihad guerrier, réalisation par les armes du millénarisme islamique visant à imposer l’islam au monde entier. Aussi serait-il aussi vain de demander un « moratoire » sur la lapidation (comme le feint Tarik Ramadan) ou sur la mutilation des voleurs que de réclamer l’abrogation des féroces sourates dites « de Médine ». D’autant moins que, si l’on en croit Jean-Jacques Walter, cette distinction entre sourates de La Mecque et sourates de Médine n’est probablement qu’un artifice des grammairiens persans ayant constaté une variation de style, compréhensible si l’on admet la participation de plusieurs scribes à la rédaction du coran sur une période de presque deux siècles (VIIIe et IXe Siècles).

Il n’est pas dit qu’au fil des siècles le coran ne se modifiera pas : l’essentiel, pour notre temps, est qu’il constitue un corps de doctrine politico-religieuse figé, inamendable pour les raisons fondamentales que nous venons d’indiquer. Imagine-t-on une possible influence des « Lumières » ? Et de quelles « Lumières » ? Les nôtres, qui coïncidaient aussi avec les convulsionnaires et le baquet de Mesmer, ne l’oublions pas, étaient issues de l’essor de la bourgeoisie des villes dès le XIVe siècle, et d’un nouveau rapport avec la transcendance : la Personne émergeait, et le pouvoir n’était plus d’essence divine. De là sont nées les sciences positives, substituant l’immanence des lois naturelles à la transcendance de la Providence. L’islam n’a pas suivi cette voie, et la science positive n’a pu naître sur ses terres. Dès lors, force est de conclure que deux mondes s’affrontent, antagonistes dès l’origine, totalement opposés, irréconciliables. Si l’un l’emporte, l’autre doit périr : c’est bien ainsi que l’entendent les adversaires de notre civilisation, auxquels il est vain de demander d’inventer un « islam de France » ou d’Europe, ou d’ailleurs.

De même qu’il serait vain de croire à la réelle volonté de nos politiques d’obtenir un aggiornamento de l’islam : ce ne sont vraisemblablement qu’utopies ethnocentristes délirantes ou, plus vraisemblablement, phrases creuses de propagande.

Vautrin

(Le nom de l'auteur est connu de la rédaction)

PS : Il est indispensable, afin de se faire une idée précise de la problématique, de prendre connaissance du coran ; on se réfèrera aux traductions de Régis Blachère, « Le Coran », de Denise Masson, « Le Coran », et de l’excellente traduction de Muhammad Hamidullah, « Le Noble Coran ».

Signalons deux ouvrages de grande importance : le premier est la traduction des premières sourates dont le texte est mis en rapports philologiques avec l’Hébreu et l’Araméen, par Frère Bruno Bonnet-Eymard, « Le Coran » (La Contre-Réforme Catholique). Cet ouvrage révèle beaucoup de malfaçons linguistiques dans la fabrication du coran moderne et restitue un texte assez éloigné de la version canonique. Le second est la thèse de Jean-Jacques Walter, « Le Coran révélé par la théorie des Codes » (Éditions de Paris), qui applique l’analyse mathématique au texte et révèle une entreprise de rédaction ayant duré près de deux cents ans, avec une pluralité de rédacteurs.

 

6 commentaires

  1. Posté par Vivi le

    Dossier tabou, M6 : Bernard de la Villardière agressé durant un reportage
    Bernard de la Villardière malmené par des agresseurs durant un reportage de Dossier tabou, consacré à l’Islam en France et diffusé ce 28 septembre 2016 à 21 h sur M6
    [Vi… – telestar.fr
    http://www.telestar.fr/2016/videos/Dossier-tabou-M6-Bernard-de-la-Villardiere-agresse-durant-un-reportage-Video-237344

    Emission à voir et à revoir dans tous les pays francophones … dans son documentaire, Bernard de la Villardière et son équipe, nomment même Genève et les Frères Musulman. Tarik fait aussi partie de ce documentaire exceptionnel ! Bravo , ils ont ENFIN osé mettre au grand jour ce grand « secret de Polichinelle » que les gouvernements essayent encore, tant bien que mal, nous cacher à tout prix, même en essayant de nous prendre pour des idiots ! Les dihmmis et les collabos sont également bien servis !

    La modération : merci à vous : http://lesobservateurs.ch/2016/09/28/france-seine-saint-denis-lorsquun-journaliste-agresse-racaille-immigree-video/

  2. Posté par Christian le

    Analyse parfaite et brillante de la situation! Qui explique très bien pourquoi partout dans le monde, aussitôt que le nombre de Musulmans leur permet de « relever un peu le nez » il y a conflit. Avec les Chinois, les Russes, les Hindous, les Chrétiens, les Bouddhistes, les Animistes…. Ils ont pourri la vie de nos ancêtres pendant près de 1000 ans et ce n’est que la force, la seule chose qu’ils respectent, à l’occasion de la conquête de l’Afrique du Nord qui nous en avait momentanément débarrassés. Le monde entier doit leur être soumis et si nous nous laissons faire, ils feront de nous ce qu’ils ont fait des Berbères.

  3. Posté par conrad.hausmann le

    Pas seulement en France. L’Islam est intrinsèquement anti-démocratique. Aucun pays où l’Islam est religion d’état est une démocratie, il y a incompatibilité totale.

  4. Posté par ribollet jean-nicolas le

    il suffit de relire une lettre de Charles de Foucauld à l’académicien René Bazin le 10 novembre 2005 ,pour tout comprendre sur le fait que les musulmans,dans leur grande majorité ne pourront devenir français.

  5. Posté par Vautrin le

    Bien sûr, le problème historique fondamental est celui de l’immigration, de l’invasion galopante et de son corollaire : l’islamisation. Mais les politiques et la bien-pensance, ne pouvant plus guère cacher la forêt derrière l’arbre, donc minimiser le phénomène, s’efforcent de trouver des « accommodements raisonnables », et parmi ceux-ci un aggiornamento du coran. C’est évidemment de la poudre aux yeux, mais il faut bien que la supercherie soit dévoilée et expliquée aux citoyens qui auraient encore des illusions sur l’envahisseur islamique. C’est un aspect important du combat politique, tout en sachant que la solution est entre les mains du peuple qui devra se donner des chefs hardis et débarrassés des illusions, dont ce que j’appelle le « recto-humanisme » (adoration des « droits-de-l’homme » à la sauce CEDH et Sorros).

  6. Posté par monde-tombé-sur-la-tête le

    Mais qu’est-ce que tout ca fout ici en France? c’est ca la question !
    On peut continuer a débattre sur le sexe des anges à longueur de journées, pour essayer de nuancer si l’islam et comme ci ou si l’islam est comme ca, et pendant ce temps l’invasion continue !
    La seule question relevante et valable est: en quoi est-ce que tout ca devrait nous concerner? cette histoire ne nous regarde pas, n’a rien a voir avec nous, comme si c’était un coup de destin inévitable, ou une météo?
    En quoi est-ce que cela devrait ne serait-ce que commencer à nous concerner?

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