En librairie le 05 septembre 2016

Une Algérienne réfugiée en France témoigne

L'auteur : Aquila est née au cœur de l’Islam, l’Algérie, elle y (sur)vécut trois décennies avant de pouvoir s'en évader, comme on s'évade de prison. Trois décennies dont une noire (ou rouge) : celle de la guerre civile au nom d’Allah, pendant laquelle le sang des Algériens et des étrangers (les moines de Tibhirine entre autres) y coule à flot. Le terrorisme islamique a par la terreur mis à genou tout un pays. Contre vents et marées, en temps de paix comme en temps de guerre et au risque de sa vie, elle résiste et refuse de se soumettre à l’Islam. 

EXTRAIT N°2 (le voile Islamique)

Ma rencontre consciente avec le voile Islamique eut lieu à mes quatre ans, en 1979, année de la Révolution iranienne qui a transformé l'Iran en république islamique, imposant le retour au voile islamique (nommé le tchador) aux femmes iraniennes. Pendant ce temps et à mille lieux de l’Iran, dans notre maison juchée au sommet d’une montagne de Kabylie, je voyais ma mère –une belle Berbère de quarante-deux ans– se préparer pour sortir. Elle mit sa plus belle robe kabyle, une longue robe arrivant aux chevilles et coiffant ses longs cheveux en tresse, puis elle porta comme d’habitude son foulard kabyle fleuri brodé de franges et noué sur le côté, en laissant apparaître quelques mèches de ses cheveux. Elle était si belle et si rayonnante, j’étais si fière d’elle. Mais quelques minutes plus tard, je la vis prendre une sorte de long drap blanc en soie –le hayek– et se couvrir intégralement de la tête aux pieds, en attachant le milieu au niveau de sa ceinture. Ensuite elle prit un autre petit morceau de tissu avec dentelles et cacha une partie de son visage (on ne pouvait plus voir que ses yeux), cachant ainsi toute sa beauté, son élégance, son sourire, son identité, son corps et son âme. Tout disparaissait d’un coup sous ce voile intégral, elle devint une ombre, un fantôme, un OMNI (Objet Marchant Non Identifié) ! (…)Mon regard croisa le sien, et dans ses yeux, qui sont le miroir de son âme, j’aperçus de la peine, de la colère et de la tristesse. Je vis une prisonnière dans une cage ! (…) Cette fois j’assistais en direct, sans filtre, sans voile devant mes yeux devrais-je dire, à la transformation de ma mère d’une belle et jolie femme en un fantôme. C’est la première fois de ma vie que j’eus conscience de l’existence de cet uniforme, uniforme de ségrégation, imposé par les hommes aux femmes. Mais on aurait dit que j’étais la seule des nombreux enfants présents à être indignée par ce spectacle incroyable. Aucune des personnes présentes (mes sœurs, mes nombreux cousins et cousines) n’avaient l’air choqué ou étonné comme je l’étais de voir leur maman se transformer ainsi en fantôme. Cette situation totalement ANORMALE à mes yeux, était tout à fait NORMALE aux leurs. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais la seule que cela troublait, avais-je raté un épisode ?... Page 156

EXTRAIT N°3 (la femme et la plage en terre d’islam)

… Il fait souvent très chaud, mais si tu oses te promener en short ou jupe courte ou avec un décolleté ou en débardeur, tu seras transpercée, déshabillée du regard et harcelée par les frustrés croisés par centaines partout, voire traitée de pute par des passants coincés, des enfants, des jeunes, des vieux iront même jusqu’à te cracher dessus. Tu veux aller à la plage en famille, cela ne se fait pas, avec des amies ou amis non plus, tout simplement parce que plage signifie montrer son corps, se mettre en maillot. Or il est interdit socialement pour une jeune femme de se mettre en maillot sur une plage publique seule, avec des copines ou avec son petit ami. Les couples mariés et familles qui s’y risquent ne tardent pas trop et préfèrent aller dans des plages privées, et chères. J’ai grandi dans une société où le harcèlement sexuel est quotidien et devient presque une banalité, soixante-quinze pour cent de la population a moins de trente ans, la grande majorité sans emploi, sans aucune occupation, occupant les rues, soutenant les murs, squattant les terrasses de cafés, les magasins. Partout où vous marchez en tant que femme vous serez scrutée de la tête aux pieds, dévisagée, sollicitée en permanence. La femme non voilée est sujette à un sentiment d’angoisse à chaque fois qu’elle ose marcher seule, elle a l’impression d’être scannée de la tête aux pieds par des regards incessants, et on a cette vague impression de n’être qu’un morceau de viande que les hommes aimeraient se mettre sous la dent, sans compter les sifflements qui nous rappellent que nous ne sommes que des objets. J’étais tout le temps vêtue décemment (malgré la chaleur), je ne portais pas le voile mais voile ou pas, les regards sont insistants, pesants, gênants. Mais le pire c’est de subir des harcèlements physiques du genre accidentellement frôlée, tripotée dans les transports publics, c’est rageant. C’est le lot de toute la gent féminine qui doit prendre les transports publics pour aller étudier, ou travailler, ou juste aller voir de la famille, ou aller en ville. Page 20

Editions Tatamis