Le diable est-il collégial?

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant
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Les journalistes SSR, les journalistes Ringier, les journalistes Tamedia, ainsi que 95% de mes chers confrères de ce pays, s’égosillent à nous brosser hargneusement le portrait-robot du deuxième conseiller fédéral UDC, à partir du 9 décembre prochain. A les lire, ou les entendre, ce futur élu doit certes venir des rangs de l’UDC (ils sont déjà bien gentils d’en convenir), mais à un détail près : sur le fond, il doit être tout, sauf UDC !

 

Ils ne cessent de nous répéter, ces chers éditorialistes, que la perle rare doit être « collégiale ». Argument singulier. Car enfin, que la personne soit « collégiale » ou non, c’est l’affaire de qui ? Du collège ! C’est un critère totalement interne au fonctionnement du septuor, lequel, croyez-moi, relève d’une chimie tellement aléatoire qu’elle ne dépend jamais d’un seul facteur.

 

L’argument « Blocher pas collégial » a été lancé, placé sur orbite marketing, rabâché en boucle, dans la législature 2003-2007, par l’entourage d’un conseiller fédéral radical valaisan pour qui il y avait, dans la cour, un coq de trop. C’était cela, tout le monde le sait, le vrai problème. Il fallait cet échauffement des esprits, pendant des mois, en amont du 12 décembre 2007, pour donner une assise de justification à l’éviction du Zurichois.

 

Oh certes, Blocher n’était pas un homme facile au sein du collège. Mais enfin, vous pensez que Couchepin en était un ? Ou Mme Calmy-Rey ? Ou, plus tôt, Mme Dreifuss ? Ou Jean-Pascal Delamuraz, admirable, quand il combattait la loi sur le travail, qu’il jugeait trop libérale ? Ou M. Stich ? Et puis, dans tous les cas, cette histoire de « collégialité », c’est une affaire interne à la chimie du collège : les proportions que l’argument prend chez les commentateurs trahit en fait leur haine totale, qu’ils feraient mieux d’avouer franchement, du premier parti de Suisse.

 

Du coup, sous le prétexte de « collégialité », la grande masse des commentateurs du pays n’en peut plus d’exiger, pistolet sur la tempe du parti qui vient de sortir premier des élections (donc, de recevoir un signal fortement positif de l’électorat), que l’heureux élu du 9 décembre soit tout, sauf UDC. Il faudrait qu’il soit ouvert à la libre circulation, alors que le credo de son parti dit exactement le contraire. Il faudrait qu’il se montre souple, arrangeant, sur la mise en application du 9 février 2014, alors qu’il provient du parti qui a remporté cette votation. Il faudrait, en un mot, qu’il abdique le sens de son engagement politique jusqu’ici, et s’aligne immédiatement sur les positions des cinq non-UDC du Conseil fédéral.

 

Cette exigence, face à un parti qui vient de remporter un résultat historique aux élections, est tout simplement surréaliste. Elle révèle, dans l’univers médiatique suisse, une mortifère tendance au déni volontaire de réalité. Une preuve de plus que le champ journalistique du pays doit, lui aussi, évoluer. En laissant vivre, éclore et s’exprimer, en Suisse romande notamment, une ligne de pensée capable de traduire les préoccupations du tiers de l’électorat pour qui le vote conservateur n’est pas nécessairement le diable. D’ailleurs, le diable est-il collégial ? Vaste question, non ?

Pascal Décaillet, Sur le vif - Samedi 31.10.15 

11 commentaires

  1. Posté par Pehem Veyh le

    @ toyet: ah ah ah ! Bonne idée. Comme cela, il n’aurait pas besoin d’être collégial puisqu’il n’est pas UDC. Et le Tessin serait, enfin, à nouveau représenté au CF….

  2. Posté par Droz PA le

    J’ai fait un rêve … les socialistes se faisaient vider du Conseil Fédéral qui se retrouvait 3 UDC 2 PLR ET 2 PDC ….
    Merci Monsieur Decaillet pour vos bouffées d’air frais !

