Le Hezbollah défend l’intégrité du Liban ! Envers des cartes

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

Reportage

 

Toujours inscrit sur les listes américaine et européenne des organisations terroristes, le Hezbollah libanais est engagé officiellement, depuis l’été 2013 et en première ligne, contre les factions terroristes de Nosra (Al-Qaïda en Syrie) et de l’organisation « Etat islamique » (Dae’ch). Environ 5000 de ses combattants défendent quotidiennement la frontière libanaise du Ersal, tout le long de la Bekaa-Est. Plusieurs membres de la rédaction de prochetmoyen-orient.ch se sont rendus sur le terrain…

 

Alors que la plupart des combats menés par le Hezbollah à la frontière libano-syrienne se concentraient jusqu’à maintenant contre le Front al-Nosra dans la région du Qalamoun, c’est Dae’ch qui a, dernièrement fait monter la tension d’un cran dans la région en menant plusieurs assaut contre des positions avancées de l’organisation chi’ite. Pour la première fois, les deux formations se sont affrontées dans les jurds (massifs) du Qaa et de Ras Baalbeck, deux zones chrétiennes de la Bekaa septentrionale, au nord de Ersal.

 

Les combattants du Hezbollah ont contré l’assaut jihadiste lancé depuis la région du Kahf, à l’est du jurd de Ras Baalbeck, ciblant ses positions frontalières de Qornet el-Samarmar et Qornet el-Mazbaha. Les combats, d’une extrême violence, se sont propagés jusqu’à la région de Naamate dans le jurd de Qaa. Faisant de nombreuses victimes dans les rangs de Dae’ch, le Hezbollah a poursuivi son offensive, détruisant cinq véhicules blindés terroristes à Zoueitiné et Jeb al-Jarad, ainsi qu’une rampe de lancement pour roquettes à Qornet al-Kaf.

 

L’un des « émirs » de Dae’ch et plusieurs de ses dirigeants ont été tués à la suite d’un assaut repoussé dans le jurd de Ras Baalbeck. Quatorze corps sont aux mains du Hezbollah. Simultanément, dans le jurd de Ersal, l’organisation chi’ite a neutralisé une concentration de Dae’ch. L’un des dirigeants de l’ « Etat islamique » au Qalamoun, le ressortissant saoudien Walid Abdel Mohsen al-Omari a, aussi été tué durant cette attaque, confirmant une nouvelle fois l’implication de l’Arabie saoudite dans les opérations terroristes menées sur la frontière libano-syrienne. Une autre contre-attaque victorieuse du Hezbollah a été menée à Chaabet el-Mahbas, dans le jurd de Ersal. Elle a fait également de nombreuses victimes dans les rangs des factions terroristes, suite au minage de la ligne de crête de Ras Baalbeck.

Ali Mokdad, le député de Baalbeck-Hermel, a déploré la mort de six combattants du Hezbollah : « les habitants de la région du Qaa et de Ras Baalbeck sont désormais rassurés sur les capacité défensives de la Résistance. Après ces derniers affrontements, ils sont certains que le Hezbollah est parfaitement en mesure de repousser les tentatives d’infiltration des terroristes sur le territoire libanais. Une majorité des habitants de Ersal aussi sait aujourd’hui que ces victoires sont acquises au profit de l’ensemble de la population libanaise et pas seulement pour défendre la seule région de la Bekaa ».

 

En coordination avec le Hezbollah, l’armée libanaise a renforcé son déploiement autour de Ersal. Des hélicoptères ont été engagés contre les jihadistes dans le jurd de Ras Baalbeck et plusieurs unités des forces spéciales libanaises ont pris position au Qaa. Le père Elian Nasrallah a confirmé les effets de cette coordination entre l’armée et les unités du Hezbollah en soulignant que les combattants chi’ites évitent d’investir les localités afin d’éviter de prêter le flan aux critiques récurrentes de la droite libanaise (le camp dit du 14 mars), accusant l’organisation chi’ite de mener une « guerre communautaire ».

