Tony Blair, criminel de guerre reconverti dans les affaires et la médiation !

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

 

 

Et revoilà Tony Blair… L’ancien premier ministre britannique vient de mener une médiation secrète entre le Hamas et Israël, simultanément sur deux dossiers : l’aménagement du siège de la bande de Gaza et la libération de deux prisonniers israéliens.

 

D’après des informations du quotidien Al-Hayat, confirmées par deux services européens de renseignement, monsieur Blair a intensifié les activités de son cabinet de consulting privé depuis sa démission de porte-parole du Quartet, le 27 mai dernier. Fondée en 2002 afin de faciliter la reprise d’un processus de paix israélo-palestinien, cette institution  réunit les Nations unies, l’Union européenne, la Russie et les Etats-Unis. La mission principale de Tony Blair était d’organiser l’aide internationale aux Palestiniens et de piloter des initiatives visant à soutenir l’économie et les administrations palestiniennes en préparation de l’éventuelle création d’un Etat palestinien viable. Non seulement les objectifs sont loin d’être atteints, mais l’ancien premier ministre britannique en a surtout profité pour faire de l’argent…

 

Ainsi, il s’est entretenu, à deux reprises, avec le leader du Hamas Khaled Mecha’al, dont l’organisation contrôle toujours la bande de Gaza depuis 2007. Toujours selon les mêmes sources, il a préparé longuement ces rencontres avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Les négociations avec le Hamas ont eu lieu au Qatar sur la possibilité d’un cessez-le-feu temporaire, en échange de l’ouverture par Israël, d’un corridor naval entre Gaza et Chypre. Le ministre des Affaires étrangères de l’autorité palestinienne, Riad al-Malki a confirmé que des négociations étaient en cours. Les parties « sont sur le point d’arriver à un accord sur une trêve de huit à dix ans », a-t-il déclaré, en ajoutant que Tony Blair était bien la « cheville » des pourparlers. Comme d’habitude, Israël a démenti tous contacts « directs et indirects avec le Hamas ».

 

Tony Blair s’est aussi beaucoup agité sur le dossier des deux prisonniers « israéliens » qui seraient toujours détenus dans la Bande de Gaza. Avraham Mengistu est l’un d’eux. Les informations concernant le second otage - un Arabe israélien d’origine bédouine - sont toujours sujettes à la censure militaire. Celui-ci serait détenu depuis le mois d'avril dernier. Le ministère israélien de la Défense a confirmé que Mengistu était porté disparu et supposé détenu par le Hamas, après avoir franchi la frontière entre Israël et Gaza en septembre dernier. Mengistu fait partie de la communauté d’origine éthiopienne (comptant environ 135 000 personnes) qui affirme être victime de racisme et de discriminations en Israël. Des membres de cette communauté ont manifesté à plusieurs reprises au cours des derniers mois contre les violences policières à leur encontre. Les plus hautes autorités israéliennes ont tenté de garder secret le sort de ces deux Israéliens, omettant d’informer l’ancien ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman et les membres de la commission des Affaires étrangères qui ont reconnu que des erreurs ont été commises. Le Hamas a affirmé avoir relâché Mengistu, qui aurait, selon l'organisation, passé la frontière entre Gaza et l’Egypte, par un tunnel de contrebande à Rafah.

 

La famille du second captif, originaire d'une tribu bédouine du Néguev, a dénoncé la « discrimination » dont elle serait l'objet, se plaignant de n'avoir eu aucun contact, ni information de la part de Tel-Aviv où les critiques se multiplient à l’encontre des émoluments que Tony Blair aurait touché pour des différentes médiations. Abondamment commentées, les précédentes missions de l’ancien premier ministre britannique sont aussi la cible de plusieurs éditorialistes de la presse arabe qui considèrent que Tony Blair est « un criminel de guerre » qui devrait être traîné devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Responsable, avec son ami George Bush, de la troisième guerre du Golfe (printemps 2003), déclenchée contre l’avis du Conseil de sécurité des Nations unies et, par conséquent, responsable direct de plusieurs centaines de milliers de victimes civiles, monsieur Blair « ne devrait plus être reçu dans aucune capitale arabe », estiment les mêmes éditorialistes.

