Votation du 5.6.2016 sur le Service public. Entreprises publiques envahissantes, Editorial de Roger Köppel, Die Weltwoche 20.05.2016

J’ai de la sympathie pour l’initiative de René Schuhmacher contre l’économie tentaculaire de l’État.

 

De Roger Köppel

Les États ne sont pas des entreprises, les entreprises ne sont pas des États. Il existe des différences substantielles. On a, malheureusement, parfois tendance à les oublier.

Sur leur territoire national, les États ne sont pas exposés à la concurrence. Ils ont un pouvoir effrayant. Ils sont plus ou moins immortels. Les départements d'État survivent même lorsqu'ils sont en faillite, superflus ou les deux à la fois, grâce aux contributions obligatoires et aux impôts. Il faut souvent des décennies, voire des siècles, avant que ne meurent pour de bon des États morts.

En revanche, les entreprises doivent survivre. Elles sont confrontées à la concurrence. Elles doivent fournir des services que leurs clients paient de leur plein gré. Les entreprises en faillite, superflues, inutiles meurent rapidement, à moins d'être nationalisées. C'est d'ailleurs juste et une bonne chose. L'économie de marché est un système qui récompense le succès économique et sanctionne l'échec.

Les États et les entreprises sont différents. C'est aussi pourquoi ils sont dirigés autrement. Dans l'entreprise, ce sont les propriétaires qui décident, ou ceux qu'ils ont mandatés pour le faire. Les décisions viennent d'en haut, sont dictatoriales. La dictature doit ici être comprise sous un angle purement technique. «Dictature» signifie que quelqu'un doit prendre des décisions, donner des ordres et assumer la responsabilité. Là où les décisions sont erronées, les propriétaires répondent avec leurs biens.

Par contre, l'exigence souvent formulée par des entrepreneurs de diriger les États comme des entreprises est absurde. Les États gérés comme des entreprises sont des dictatures. Nous voulons une démocratie en Suisse, pas une dictature. Les dictatures d'État sont dangereuses. Les entreprises gérées sur un mode «dictatorial» sont inoffensives tant que la concurrence réfrène leur pouvoir. Les entrepreneurs sont rois chez eux, mais ne sont que des roitelets sur le marché.

Une bonne politique implique d'entraver politiquement les États qui sont des monopoles puissants, plus ou moins immortels. Alors qu'il faudrait libérer politiquement, autant que faire se peut, les entreprises privées qui, elles, ne sont pas des monopoles, sont mortelles et doivent s'imposer dans la concurrence quotidienne. De nombreux problèmes politiques se posent lorsqu'il y a confusion entre l'État et l'entreprise.

Ces circonstances font que je suis favorable à l'initiative «En faveur du service public» de l'avocat René Schuhmacher, situé plutôt à gauche et défenseur des consommateurs. Schuhmacher voit le problème: de nombreuses entreprises publiques suisses se comportent comme des entreprises privées. Elles aspirent à des rendements élevés, distribuent des dividendes énormes, versent des salaires qui se chiffrent en millions à leurs dirigeants et en oublient peu à peu leur mission publique, par exemple, en faisant des économies en Suisse pour gagner encore plus d'argent à l'étranger.

Ceci est incorrect et injuste. L'initiative de Schuhmacher vise à désenchevêtrer et à démêler. Elle part d'idées justes: il y a des entreprises publiques dont on ne peut ni ne souhaite abandonner les offres au marché. Tant que nous voulons avoir un service public, nous devons nous demander selon quels critères l'organiser. Schuhmacher a raison quand il revendique la mission politique de l'État dont le but n'est pas le rendement, mais la réalisation des missions souhaitées par les citoyens.

L'initiative demande aux entreprises publiques de réinvestir impérativement les profits qu'elles génèrent avec le «service universel» protégé par l'État dans ce même service. Injecter des dividendes et/ou des investissements élevés dans d'autres domaines est interdit. Le raisonnement est logique. Il est injuste que les entreprises soient autorisées à investir comme bon leur semble les bénéfices qu'elles engrangent grâce à des privilèges publics pour les accroître. La Poste, par exemple, économise sur les services en Suisse pour faire des affaires au Vietnam. On néglige les missions de base pour se développer ailleurs. Cela n'est pas normal.

La revendication de Schuhmacher que les chefs d'entreprises publiques réduisent leurs salaires est aussi juste. Ils doivent gagner correctement leur vie, mais pas trop non plus dans leur petit milieu protégé. Cela n'a rien à voir avec l'envie ou la polémique, mais c'est une exigence objectivement justifiée du point de vue libéral. Premièrement, les dirigeants des entreprises publiques supportent moins de risques. Deuxièmement, il n'est pas juste que l'État braconne, avec tous les avantages dont il dispose, sur le marché de l'emploi en proposant des salaires exorbitants. Les emplois publics offrent la sécurité et la reconnaissance. Quiconque veut se remplir les poches devrait continuer à le faire sans filet.

Je vais voter oui. L'initiative n'a, à mon avis, qu'un seul défaut. Elle ne va pas assez loin: les entreprises publiques suisses ne devraient pas non plus être autorisées à se développer à l'étranger. La Poste n'a pas sa place au Vietnam, Swisscom a perdu des milliards en Italie. Le socialisme signifie que l'État s'estime être le meilleur entrepreneur et agit en conséquence. Le socialisme a fait faillite parce que les États ne sont pas de bons entrepreneurs. Or, c’est actuellement une situation socialiste qui règne chez Swisscom, à La Poste, aux CFF et à la SSR. Ce n'est pas la bonne voie.