 

Dans ce contexte particulièrement éclairant, le Serial-Killer Samir Geagea, qui préside les Forces libanaises (FL) - alliées de l’Arabie saoudite et d’Israël -, a osé exprimer son « soutien total » à l’armée libanaise estimant que « si chacun donnait libre cours à ses propres plans, le pays plongerait dans le chaos et la destruction », en ajoutant : « sommes-nous dans un Etat ou pas ? » C’est l’hôpital qui se fout de la charité… et le pompier-pyromane qui récidive après avoir estimé à plusieurs reprises que Dae’ch et Nosra ne représentaient pas de réelle menace pour la souveraineté et l’intégrité du Liban !

 

Lorsqu’on connaît l’état structurel de sous-équipement de l’armée libanaise dont Washington et Tel-Aviv ne veulent toujours pas qu’elle soit suffisamment dotée en moyens opérationnels autonomes, tous les experts militaires sérieux reconnaissent unanimement aujourd’hui que c’est le Hezbollah qui assure la principale charge de la défense du territoire libanais contre les terroristes de Dae’ch et de Nosra.

 

Il convient de relever ici l’incohérence très curieuse des choix stratégiques américains et français. Si un drone américain vient de tuer Nasser el-Wahichi - le chef d’Al-Qaïda au Yémen -, les services spéciaux américains poursuivent leur appui logistique aux unités d’Al-Qaïda (Nosra) engagées en Syrie et contre le Liban… Messieurs Hollande et Fabius ne sont pas en reste en continuant aussi à armer et renseigner les terroristes de Nosra qui menacent Damas et la ville frontalière de Homs… Si les Américains gèrent la situation au cas par cas en fonction de leur négociation principale sur l’avenir du nucléaire iranien, la position de Paris est on ne peut plus claire : coller aux basque du nouveau Salman d’Arabie saoudite afin d’assurer les importants contrats commerciaux en cours (environs 35 milliards d’euros) avec les pays du Golfe (non seulement l’Arabie saoudite, mais aussi le Qatar et les Emirats arabes unis qui ont dernièrement honoré la facture de la vente des avions français Rafale à… l’Egypte).

 

Cette brillante « diplomatie économique » dite officiellement « sunnite », tant vantée par Laurent Fabius, pourrait - à terme - coûter très cher à la France éternelle. Non seulement les monarchies pétrolières wahhabites continuent à financer les groupes terroristes qui tuent des soldats français au Sahel -, non seulement Riyad, Doha et d’autres Emiratis continuent à soutenir les Salafistes très actifs dans les banlieues françaises -, mais la campagne militaire déclenchée au Yémen par l’Arabie saoudite pourrait s’avérer prochainement catastrophique pour la stabilité interne de la monarchie pétrolière elle-même. Que fera Paris lorsque les attentats se multiplieront en Arabie saoudite ?

 

« Politique sunnite » de la France ? A quand une politique papou, celte ou bouddhiste ? Quoiqu’il en soit, en continuant de nier le rôle défensif irremplaçable du Hezbollah pour l’intégrité du Liban, en continuant à vouloir détruire Bachar al-Assad plutôt que Nosra et Dae’ch pour mieux exporter ses canons, ses avions et ses bateaux, Paris a décider de s’engager clairement comme partie liée aux conflits proche et moyen-orientaux. Rompant ainsi avec plus de quarante de diplomatie gaulliste équilibrée, de médiation et de bons offices, les successeurs de Guy Mollet et des néoconservateurs américains ont pris une très lourde responsabilité…

 

Sacrifier l’intérêt national de la France aux intérêts à courte vue des marchands du CAC-40 ne suffira pas à produire une diplomatie durable, juste et équitable.       

 

Richard Labévière, 24 juin 2015

Un commentaire

  1. Posté par Erkangilliers le

    « Que fera Paris lorsque les attentats se multiplieront en Arabie saoudite ? »
    Paris fera ce que Washington lui dira.

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