 

Les mêmes ajoutent que la « médiation » de monsieur Blair ne vise pas la fin du blocus de Gaza, mais son « aménagement », notamment la construction d’un port. Les responsables israéliens savent que cela pourrait « calmer la situation » et apporter la sensation de la fin du blocus. Le projet pourrait être financé par le Qatar qui est prêt à donner un milliard de dollars dès qu’il obtiendra le feu vert d’Israël. Tel-Aviv envisage, depuis longtemps, plusieurs alternatives à la création d’un port maritime à Gaza : un quai indépendant pour Gaza au sein du port d’Ashdod, dans le sud d’Israël, un port à Chypre ou en Grèce, ou encore la création d’une île artificielle connecté par un pont vers Gaza. La création d’une île artificielle ou d’un port flottant est la solution préférée de Tel-Aviv, mais les constructions pourraient s’éterniser. Le port serait distant de deux kilomètres des côtes de Gaza permettant aux cargos lourds de s’y arrêter. Toutefois, la vérification de chaque container pourrait s’avérer être très difficile. Le chef de la marine israélienne, le général Ram Rothberg, a expliqué que « si l’échelon politique ordonnait la mise en place d’une de ces solutions, l’armée israélienne pourrait s’adapter et assurer la sécurité de l’Etat d’Israël ». Dans ce contexte, soulignent les experts du dossier, la commission de Tony Blair serait financée par des « fonds secrets » émanant directement des services de Netanyahou qui connaissent bien les « prix pratiqués par l’ex-premier ministre britannique ».

 

Retour sur affaires : plus d'un million de livres (1,24 million d'euros) d'honoraires pour trois heures de travail, telle est la colossale commission perçue par Tony Blair pour avoir servi d'intermédiaire entre le géant suisse du négoce des matières premières Glencore et le Qatar. Glencore avait annoncé en février lancer une OPA (80 milliards de dollars, soit 63 milliards d'euros) sur le groupe minier helvétique Xstrata, dont l'émirat est le deuxième actionnaire. Confronté à l'hostilité du fonds souverain Qatar Holding à ce coup de Bourse, le directeur général de Glencore, Ivan Glasenberg, appelle en catastrophe son ami Blair : « par pitié, faites quelque chose pour séduire le Qatar." L’ex-premier ministre qui a fondé sa très prospère société de conseil, téléphone sans plus attendre à un autre ami, Hamad Ben Jassim Al-Thani, premier ministre de l'émirat gazier et patron de Qatar Holding. A l'issue de cette conversation, rendez-vous est pris à Londres entre les deux parties. Le cheikh émirati ne peut rien refuser à l'ex-locataire du 10, Downing-Street qui était encore à l’époque le représentant du Quartet. M. Blair est également conseiller international de la banque d'affaires américaine JP/Morgan avec des émoluments de 2,5 millions de livres par an.

A l'évidence, M. Blair sait monnayer son entregent et son carnet d'adresses imposant, en particulier au Moyen-Orient et dans les pays de l'ex-URSS. Le succès de son intervention est aussi dû au fait que les Qataris ont besoin d'améliorer leur image de prudents investisseurs à long terme ternie par le scandale des conditions de sauvetage, à l'automne 2008, de la Barclays. Le bureau des fraudes graves a ouvert une enquête sur le versement présumé par la banque britannique de pots-de-vin à certains membres de la famille régnante qatarie. Par ailleurs, l'ancien chef du gouvernement britannique, qui avait oeuvré à l'instauration d'une réglementation financière peu contraignante dès son arrivée au pouvoir en 1997, s'est fait le chantre des mastodontes bancaires « too big to fail » (trop gros pour faire faillite). « La solution à nos problèmes n'est pas de pendre vingt banquiers », a déclaré à plusieurs reprises Dear Tony, lançant un appel pour que cesse la chasse aux sorcières visant les seigneurs de l'argent !

Quoiqu’il en soit, l’activisme tarifé de Tony Blair inquiète passablement les experts militaires des Proche et Moyen-Orient qui savent trop bien que « lorsque Tel-Aviv négocie secrètement avec Gaza, c’est l’un des signaux indiquant que l’armée israélienne prépare une offensive sur d’autres fronts comme le plateau du Golan, les fermes libanaises de Chebaa ou plus frontalement le sud du Liban, voire le Liban tout court ! », explique un attaché de défense européen à Beyrouth. D’autres sources avisées vont dans ce sens, soulignant elles-aussi le scandale du « criminel de guerre britannique » reconverti dans les affaires et, qui plus est, dans le monde arabe où ce dernier devrait effectivement être déclaré  persona non grata

Richard Labévière, 9 septembre 2015   

 

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