  3. Posté par toyet le

    J’ai la solution, il suffit de présenter Norman Gobbi de la Léga…..

  4. Posté par Théodore J Berseth le

    Restauration, réformation, révolution !
    Avec la démission de l’anomalie EWS, c’est le possible retour de la formule de 1959 : les 3 premiers partis de Suisse 2 siège et un pour le 4ème…mais deux réformes sont nécessaires la fin du monopole des médias, y compris de la SSR, et l’application de ce principe à tous les échelons des exécutifs empêchant de fait les « double majorité » synonyme de dictature démocratique. Enfin, pour que le CF soit vraiment le reflet de la volonté des électeurs, la nomination du CF par le peuple avec le principe de la double majorité comme pour les initiatives populaires fédérales et quels partis ont le courage de le dire, de le demander ? Ceux que l’oligarchie politico-médiatique nomme les « micro-partis ».

  5. Posté par aline le

    A-t-on déjà entendu les UDC revendiquer aux autres partis des candidats UDC-compatibles?
    Si oui, la pianiste n’aurait jamais eu la moindre chance pour accéder au CF.

  6. Posté par aldo le

    Quelque chose me choque dans le concept tout ambigu et théorique de collégialité. On voit bien que les baffes ont été distribuées aux partis de gauche et du centre. Comment, sinon par le culot et le sans gêne immodérés, ces partis peuvent-ils revendiquer de choisir, non le futur décidé par le Peuple et les urnes, mais leur futur en vue de liquéfier dans la médiocrité les choix du Peuple ?

    Il manque dans cette formule si peu magique, mais suffisamment alambiquée pour neutraliser les effets positifs de la démocratie, un correctif pour redonner la priorité au Peuple. On peut résumer cette question comme suit : les traîtres peuvent-il revendiquer des droits au-dessus de ceux des Peuples ? Ne pas s’attacher à répondre positivement à cette question c’est tout simplement allumer la mèche d’une future guerre civile.

  7. Posté par lerat le

    Pour obtenir une collégialité parfaite, ce qui ne veut strictement rien dire, on devrait y mettre six bonobo (mâle ou femelle) et rappeler le buffle valaisan comme chef de meute et tout ira bien dans ce pays d’hypocrites. La collégialité à la sauce bien-pensante sera ainsi réalisée !

  8. Posté par Donald le

    Si être collégial veut dire être d’accord avec les 5 autres mollusques en place, pour finir la destruction de la Suisse et de ses valeurs, il vaut mieux ne pas y être au CF! Les suisses n’en veulent plus de cette politique insidieuse et traîtresse, surtout qu’avec l’exemple du total fiasco européen, ruine sociale-économique-humaine, au point que même la guerre entre pays de l’UE n’est plus exclue. Par contre celà la caste soit-disant intellectuelle ne le voit pas, tout comme du bon temps de l’URSS. Vivement un CF moins collégial pour stopper la course à l’âbime ! Bravo M.Décaillet et les Observateurs

  9. Posté par Pierre H. le

    Il faudrait faire des posters de cet article et les placarder partout au Palais Fédéral !!!

  10. Posté par Dufour R. le

    Ce système de collégialité n’a plus aucun sens de nos jours, vu les enjeux qui attendent le pays. Si c’est pour élire un autre Conseiller fédéral du type invertébré autant mettre un chimpanzé à la place ! Les séances du CF seront ainsi un plus animées !

  11. Posté par François le

    Merci Monsieur Pascal Decaillet de remettre l’église au milieu du village, manifestement les gens du PS et du PDC doivent absolument être rééduqués aux valeurs les plus essentielles de la démocratie, valeurs auxquelles actuellement ils ne comprennent rien, et qu’ils transgressent délibérément par dérive inconsciente, ou pire, cela serait-il conscient ?
    Il faut que cette ignominie cesse, nous attendons maintenant une vraie représentation démocratique du CF, et plus jamais cette sinistre parodie qu’ils nous ont imposé si longtemps, par exemple avec le coup monté et la trahison EWS.
    C’est ce qu’attend le peuple, s’en rendent-ils comptent ?

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