L’envers des cartes : LES DOLLARS DE LA TERREUR !

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

 

« C’est à une plongée saisissante dans un univers opaque que vous convie Le Monde aujourd’hui »[1]… Suivent, douze pages (pas moins) consacrées au « gotha des évadés fiscaux français », leurs comptes secrets et petites cachotteries financières… Six mois après les « révélations » de « LuxLeaks », sur les pratiques fiscales du Luxembourg, voici aujourd’hui le « SwissLeaks » qui entend nous dévoiler toutes les coulisses du pays du coucou et des fromages à trous. Diantre !

 

Inspirée de « Wikileaks »[2], la méthode consiste à regrouper une association d’ « enquêteurs » pour nettoyer les écuries d’Augias. Le Monde, encore : « nous avons partagé ces données avec une soixantaine de médias internationaux, coordonnés par l’ICIJ, consortium de journalistes d’investigation… » Comme pour Clearstream[3], chacun se rue sur les journaux pour bien vérifier que son nom ne figure pas sur la liste ; comme pour certaines caricature, c’est bon pour le tirage… S’il y aurait beaucoup à dire sur cette nouvelle figure de l’information postmoderne, il est encore plus curieux de constater qu’on nous sert, en l’occurrence, des évidences - connues depuis plusieurs décennies -, comme les derniers scoops du journalisme dit d’ « investigation » ! Le secret bancaire helvétique n’existe plus depuis belle lurette et la liste des grands évadés fiscaux est parfaitement connue des services compétents…

 

Mais là, tenez-vous bien, on en apprend de belles : « HSBC abritait (aussi) des financiers d’Al-Qaïda »[4]. Re-diantre !!! « Dans les documents de la banque figure aussi le nom d’un ancien membre du directoire de l’International Islamic Relief Organization, une organisation humanitaire présumée proche d’Al-Qaïda ».

L'International Islamic Relief Organization (IIRO, en français : Organisation Internationale de Secours islamique a été fondée par un décret royal saoudien du 29 janvier 1979. Farid Yasin al-Qurashi la mit en place et en fut le directeur jusqu'en 1993. Cette structure est directement placée sous la tutelle de la Ligue islamique mondiale, elle-même considérée comme l'instrument politique des oulémas d'Arabie saoudite. Cela lui permet d'échapper au contrôle budgétaire du ministère des Affaires religieuses et du waqf en Arabie saoudite. Les fonds que rapportent la zakat et les dons sont gérés par la Fondation Sanabil Al Khair. De 1991 à 1996, l'IIRO a publié quelques rapports d'activités. Jusqu'en 1998, elle distribuait également un bulletin trimestriel en anglais. Depuis, l'opacité de l'organisation a beaucoup contribué à sa mauvaise réputation. Sur son site Internet réactualisé en 2007, l’IIRO donnait simplement des informations sur le montant de ses dépenses et non sur l’origine de ses ressources. A titre d’exemple, les chiffres publiés en rials saoudiens avancent la somme peu vraisemblable de 1,9 milliard d’euros pour l’exercice 2005-2006.

 

Et l’une des sources anonymes de l’article conclut : « si d’un claquement de doigt, je pouvais stopper le financement du terrorisme en provenance d’un seul pays, le choisirais l’Arabie saoudite »… Mieux vaut tard que jamais, mais - et c’est le moins que l’on puisse dire -, nos « journalistes d’investigation » manquent vraiment d’à-propos. Depuis 2002, quelques candides, dont votre serviteur, ne cessent de répéter que le rapport officiel de la Commission parlementaire d’enquête sur les attentats du 11 septembre 2001 a été franchement caviardé. Sa quinzaine de pages qui sont consacré au « financement du terrorisme » nous racontent de belles histoires pittoresques sur l’Hawala[5], sans mentionner les noms des banques et sociétés américaines impliquées dans les montages saoudiens responsables de l’expansion de l’islamisme radical.

 

Ces derniers impliquaient aussi des sociétés fiduciaires et des filiales de grandes banques occidentales installées au Tessin, à Genève, Zurich, Londres et aux Bahamas… Durant les années 90, ces mêmes officines ont financé nombre d’ONGs et d’ « idiots utiles » prenant la défense des Groupes islamiques algériens (GIA) dont certains chefs avaient élus domicile aux Etats-Unis, en Europe et en Suisse. Il était alors assez paradoxal d’entendre les porte-voix de quelques unes de ces devantures prendre la parole à la Commission des droits de l’homme de l’ONU pour justifier les égorgements des assassins des GIA… au nom du pluralisme et de la démocratie… A l’époque, les quelques journalistes qui ont osé dénoncer ce scandale furent traîner devant les tribunaux parce qu’ils n’arrivaient pas à fournir les « relevés bancaires » des versements destinés aux groupes terroristes qui ensanglantaient l’Algérie, l’Egypte et le Pakistan !

