Ukraine / Russie – La guerre du Donbass

Michel Garroté
Politologue, blogueur

Donbass-1

   
Je laisse à l’auteur la responsabilité de son interprétation mettant en cause une "certaine idéologie anglo-saxonne" et son présumé "Grand Jeu". Je dirais même plus : je ne partage pas du tout sa théorie sur une "certaine idéologie anglo-saxonne" et son présumé "Grand Jeu". Cependant, je publie des extraits de son analyse de la guerre du Donbass, car elle nous change des analyses colportées par l'ensemble des médias classiques.
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Sur Polemia, Emmanuel Leroy écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Nous savons, grâce à Madame Victoria Nuland, que les Etats-Unis ont investi 5 milliards de dollars depuis 1991 en Ukraine. Officiellement, cet argent a été investi pour, je cite Mme Nuland, « favoriser la participation citoyenne et la bonne gouvernance… et aider l’Ukraine à devenir prospère, sûre et démocratique ». Il est certain que lorsque l’on vient en Ukraine aujourd’hui, on voit partout la prospérité, la sécurité et la démocratie. Je ne connais pas le détail de l’affectation de ces 5 milliards de dollars, mais j’ai observé que pendant ces années post-soviétiques en Ukraine comme dans d’autres pays de l’ancien Pacte de Varsovie, on avait vu de nombreux pasteurs évangélistes venir convertir les populations, car la propagande religieuse est une des armes qu’utilisent les Anglo-Saxons pour subvertir les esprits.
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Emmanuel Leroy : Une partie de ces 5 milliards a certainement été utilisée aussi pour transformer les manuels scolaires et les « ukrainiser » afin de favoriser l’émergence d’un sentiment national ukrainien qui se dresserait contre Moscou ou tout ce qui représente l’âme russe. De la même façon, ont dû être financées par Mme Albright, M. Soros et leurs amis des associations culturelles ou religieuses pour développer les sentiments antirusses. Depuis l’élection de Leonid Kravtchouk en 1991 jusqu’à nos jours, c’est-à-dire pendant un quart de siècle, les Américains auraient donc investi 5 milliards de dollars pour arracher l’Ukraine à la sphère d’influence de Moscou. Cet argent aura été employé dans les sphères politiques, religieuses, artistiques et culturelles, économiques, afin d’influencer les esprits et de provoquer des mutations profondes dans la pensée des gens par la réécriture de l’histoire, la désinformation, l’occultation de certains faits ou la déformation de ceux-ci.
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Emmanuel Leroy : Voilà très exactement la définition de ce que les Américains appellent eux-mêmes le « soft power ». Ce concept, développé dans son livre Bound to Lead par le professeur américain Joseph Nye dans les années 90 du siècle dernier, soutient qu’il est possible d’affirmer sa puissance aujourd’hui par la persuasion et la contrainte douce sans avoir à utiliser d’emblée la puissance militaire ou les moyens de rétorsion. Mais comme les Américains n’ont gardé de leur médiocre mythologie et de leur courte histoire que les bagarres entre les cow-boys et les Indiens, ils ont donc ajouté à ce concept de soft power celui de « smart power » ou pouvoir intelligent, c’est-à-dire une combinaison de la force pure (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie…) et de la contrainte qui peut s’appliquer, par exemple, sous la forme de sanctions économiques comme celles dont souffre la Russie aujourd’hui ou comme les ont subies des pays comme l’Iran ou Cuba et bien d’autres encore.
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Emmanuel Leroy : Mais ces méthodes de soft power peuvent s’appliquer aussi aux « alliés », je dirais plutôt aux vassaux, c’est-à-dire à des pays comme la France à qui on interdira de vendre des bateaux à la Russie (en violation totale de toutes les règles commerciales et du droit international) et à qui on infligera des sanctions financières colossales, comme l’amende de 9 milliards de dollars imposée à la BNP parce qu’elle avait couvert des transactions commerciales avec l’Iran (interdites par les USA) et au motif qu’elle avait utilisé des dollars pour cela. Bref, comme nous le voyons, ce qu’ils appellent le soft ou le smart power ressemble beaucoup aux méthodes de la mafia où il faut faire beaucoup de révérences au Parrain pour qu’il vous laisse manger votre os dans votre gamelle et qui vous brise les reins si vous l’offensez ou s’il estime qu’il doit vous voler ce que vous possédez.
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Emmanuel Leroy : Mais revenons à la notion de temps. On disait tout à l’heure que les Américains se vantaient d’avoir investi 5 milliards depuis 1991. Une première impression serait de se dire qu’ils travaillent vraiment sur le long terme et qu’il y a, au Département d’Etat à Washington ou au Pentagone, des hommes et des femmes en place depuis l’élection de George Bush père, qui ont une haine rabique de la Russie et qui continuent, année après année, à porter des coups aux descendants d’Ivan Grozny. Mais cette première impression, même si elle n’est pas fausse, est largement insuffisante pour comprendre la véritable nature des ennemis de toutes les Russies. Nous allons voir tout à l’heure que les prémisses de cette lutte pour la domination du monde, car c’est de cela qu’il s’agit, remontent beaucoup plus loin que les années 90 du siècle dernier, et même bien avant la guerre froide.
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Emmanuel Leroy : Nous étions en février dernier à Moscou, avec mes amis Xavier Moreau et Nikola Mirkovic ici présents, invités par le prestigieux Institut russe d’analyse stratégiques (RISI) pour une conférence bilatérale franco-russe sur la lutte contre le terrorisme. Dans mon intervention, j’ai tenté de démontrer que la lutte contre le terrorisme nous ramenait inévitablement vers ceux qui en sont les promoteurs et qui utilisent la haine des musulmans salafistes contre tout ce qui n’est pas l’islam pour déstabiliser les sociétés que les USA ont décidé de détruire. J’en veux pour preuve cet extraordinaire aveu paru dans le New York Times du 23 janvier 2016 (je cite) : « Lorsque le président Obama a secrètement autorisé la Central Intelligence Agency à commencer à armer les combattants rebelles de Syrie en 2013, l’agence d’espionnage savait qu’elle aurait un partenaire disposé à aider à financer l’opération clandestine.
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Emmanuel Leroy : C’était le même partenaire sur lequel la CIA s’est appuyée pendant des décennies pour son argent et sa discrétion dans les conflits lointains : le royaume d’Arabie Saoudite. "Depuis lors, la CIA et son homologue saoudienne maintiennent un accord inhabituel pour la mission d’entraînement des rebelles, à laquelle les Américains ont donné le nom de code de Timber Sycamore. Avec cet accord, selon d’actuels et anciens hauts fonctionnaires, les Saoudiens fournissent à la fois des armes et de grosses sommes d’argent, et la CIA dirige l’entraînement des rebelles au maniement des fusils d’assaut AK-47 et des missiles antichars. Le soutien aux rebelles syriens n’est que le chapitre en cours d’une relation qui dure depuis des dizaines d’années entre les services d’espionnage d’Arabie Saoudite et les Etats-Unis, une alliance qui a traversé le scandale Iran-Contra, le soutien des moudjahidines contre les Soviétiques en Afghanistan et les combats par procuration en Afrique".
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Emmanuel Leroy : "…'Ils ont compris qu’ils ont besoin de nous, et nous comprenons que nous avons besoin d’eux', a déclaré Mike Rogers, originaire du Michigan, ancien membre républicain du Congrès. "Les hauts fonctionnaires n’ont pas révélé le montant de la contribution saoudienne, bien plus importante que celle des autres nations, au programme d’armement des rebelles contre l’armée du président Bachar el-Assad. Mais on estime le coût total de l’armement et de l’entraînement à plusieurs milliards de dollars".
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Emmanuel Leroy : Pourquoi parler du terrorisme et de la guerre en Syrie dans une intervention consacrée aux racines de la guerre dans le Donbass ? Eh bien tout simplement parce que ces événements sont liés. Derrière les extrémistes de Praviy Sektor ou les mercenaires polonais, baltes ou anglo-saxons envoyés par le régime fantoche et illégitime de Kiev, il y a les mêmes ONG, les mêmes banques internationales, les mêmes sociétés multinationales, les mêmes « think tanks » que ceux qui opèrent en Syrie, au Yemen ou en Libye aujourd’hui ou qui intervenaient en Tchétchénie et en Géorgie hier, conclut Emmanuel Leroy (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Michel Garroté
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http://www.polemia.com/les-causes-profondes-de-la-guerre-dans-le-donbass/
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2 commentaires

