Le Christ et les terroristes

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

 

Une religion n’est pas une recette nous permettant d’améliorer notre vie sur terre. Ni de garantir une paix éternelle ! Une religion est une passerelle vers un autre monde, vers le Tout-puissant, celui ou cela qui se tient derrière nos pulsions, nos idées, nos philosophies.

L’expression de Tout-puissant fait frémir d’indignation aujourd’hui. Mais en même temps on parle aisément de Freud pour qui l’inconscient était une forme de toute-puissance sur nos âmes. Il y a aussi le peuple qui, au terme d’une votation, « a parlé » et à la volonté duquel on est supposé se soumettre. Enfin, il y a le tout-puissant consumérisme qui nous pousse vers du chocolat, une belle voiture ou des vacances. Entre un terroriste qui obéit à Allah et un consommateur pavlovisé par la publicité, mon cœur, parfois, balance. Lequel est le plus soumis ?

Il y a un épisode qui mérite quelque attention dans les Évangiles. Celui où le Christ demande au Tout-puissant (son père) s’il doit vraiment en passer par la crucifixion. Il fait nuit, les disciples dorment et c’est un sale quart d’heure. Jésus sue du sang. Finalement il accepte ce que veut son père, c’est-à-dire la crucifixion. Houellebecq dirait qu’il se soumet. Certes, mais avant de se soumettre, il a prié ou médité pour savoir s’il devait vraiment se soumettre.

Lorsqu’on rapporte cet épisode aujourd’hui, on peut entendre les âmes étroites se récrier : « pourquoi n’a-t-il pas fait ce qu’il voulait ? Sa vie lui appartenait ! »

Eh bien non ! Le Christ n’estimait pas que sa vie lui appartînt. Mais il n’estimait pas non plus qu’il devait obéir sans broncher au Tout-puissant. C’est de cet écart entre sa volonté et celle d’un Autre (son père) qu’est progressivement né l’individualisme occidental. Et puis cet écart s’est distendu au point de ne plus faire place qu’à la volonté de l’individu. C’est elle qui est devenue toute-puissante et synonyme de liberté. Mais comme il faut bien vivre en relative harmonie avec les autres (non plus l’Autre), on a inventé la démocratie. Elle fait coexister ma volonté avec la volonté du peuple. Mais à celle-ci l’individu n’a pas à se soumettre, bien qu’elle soit considérée souveraine ; le citoyen moderne peut vivre en marge des toutes-puissances, celle de son inconscient, celle du peuple et celle de Dieu. En d’autres termes, il peut devenir un marginal.

Y a-t-il dans les démocraties modernes de plus en plus d’individus qui vivent en marge ? Je n’en sais rien, mais je sais que vivre dans cette marge n’est pas simple. Vivre sans appartenir à rien ni à personne, « on the road » pour reprendre le titre d’un célèbre livre de Jack Kerouac, c’est entrer en enfer plutôt qu’au paradis. Mais pour certains cela reste un idéal. Plus de père, plus de patrie, plus de souveraineté et, surtout plus de toute-puissance ! C’est ce qu’on appelle s’émanciper.

Une émancipation totale conduit dans la nuit et sur les bords d’une route où, sans guide, c’est le désespoir. Raison pour laquelle on se met à furieusement chercher un guide et Allah est là, tout simple, un guide suprême, comme on le disait de Khomeiny !

C’est d’une autre nuit qu’il faudrait parler aux jeunes en route pour le djihad. Celle où le Christ sue du sang. Ils verraient un homme qui, bien que tout proche de Dieu puisqu’il était son fils, exprime sa peur du martyre.

Jan Marejko, 1.4.2016

15 commentaires

  1. Posté par Pierre H. le

    Monsieur l’Abbé ARBEZ,
    Je n’avais pas la bonne définition du mot hérésie et j’en suis désolé. Je vous remercie pour votre commentaire et bien évidemment, vous en savez beaucoup plus que moi sur le sujet. A part mon catéchisme à l’école et mes retraites de carême de la même époque, je n’ai jamais approfondi l’immensité culturelle et historique de tout cela. Mon point de vue est celui d’un observateur des évènements contemporains par rapport à ce que je connais de la vie de Jésus Christ. Un de mes cousins, aumônier ayant fait des études de théologie, pourrait avoir des discussions passionnantes avec vous j’en suis convaincu. Avec mes meilleures salutations.

