Étranger dans son propre pays

de Vautrin, docteur d'État et ancien maître de Conférences.

En matière de violence, la violence politique a bien des aspects d’une violence psychologique, puisqu’elle assujettit. Parlant de violence politique, on ne vise pas nécessairement l’oppression visible, la Gestapo ou le NKVD, non : il s’agit de cette forme absconse de coercition née de la centralisation gouvernementale jointe à la centralisation administrative : « … elle habitue les hommes à faire abstraction complète et continuelle de leur volonté ; à obéir non pas une fois sur un point, mais en tout et tous les jours. » (Tocqueville).

La suprême rouerie des tyrans est d’amener leurs sujets à l’obéissance sous couvert d’intérêt. L’un des exemples les plus frappants, si l’on veut bien s’y arrêter, est la sécurité routière. Il est vrai qu’en un temps, lorsque le réseau routier était encore primitif et les équipements de contrôle des véhicules en-deçà des performances, il y eut un très grand nombre d’accidents mortels. La puissance centrale s’en inquiéta, et l’on imposa à l’automobiliste le bouclage obligatoire de la ceinture de sécurité. Puisque c’était une ordonnance de police, l’infraction devenait punissable, le conducteur comme le passager perdait de son autonomie, réduit qu’il était soit à user de son autonomie de choix, en payant des amendes, soit à l’obéissance passive.

La crise pétrolière de 1973 a incité un gouvernement, sous couvert d’économies d’énergie, à limiter la vitesse à 90 km/h sur les routes secondaires. On peut le comprendre. Mais ensuite, l’objectif de parcimonie énergétique ayant été réduit à peu puis oublié, on a maintenu cette limitation, même lorsque la configuration de la chaussée permet une vitesse plus élevée. Dans sa volonté enragée de règlementer, un gouvernement ne s’apprête-t-il pas même à abaisser la vitesse à 80 km/h alors que l’équipement des véhicules a considérablement accru la maîtrise du conducteur sur la machine et que le réseau routier s’est amélioré ? Bien sûr, les vociférations de certains groupes de pression appuient de telles atteintes à l’autonomie et à la responsabilité des conducteurs. Il est clair, cependant, que de telles mesures n’ont absolument pas pour objet la sécurité – ce n’est là que le prétexte- mais bien l’obéissance. La désobéissance est traquée : cinémomètres, contrôles inopinés, voire sycophantes prompts à dénoncer. Il s’agit bien de violence politique.

Ce n’est là qu’un petit exemple. Deux autres nous montreront la face de cette violence, mais ils sont tellement intriqués qu’on a peine à les présenter séparément : le forçage de l’opinion et l’allochtonisation des autochtones. Là, il n’est plus question de cacher la tyrannie derrière le prétexte de sécurité, elle prend le masque du « vivre ensemble ». L’expression même est spécieuse, car elle évoque spontanément le contrat social là où il n’y a pas de négociation, où il n’y a que coercition et obéissance passive. L’idée générale est que l’on veut, pour des raisons idéologiques bien connues au demeurant, inhiber l’exclusion-inclusive fondatrice des sociétés pour faire place à des groupes allochtones inintégrables parce que trop différents, par leur histoire, leurs mœurs et leurs croyances, du groupe autochtone. C’est là encore, on le voit, cette volonté perverse des Guides et illuminés de considérer l’humain comme l’argile du potier que l’on peut façonner à sa fantaisie.

Or le groupe résiste à cette violation de son être. Il est évident que l’incompatibilité des mœurs rend inévitable le conflit, et qu’à l’exigence même modérée de respect des lois de la Cité que l’autochtone présente à l’allochtone, ce dernier réplique de plus en plus souvent par un refus agressif, voire fanatique. Aucune négociation n’est alors possible, il n’y a pas de contrat social, seulement des abandons de souveraineté qu’on travestit sous l’appellation fallacieuse « d’accommodements raisonnables ». Le danger est grand de basculer non dans la guerre civile, mais dans la guerre tout court, dès le moment où s’installe le communautarisme, c’est-à-dire un « État dans l’État ». Voilà qui contrarie l’idéologie et les projets des Guides et illuminés.