  1. Posté par Jacques le

    D’accord avec Myrisa Jones. J’ai peine à comprendre pourquoi Michel Garroté se croit obligé de prendre sa distance envers l’excellente analyse qu’il cite dans son article. S’il ne l’endosse pas, alors qu’il ne la publie pas. Ou alors qu’il nous dise clairement sur quels point il n’est pas d’accord. Pour mon compte, je trouve que l’analyse de M. Leroy est impeccable. Elle recoupe les source dont je dispose personnellement. Celles-ci ne sont ni la NZZ, ni Le Temps, ni l’Hebdo et encore moins Fox News et The Economist ! 😉

  2. Posté par Myrisa Jones le

    M.Garroté
    Je dois vous dire que je ne comprends pas très bien le sens de votre démarche, qui est de publier une autre analyse de la guerre du Donbass en l’introduisant ainsi:
    « Je laisse à l’auteur la responsabilité de son interprétation mettant en cause une « certaine idéologie anglo-saxonne » et son présumé « Grand Jeu ». Je dirais même plus : je ne partage pas du tout sa théorie sur une « certaine idéologie anglo-saxonne » et son présumé « Grand Jeu ». Cependant, je publie des extraits de son analyse de la guerre du Donbass, car elle nous change des analyses colportées par l’ensemble des médias classiques. »

    En résumé vous ne partagez pas l’interprétation de M. Leroy, qui n’est de loin pas le seul à dénoncer tout cela. Pourquoi pas! Mais nous la présenter juste pour que cela « nous change » est une expression qui n’est pas très heureuse de votre part.
    La destruction de pays entiers et les drames humains innombrables que cela représente dans la réalité, est dénoncé depuis des décennies, preuves à l’appui, comme étant effectivement le résultat de la stratégie assassines des USA et de ses vassaux anglo-saxons et européens pour la domination du monde et de ses ressources. C’est pourquoi les termes utilisés dans votre présentation sont d’une légèreté coupable.

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