La politique de l’Autriche

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

Le soulagement était palpable au sein des médias, hier en fin d'après-midi, lors de l'annonce des résultats officiels définitifs: Alexander Van der Bellen a finalement été élu Président de la République d'Autriche devant Norbert Hofer du Parti de la Liberté (FPÖ).

A l'issue du dépouillement de 100% des bulletins comptabilités dans les urnes, le candidat du FPÖ était en tête avec 51,9% des voix contre 48,1% pour Alexander Van der Bellen, officiellement soutenu par les écologistes. Le dépouillement des votes par correspondance concernant 14% des suffrages aura fait la différence. Au final, M. Van der Bellen l'emporte avec 50,2% et une avance de 31'026 voix.

Au lieu du putatif extrémiste du FPÖ, l'Autriche se retrouve avec pour président un si grand démocrate qu'il déclara que jamais il ne nommerait un Chancelier fédéral du FPÖ "même si ce parti devait gagner les élections".

La résistance du système est étonnante. Tout était en place pour une nouvelle alternance. L'avance du candidat vainqueur du premier tour semblait difficile à rattraper, même si, on s'en doute, l'establishment prit immédiatement des mesures pour se maintenir. Exit l'impopulaire chancelier SPÖ Werner Faymann, qui abandonna son poste une semaine avant le scrutin. Restriction immédiate du droit d'asile (sur le papier en tout cas), là aussi entre les deux tours de l'élection présidentielle. Les deux grands partis au pouvoir poussèrent le vice jusqu'à soutenir Alexander Van der Bellen en transmettant les consignes de vote en toute discrétion, afin que leur impopularité ne nuise pas au dernier poulain en lice.

Les médias furent prompts à pointer du doigt une Autriche coupée en deux: d'un côté les riches, éduqués, urbains, votant en faveur d'un candidat pro-européen dans la continuité ; de l'autre, les pauvres, les ignorants, les ouvriers, les campagnards, en faveur de la rupture. Le trait est grossier. On voudrait faire passer les partisans du Parti de la Liberté pour une sorte de lumpenprolétariat qu'on ne s'y prendrait pas autrement - et ce, de la part même de ces élites soi-disant pétries d'humanisme à l'égard des plus pauvres.

La rupture perçue était-elle vraiment du côté de Norbert Hofer et du Parti de la Liberté? Ne se trouverait-elle pas plutôt dans la politique actuelle d'accueil de hordes de réfugiés qui changent rapidement la structure démographique et culturelle de l'Autriche? Derrière les étiquettes, des explications apparaissent et sont conformes avec cette analyse:

L'Autriche perd de la compétitivité sur ses produits industriels, le chômage progresse, il est à un niveau record dans son calcul national.

Chauffés à blanc par le discours de la FPÖ, les ouvriers autrichiens s'inquiètent de la concurrence à bas coûts des migrants, ils ne voient plus de moyen d'amélioration de leur situation. Ils craignent une déchéance et voient dans l'option nationaliste le seul moyen d'éviter cette déchéance.

D'autres populations en Europe fourbissent le même raisonnement. Les couches les plus vulnérables sont les premières victimes de la situation européenne actuelle. Working poors déjà assommés par les taxes et le coût de la vie, ils se retrouvent en concurrence avec des migrants que le patronat veut "intégrer" au marché du travail (à travers de coûteuses formations payées par eux et auxquelles ils n'ont pas accès) et doivent subventionner le reste, une grande masse d'immigrés économiques illégaux impossibles à employer à quoi que ce soit de productif et qui vivront aux crochets de la social-démocratie autrichienne, probablement jusqu'à ce qu'elle s'effondre.

En ville et en particulier à Vienne, ancienne capitale de l'empire, fonctionnaires, coupés du réel ou profitant carrément de la crise, recevant des salaires suffisamment élevés pour voir venir pendant encore quelques temps, épargnés par les centres d'accueil de migrants qu'on installe loin de leurs quartiers, les électeurs d'Alexander Van der Bellen ne font certainement pas preuve d'optimisme mais souhaitent avant tout la continuité. Le changement les effraie parce qu'ils auraient, pensent-ils, trop à perdre.

Alexander Van der Bellen l'a emporté... Sur le papier. La carte du scrutin montre réellement ce qu'il en est:

austria_final_breakdown.jpg

Les zones en bleu sont celles du perdant. Celles où le FPÖ finit en tête, malgré la pression internationale, médiatique, politique, enjoignant à ne pas élire M. Hofer. La participation était en hausse au second tour: le score du candidat de la droite conservatrice montre qu'il a recruté bien au-delà de son camp. Rarement défaite aura eu pareil goût de victoire.

Le candidat de la gauche a également élargi sa base électorale - mais dans une toute autre catégorie. Un flyer de campagne fait le buzz sur internet et montre jusqu'où les partisans du statu-quo sont prêts à aller pour conserver le pouvoir:

van_der_bellen_turc.jpg
Imprimé électoral rédigé en turc enjoignant à voter pour M. Van der Bellen

La libanisation de l'Europe s'accélère et les électeurs seraient bien inspirés de se demander pour quel peuple travaille leurs candidats.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 24 mai 2016

3 commentaires

  1. Posté par Peyhem Veys le

    Et voilà un beau résultat aussi de distribuer la nationalité et le droit de vote à toute une populace qui ne voit là que son propre intérêt, se foutant allègrement de son pays d’accueil. C’est le moment d’y réfléchir et on comprend pourquoi ces idiots de gauchistes veulent tellement le vote des étrangers….

  2. Posté par Derek Doppler le

    Ce coup-ci je vais être éminemment vulgaire, mais c’est largement mérité: les fiottes occidentales, ça mouille sa culotte en pensant aux printemps arabes -ou autres- mais ça chie dans son froc à l’évocation de printemps européens.

  3. Posté par Pierre H. le

    Que les Autrichiens ne viennent pas se plaindre ! Qu’est ce que les gens peuvent être cons !

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