 

Certes, il n’est jamais bon d’avoir raison trop tôt. Dernièrement, un rapport compilant les données financières ayant disparu du rapport de la Commission parlementaire du 11 septembre, a été exhumé des sous-sols du Capitole. « Ce rapport montre la participation directe du gouvernement saoudien dans le financement du 11 septembre », déclare un ancien sénateur au Figaro[6], « nous savons au moins que plusieurs des 19 kamikazes ont reçu le soutien financier de plusieurs entités saoudiennes, y compris du gouvernement. Le fait de savoir si les autres ont été soutenus aussi par l’Arabie saoudite n’est pas clair, car cette information a été cachée au peuple américain », ajoute M. Graham en concluant : « on nous dit que cela ne peut être fait que pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est exactement le contraire qui s’est passé ! »

 

Et l’un des avocats des familles des victimes ajoutent : « nous affirmons que les organisations de bienfaisance établies par le gouvernement du Royaume pour propager l’idéologie radicale wahhabite ont servi de sources majeures de financement et de soutien logistique à Al-Qaïda, pendant toute la décennie qui a mené au 11 septembre ». Adapté à l’actuelle configuration de menaces terroristes, cette tardive résurgence de vérité devrait nous faire réfléchir à plus d’un titre puisqu’on continue encore - ici ou là -, à considérer ceux qui ont résisté aux assassins des GIA comme des suspects, voire des criminels !!!

 

Richard Labévière, 22 février 2015    

   

[1] Le Monde du mardi 10 février 2015.

[2] WikiLeaks est une association à but non lucratif dont le site web lanceur d'alerte publie des documents ainsi que des analyses politiques et sociales. Sa raison d'être est de donner une audience aux fuites d'information, tout en protégeant ses sources.En novembre 2010, le site affirme : « les principes généraux sur lesquels notre travail s'appuie sont la protection de la liberté d'expression et de sa diffusion par les médias, l'amélioration de notre histoire commune et le droit de chaque personne de créer l'histoire. Nous dérivons ces principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En particulier, l'article 19 inspire le travail de nos journalistes et autres volontaires.

[3] Clearstream (signifie en anglais « courant limpide ») est une chambre de compensation internationale située au Luxembourg, spécialisée dans l'échange de titres et doublée d'une banque Clearstream Banking S.A., basée en Allemagne et au Luxembourg. Il s'agit maintenant de divisions de Deutsche Börse. Depuis 2001, elle est au centre d'une affaire financière, industrielle et internationale, l'affaire Clearstream 1, et en 2006, au cœur d'une affaire politico-financière.

[4] Le Monde du mercredi 11 février 2015.

[5] Hawala, ou Hundi, est un système traditionnel de paiement informel. Son origine exacte n'est pas déterminée, mais semble être apparu comme moyen de financement du commerce sur les grandes routes d'échange (comme la route de la soie) au début du moyen Âge. Il est mentionné depuis le VIIIème siècle dans les textes de fiqh  (science du droit musulman). En Asie du Sud il s'est développé en un système bancaire complet, remplacé progressivement par le système bancaire classique depuis le XXème siècle. De nos jours il est essentiellement utilisé pour les envois de fonds par les travailleurs immigrés vers leur pays d'origine..

[6] Le Figaro du mardi 3 février 2015.

4 commentaires

  1. Posté par Daniele le

    Le peuple suisse devrait se révolter. Car si on souhaite vraiment que ces mouvances terroristes s’arrêtent, il faut déjà que la Suisse n’accepte plus d ONG comme le Kaiicid, financé par l Arabie Saoudite, centre interreligieux et interculturel qui va s’installer a Genève car le Luxembourg n’en veut
    plus, trop de polémique.

  2. Posté par conrad.hausmann le

    IL y a 2 états islamiques: Celui que l’on prétend combattre en Syrie et l’autre, grand ami de l’Occident et surtout des USA que nous avons engraissé avec le pétrole, et qui lui finance …qui il veut.

  3. Posté par patrick lévy le

    …,Diderot a écrit: l’islam est l’ennemi de la Raison. Ce que j’écris maintenant, concerne plus particulièrement les Etats-Unis d’Amérique et l’Arabie Saoudite. Patrick Lévy.

  4. Posté par Anne Lauwaert le

    En 2003 un certain Paolo Fusi a publié « Il cassiere di Saddam » dans lequel il dénonçait « les milliards de Saddam, Ferdinando Marcos, Caruana, Cuntrera » etc… administrés à Lugano… Fusi cite une série affolante de noms connus… A l’époque on a dit « Ce Fusi est cinglé », et la vie a continué comme avant et je n’ai plus jamais entendu parler de Paolo Fusi… voici le n° ISBN 88-88705-02-3 (L’inchiesta – digiter « Ticino-Connection.ch » sur google )

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