  2. Posté par Abbé ARBEZ le

    Monsieur Pierre H. peut-être me suis-je mal fait comprendre. Hérésie n’a rien à voir avec sacrilège. Hérésie veut dire qu’on choisit ce qui plaît ou qui arrange dans une doctrine globale et qu’ainsi on s’éloigne du sens originel dans sa plénitude. Le pape Pie XI avait dit « nous somme spirituellement des sémites », sachant que si des païens adhèrent à Jésus, ils deviennent par le baptême, comme l’explicite le droit canonique membres de l’alliance de Dieu avec son peuple, et revêtus de la « israelitica dignitas ». Il faut rappeler comme aimait à le dire le cardinal J.M. Aaron Lustiger, que la primitive Eglise était 100% juive…Pour les premiers adeptes, il n’y avait pas de rupture, celle-ci n’eut lieu en réalité qu’après Nicée (325). Quant à l’enseignement de Jésus il est une récapitulation personnelle de la sagesse cultuelle et prophétique qui l’a précédé, il y a mis son empreinte certes, mais on ne part pas de zéro. C’est pourquoi la Bible hébraïque fait partie à part entière des Saintes Ecritures pour les chrétiens. Si vous connaissez les Ecrits bibliques, vous verrez que le prophète Isaïe annonçait l’expansion universelle de la loi de Dieu, pour le plus grand bienfait des populations païennes souvent exténuées par les rites idolâtriques. Les premiers disciples du 1er siècle, tous juifs, ont répandu la bonne nouvelle à partir des communautés juives de diaspora, avec enthousiasme mais sans prosélytisme. L’élection n’a jamais été un repli sur soi, mais une responsabilité à l’égard du monde environnant!

  3. Posté par Pierre H. le

    Monsieur l’Abbé Arbez,
    mettons de côté les termes comme hérésie ou hérétique ou encore sacrilège et laissons ça à Torquemada et sa clique.
    Je persiste dans mon commentaire et le signe. Jésus, comme vous le dites si bien, était Juif. Mais les Juifs, néanmoins, ne l’ont pas reconnu comme le Messie annoncé. Dès lors, le Christianisme est né, basé sur l’enseignement de Jésus Christ. Si vous ne voyez pas là une rupture, je ne sais pas quoi vous dire et si ça n’en était pas une, les actuels Chrétiens seraient juifs. D’autre part, le Judaïsme et les Juifs n’ont pas une propension à l’expansion puisqu’ils se disent les élus de Dieu alors que le Christianisme, lui, est universel. Encore une autre rupture entre les deux.

  4. Posté par Abbé ARBEZ le

    à Pierre H.
    le nouveau testament n’est pas une suite de l’ancien, dites-vous. En effet, le nouveau testament est rédigé avec de l’ancien testament, c’est le même langage. L’événement Jésus (un juif tout à fait juif) est présenté avec les structures de langage purement hébraïques. Mais dire qu’il y a rupture, au sens ou le nouveau remplacerait l’ancien est une erreur d’appréciation, et dans le monde catholique, c’est une hérésie: Marcion au 2ème siècle qui racontait de telles choses en a fait l’expérience, il a été exclu de l’Eglise. Pourquoi dites-vous que les chrétiens ont une représentation matérialiste de Dieu? Quelle drôle d’idée! Ce sont plutôt les matérialistes qui divinisent ce qui ne le mérite pas.

  5. Posté par Marejko le

    J’adore cette citation : Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière …

  6. Posté par Pierre H. le

    @ Renaud
    Je n’ai rien compris. De toute façon, la croyance est une affaire personnelle.

  7. Posté par Renaud le

    @ Pierre H. : le christianisme n’est pas une religion de l’être, ni suprême ni banal.
    Une religion de l’être c’est par exemple la franc maçonnerie, le boboïsme, le développement personnel, le potentiel humain infini de Lucie et autres perversions qui se proposent de remplacer la religion de l’avoir qui a fait son temps.