Car la tyrannie ne saurait admettre que le citoyen regimbe : on va donc non pas demander à l’envahisseur de s’intégrer, mais forcer l’autochtone non seulement à l’accepter, mais aussi à se rendre compatible avec lui. On va donc protéger l’allochtone et contraindre l’autochtone jusqu’à ce qu’il devienne étranger en son propre pays. Pour cela, le tyran n’hésitera pas à déplacer des populations pour les forcer à vivre en voisinage ; ces mesures coercitives font l’objet de ce que l’on appelle hypocritement « politique de la ville » en France, plus prosaïquement « socialisme municipal ». Le citoyen est forcé de dépenser pour construire dans le privé de sa commune (ce n’est pas un oxymore, la commune est un privé contractuel) du logement pour l’hôte imposé et assisté. On contraindra l’autochtone à accepter des édifices cultuels totalement étrangers à ses convictions spirituelles – ou à leur absence. Peu à peu le paysage change, et voilà qu’un triste matin Jeannot Lapin se voit chassé du paternel logis.

Les tyrans savent qu’à toute action s’oppose une réaction, que la violence qu’ils imposent au citoyen peut induire une violence opposée. Il importe, par conséquent, de conjurer le péril potentiel par le forçage de l’opinion. Dans cette configuration de guerre, on ne peut évidemment pas évoquer hypocritement l’intérêt : quel être sensé trouverait avantage à être étranger chez lui, c’est-à-dire exproprié ? La violence légale inspirée par l’idéologie va donc se doubler d’une violence purement idéologique, les deux formes étant étroitement intriquées. Celle-ci prend trois formes distinguables sinon distinctes.

La première est celle de l’abêtissement. Cela commence très tôt, dès l’École jadis affirmée comme « libératrice » (on se demande de quoi). Il ne s’agit pas seulement de la dégradation assez rapide des savoirs fondamentaux : calcul et écriture/lecture, mais aussi de la disparition progressive de savoirs sociaux comme la géographie et  l’histoire, mais aussi le centrage sur « l’apprenant » (!) et sur tout un tas d’activités à la mode mais que l’on pourrait sans dommage renvoyer sine die. Cela continue par l’instillation d’une culture (au sens commun) de très bas étage faite d’émissions télévisuelles et d’infra-littérature dont la bêtise le dispute à la vulgarité. On cultive l’hédonisme – le meilleur agent d’assujettissement – et le rêve de pacotille. Panem et circenses, du pain et les jeux du cirque. Abruti de cette manière, un peuple ne regimbe plus.

La seconde est l’éradication. Lorsque l’on rend l’autochtone allochtone chez lui, le plus efficace est de le persuader que tout commence et tout finit par lui, ou plutôt pas ses maîtres, qu’il n’y a pas d’Histoire. L’héritage est, par conséquent contesté, on en vient même à faire regretter que l’Histoire n’eût pas pris une autre tournure, à l’instar de Hitler et du « moderne » Mélanchon déplorant la victoire de Charles-Martel. Mon Dieu ! Il n’y aurait pas d’invasion si l’envahisseur avait triomphé en 732 ! Les Croisades ? Fi ! Henri IV ? Au pot ! Richelieu ? Ne connais pas. La Bataille des Dunes ? C’est où, ça ? On fera tout de même une exception pour la Grande Révolution qui a promulgué les Droits de l’Homme (au prix d’un holocauste, mais n’en parlons pas). Mieux vaut l’épopée de Mahomet et l’Empire du Monomotapa. À bas Vercingétorix et ses incorrects Gaulois !

La troisième, enfin, est la culpabilisation. C’est la forme le plus perverse de la violence politique. L’esclavage : vous vous rendez compte ! - Oui, mais enfin, c’est ancestral et même contemporain et il y a eu la complicité des tribus locales… - Fi ! Et la colonisation hein ? - Oui, mais nous les avons soignés, pacifiés, instruits… - Fi, vous dis-je ! La vérité, monsieur, est que vous êtes raciiiiiste ! Et voilà le grand mot lâché, accolé avec celui indu de « fasciste ». - Mais enfin, l’islam… - Ah mais, monsieur le fasciste, vous stigmatisez les gens pour leur religion ! Allez donc, nous les avons exploités, subvertis, soumis, nous avons donc à nous excuser, nous faire pardonner, et à leur ouvrir notre maison.-  La vôtre, dans le quartier du Marais, monsieur le Bobo ? - Ah ! Ne déviez pas la conversation, je vous prie !

Voilà où mène la violence politico-idéologique, à perdre son identité, son histoire, ses biens. A faire, donc, du citoyen un sujet, un enfant à qui l’on raconte des sornettes. Un soumis.

 

(Le nom de l'auteur est connu de la rédaction)

 

9 commentaires

  1. Posté par Tommy le

    Avis aux Lausannois!
    Foutez-vous un bon coup de nostalgie en visionnant le petit film  » Lausanne, rendez-vous of the world » , sur Google.
    Il date des années 48-50 , dure huit minutes et vous démontrera ce que cette ville avait pu être avant que l’Europe ne soit submergée de migrants inintégrables, arriérés et revendicateurs.