J'aimerais, si l'initiative devait être adoptée, que le Parlement interdise dans la législation aux entreprises publiques de faire des affaires à l'étranger. Si La Poste veut intervenir au Vietnam qu'elle se fasse privatiser auparavant. Pour se développer en Italie, Swisscom ne devrait pas avoir d'actionnaire majoritaire public. L'erreur est double lorsque des entreprises favorisées par l'État prennent des risques à l'étranger avec des bénéfices obtenus dans les services publics en Suisse, risques que devra, au final, assumer le contribuable suisse. L'initiative «En faveur du service public» ne se contente pas d'aborder les vrais problèmes. Elle fournit également des solutions praticables.

Roger Koeppel

6 commentaires

  1. Posté par Gaston Siebesiech le

    Le PDC et sa représentante à Berne donne dans la magouille plus exactement nos politiciens se font graisser la patte (pour le simple citoyen c’est de la corruption) par NOS entreprises. Après les AG CFF, les vols Swiss aux conditions très spéciales, … maintenant les services VIP de Swisscom, les innombrables réceptions, meilleurs places VIP dans toute les festivités avec les chérubins, papa, la bonne, et moi, les postes de conseil d’administration dans les dites, la liste est probablement bien plus longue.
    Le tout est soustrait des impôts (oublis) de gauche à droite. Je me demande si les frais de déplacement Et les frais de participation ne seraient pas payés en plus alors que ces braves gens sont déjà largement dédommagé.
    Les verts et autres gauchistes et leur presse sont si sensibles à ces thèmes, ou pourrait penser avec raison pour une fois, ne pipent pas mots et profitent de ces gentils gestes spontanés et bien sûr complètement désintéressés. J’ai le sentiment que nous les citoyens « on ne nous dit pas tout »!
    Mais le pire, ces messieurs et dames camarades viennent nous faire la moral dans nos médias.
    Les verts sont des champions, en plus nous leurs payons des heures de publicité /présence alors qu’ils ne représentent que peu d’électeurs, les moralistes Schwaab, Sommaruga, Wettsteiner, Lévetar, Homme du nord, Ché pet, et autre Genosse … Ils nous roulent tous dans la farine, la conscience bien tranquille et sans vergogne car le peuple paye.
    De la transparence est demandée. Déjà que nos politiciens ne reçoivent pas de qualifications annuels, au moins que l’on connaisse, leurs revenus, frais, invitations en Chf, standard dans le monde économique. On veut savoir, tout le monde était égal devant la loi, je n’en suis plus sûr.

  2. Posté par Perrenoud Danielle le

    Je suis tout à fait d’accord avec Mr Köppel et j’ai déjà voté oui à cette initiative. Je trouve que le service de la Poste est particulièrement décevant pour les usagers. Manque de personnel et fermeture de bureaux postaux donc file d’attente . Entre une lettre recommandée qui se perd et qui aurait pu me faire rater un départ et qu’il faut aller en plus chercher à la poste ainsi que les colis alors que les frais d’envoi sont souvent élevés et l’annonce que l’on veut supprimer les cases postales, tout cela me fait penser que les bénéfices feraient mieux d’être réinvestis dans les services plutôt que de gonfler le bénéfices de la Confédération ou d’être exportés dans le monde.Il est évident que la perte que Swisscom a fait en Italie a été payée en partie par les contribuables ou les abonnés. En ce qui concerne les salaires des dirigeants des entreprises publiques l’analyse de Mr Köppel est tout à fait pertinente. Quant à la compétence que l’on ne peut découvrir qu’avec des salaires faramineux, c’est la même chanson que l’on vous chante concernant les entreprises privées et l’on a pu constater que les deux choses ne va pas toujours ensemble.

  3. Posté par Mario Lee le

    Aux arguments avancés par Koeppel, j’ajoute celui-ci : Si cette initiative passe, elle va à l’encontre des directives de l’UErss. Une raison suffisante pour voter oui !

  4. Posté par philippe le

    Fidèle à L’UDC , ancien fonctionnaire d’une régie j’ai constaté avec dédain de ce que les dirigeants ont fait de nos régies . un démantèlement parfait du bien de l’Etat. Tout lr patrimoine envolé ???

  5. Posté par André Verk le

    Si je ne peux approuver la nécessité d’avoir des Services Publics, puisque cela suppose un état et que celui-ci est la plus dangereuse fiction jamais acceptée par le peuple ainsi que son plus grand ennemi puisque toujours il le trahit, je suis toutefois conscient que l’idéal anarcho-capitaliste n’a aucun avenir proche en Suisse tant l’état y est par-dessus tout vénéré, résultat de la propagande incessante en faveur de « notre démocratie », et donc remercie Roger Köppel pour son point de vue.
    Si je vote je voterai donc comme lui.

  6. Posté par Economico le

    Le problème de l’Etat est qu’il n’agit pas dans l’intérêt commun, il cherche à optimiser les rentrées fiscales et parfois au détriment de la démocratie. La non-application du 9 février est un cas patent du refus de mis en application du droit.

    Un autre aspect du socialisme est une expropriation d’une part de la richesse au profit d’une « minorité » de fonctionnaire. Il ne fait aucun doute que le service public est nécessaire et qu’en Suisse il est de bonne qualité, mais il doit être économiquement efficace, sinon il est préférable d’opter pour une redistribution des excédents des recettes fiscales à la population à travers le « revenu de base inconditionnel ».

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