  8. Posté par Pierre H. le

    Je pense que nous avons une grille de lecture totalement erronée du Nouveau Testament. De plus, d’aucuns pensent qu’il est une suite de l’Ancien Testament alors qu’en fait il est une rupture d’avec l’Ancien Testament et il le remplace, d’où sa dénomination …nouveau. Ancien et nouveau ne sont pas comme 1er et 2ème. Ensuite, une totale fausse interprétation des paraboles qui étaient des métaphores tant il est parfois difficile de parler concrètement de choses immatérielles n’appartenant pas à cet univers. Après, l’image de Dieu. Il est représenté comme un vieil homme à barbe blanche. Bien-sûr, les chrétiens savent que ce n’est pas un vieil homme à barbe blanche (je l’espère en tout cas) mais ils en ont tout de même une représentation matérialiste et ça fausse complètement notre perception de l’Être Suprême. Et qu’est-ce qu’un être suprême ? Suprême a une connotation comme s’il était le grand chef, or pour moi, être suprême est plutôt que rien n’existe en dehors de cet être, donc nous en sommes puisqu’il n’y a rien en dehors et même où « dedans » et « dehors » ne veulent plus rien dire. Jésus a dit « mon royaume n’est pas de ce monde » ce qui démontre bien la spiritualité du christianisme comme pour le bouddhisme d’ailleurs où l’esprit doit se détacher de ce qui est temporaire. Dans les 2 cas, l’esprit doit se détacher du monde matériel. Maintenant, quand Jésus parle de Dieu, du Père, de l’Être Suprême que nous avons tendance à personnifier, et si en fait tout ça voulait dire simplement spiritualité totale, liberté totale de l’âme dans son univers propre, sans aucune entrave physique que ce soit espace/temps, matérielle, énergétique. Et le démon, le diable était l’opposé total, donc le matérialisme total, le plaisir matérialiste absolu, celui qui vous rive et vous enferme dans une prison solide car il a l’apparence du beau, est séduisant, est attractif, mais éphémère. Et ce « démon » vous empêche de retrouver qui vous êtes réellement et de retrouver votre état natif et de rejoindre celui d’en dehors de qui, rien n’existe. Par contre, je pense que le judaïsme et l’islam sont tous deux bassement matérialistes, la terre promise pour les uns par un dieu qui n’est que le leur et pas universel comme celui du christianisme , et le califat mondial pour les autres sur cette planète. Le message spirituel de Jésus n’a pas plu aux Juifs qui ne l’ont pas reconnu comme le Messie, et ils en attendent un autre qui ne viendra jamais puisqu’il est venu déjà il y a 2000 ans.

  9. Posté par C. Donal le

    @ Lucie
    Etes-vous adepte de Lucis Trust ?

  10. Posté par lucie le

    comme vous dites caroline c. heureux les fêlés car eux seuls laissent passer la lumière.

    nous devons tous accepter cette fêlure et la lumière passera mieux sur la planète entière et c’est d’ailleurs cette lumière là qui pourrait nous sauver de la déshumanisation actuelle………

  11. Posté par lucie le

    ou bien on considère la conscience humaine comme un cornichon à géométrie fixe conservée dans du vinaigre, ou bien on peut la considérer comme un potentiel humain infini dont on ne connaît encore que peu la capacité d’expansion.

    mais il est certain que ce n’est pas l’article que vous citez, Otto, qui va permettre d’ouvrir celle-ci et de lui donner « toute son amplitude » bien au contraire !
    pour ma part je préfère la psychose de ces « allumés » que la perversité des fishead que nous connaissons aujourd’hui.
    voir : fishead le film
    lire : http://www.issnoe.ch/les-tats-modifis-de-conscience-non-ordinaires/

  12. Posté par Caroline C. le

    Merci Otto, il y a quelques temps j’avais fait une recherche et n’avait rien trouvé … Peut-être était elle mal formulée !
    En tout cas quelqu’un a dit : « Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière …

  13. Posté par Renaud le

    Rien n’est plus proche de la folie que la sainteté c’est assez connu.
    Et cependant rien n’est plus éloigné de la folie que la sainteté.
    Posez plutôt votre question à des psychanalystes Otto, il ont moins de vénération pour la médiocrité.

  14. Posté par Sancenay le

    @OVH
    et le site que vous citez est quant à lui frappé d’hystérie et de délire sectaire.

  15. Posté par Otto von Himbergeist le

    Les grandes figures du monothéisme souffraient-elles de pathologies mentales ? Des neurologues et psychiatres américains ont essayé de répondre à cette question dans un article publié en 2012 dans la très sérieuse revue The Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences : http://www.slate.fr/story/115853/jesus-abraham-moise-psychotiques

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