  2. Posté par pépé le moko le

    Lausasnne- ouest, Renens, Chavannes, Les Suisses ? retraités modestes, vieillards en déambulateurs ou aidés d’ une canne.
    sinon, plein de femmes voilées qui déambulent avec une poussette et un ventre déjà annonciateur de notre future disparition.

  3. Posté par conrad.hausmann le

    Quand je me promène à Genève… je suis étranger dans mon pays!

  4. Posté par Pierre Pons le

    D’accord avec l’essentiel de ce texte. Cependant, les suisses n’ont aucune excuse : avec la démocratie directe, ils ont eu l’occasion, à maintes reprises, de s’opposer au principe de l’immigration/invasion massive permanente et donc à la destruction lente mais irrémédiable des FONDAMENTAUX qui ont rendu ce pays pacifique et prospère. Le résultat du 9 février 2015 arrive beaucoup trop tard. Les dégâts sont d’ores-et-déjà irréversibles. Par exemple, l’économie helvétique est devenue dépendante d’une immigration permanente de sous-payés consommateurs et locataires (l’immobilier est le dernier placement sûr qui permet d’obtenir du rendement pour le 2ème pilier), au même titre que l’héroïnomane est dépendant de sa dose. En plus d’être devenus des étrangers dans leur propre pays, les suisses de souche (= ceux dont les ancêtres étaient déjà présents lors de la 2ème guerre mondiale) subissent un génocide. Ce génocide est passif pour l’instant (par non renouvellement des générations et remplacement par des allogènes), mais pourrait bien devenir actif dans le futur (comme celui qu’ont subi les quelques cinquante millions d’indiens d’Amérique). Avec comme corollaire la disparition pure et simple du pays.

  5. Posté par Vautrin le

    Certes, le vieillissement artificiel des populations est aussi un élément d’asservissement, puisqu’il est prétexte à « repopulation », c’est-à-dire à remplacement de population, phénomène tangible et bien loin d’être mythique.
    Ce vieillissement naît de deux causes : l’hédonisme et… la médecine. Concernant la médecine, cela peut paraître étrange, mais elle nous fait durer, avec toute la pharmacie que nous absorbons, nous durons plus longtemps qu’autrefois. Au passage, cela a fait naître le fameux « conflit des générations », les vieux nombreux vivant avec les jeunes moins nombreux qui n’en finissent pas d’essayer de se placer.
    Ce conflit serait bien moindre si la population s’accroissait naturellement. L’hédonisme, influencé aussi par le mode de vie américain, fait que l’on « contrôle » les naissances, d’où une baisse artificielle du taux de fécondité de la population autochtone. C’est, en somme, une sorte d’eugénisme à l’envers, qui sert de justification aux thèses immigrationnistes. Le phénomène n’était peut-être qu’une tendance, à l’origine, mais il est devenu un levier puissant entre les mains des politiques, en instaurant très officiellement le « planning familial » qui ne devait pas, pourtant, être soutenu ni même toléré dans des pays où l’autochtone est une espèce en voie de disparition. Il en irait autrement dans le cas de pays à démographie galopante, car là est l’absurdité : on détruit des populations qui s’amenuisent, on laisse s’accroître exponentiellement des populations déjà en expansion.

  6. Posté par Fougères le

    C’est ce que nous vivons en France : une sensation d’être dépossédé de nos libertés, de nos traditions. Si nous ouvrons la radio ou la télé, c’est la propagande continue. Nous sommes dans une dictature sournoise. La société est complètement fracturée et détruite par les politiciens.

  7. Posté par Marie le

    Partagé à mes amis et contacts.

  8. Posté par Pierre Steiner le

    Excellent texte. Merci

  9. Posté par Sancenay le

    Du très bon Vautrin, à lire sans modération.L’exemple de la répression routière est parfait. Un oubli cependant d’une arme essentielle à l’asservissement du peuple par la « violence politico- idéologique » évoquée , qui a pour nom également, révolution, c’est le vieillissement artificiel des populations par avortement et « contrôle » – doux euphémisme- non moins idéologique des naissances.
    Que voudront et que pourront des populations vieillissantes- et qui plus est effectivement décérébrées- livrées à des vagues déferlantes d ‘invasion migratoire de populations jeunes pas toutes nécessairement remplies de la gratitude du « bon sauvage » cher à Rousseau ?

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