Votation du 18 mai sur le Gripen

Marc R. Studer
Président Lobby des Citoyens

Analyse du refus du peuple suisse d’acquérir de nouveaux avions de combat et recommandations

 

La votation du 22 septembre 2013 mettait clairement mis en lumière, par 73% des votes, l'attachement du peuple suisse à l'obligation de servir et, par là, à l'armée en tant qu'institution et au concept d'armée de milice.

Le 18 mai 2014, cependant, par 53,4%, ce même peuple suisse refusait l'achat du Gripen. Comment a-t-on pu passer d'une position à l'autre en seulement quelques semaines. Tentons d'analyser ce vote, au demeurant pas si paradoxal qu'il n'y parait, et de déterminer qui sont ces 26.4% d'électeurs (hors anti-armée, PS, Verts, Verts libéraux et GSSA) transfuges qui ont voté "contre l'armée" et quels étaient leurs motivations.

Rappelons pour mémoire que Le Lobby des Citoyens s'était fortement mobilisé avant le            22 septembre 2013 pour l'attachement à son armée - on ne peut dès lors nous taxer d'antimilitaristes primaires ou de traîtres de dernière minutes (voir notre recommandation du 6 septembre 2013 aux Conseillers nationaux de renvoyer le vote sur le Gripen ou encore notre prise de position sur la défense datée du 29.08.2013). Par contre, le 18 mai 2014, nous avons décidé clairement de montrer notre désaccord sur la politique de défense menée par le Conseil fédéral, contre la volonté d'une majorité de ses citoyens. Analysons-en quelques aspects :

1° Il y a tout d'abord la politique du "laisser-faire" des chefs successifs du DPPS (pourtant issus d'un parti officiellement défenseur de nos valeurs traditionnelles) qui, par laxisme et manque de courage politique se sont fait les complices du démantèlement progressif de notre armée, de l'affaiblissement substantiel de notre sécurité, jusqu'à la politique d'autruche actuelle menée dans l'analyse des menaces touchant notre pays. Rappelons notamment que le manque de couverture aérienne entre 2015 et 2021 n'est pas la faute des opposants au Gripen ; mais on ne se gêne pas de leur faire porter la responsabilité du manque de couverture... en 2025 !

2° Il y a cette 3ème mission de l'armée, la Promotion de la Paix, qui permet à l'OTAN, cette légion étrangère des Etats-Unis, de se mettre dans la poche un certain nombre de gouvernements de la planète, croyant en retour être protégés par la 1ère armée du monde. En coulisse, emmenés par le Prix Nobel de la Paix en personne, les USA mènent frénétiquement à travers le globe des manœuvres de déstabilisation de régimes, d'intimidation de gouvernements, de fomentation de guerres civiles.

Cela ne s'arrête pas là puisqu'ils s'adonnent également à des guerres préventives au motif de "prévenir la guerre et promouvoir la paix". Or, cette Pax Americana pose pour notre pays la question fondamentale de notre neutralité dès lors que nous envoyons nos soldats en mission au profit de l'OTAN à l'étranger (ce qu'on s'était interdit de faire après la guerre du Sonderbund) ou que l'on prend officiellement fait et cause pour une partie vis-à-vis de l'autre, souvent d'ailleurs sans comprendre grand chose aux enjeux géostratégiques. Cette Promotion de la Paix ne doit pas revenir au DPPS mais à celui du DFAE, de la diplomatie, des bons offices et de l'humanitaire.

3° Il y a ensuite ces accords signés avec nos pays voisins (qu'on ne peut décemment plus appeler des "amis") qui, en leur déléguant la mission d'intervenir sur notre sol en cas de besoin en temps de paix, augmentent forcément notre dépendance et de ce fait, menacent notre indépendance. L'affaire "Ethiopian Airlines" en est la démonstration la plus probante.  Notre force de dissuasion ne réclame-t-elle pas plutôt d'entrainer nos pilotes dans des situations réalistes et concrètes, et d'en profiter pour montrer au monde notre capacité et notre détermination à nous protéger nous-mêmes en cas de  menace.

4° Il y a encore notre souveraineté nationale que le Conseil fédéral, par couardise et collabo, a bradée en acceptant d'appliquer de manière irresponsable sur notre sol des lois étrangères qui nous sont contraires et qui sont diamétralement opposées aux nôtres. Prenons l'exemple de la présomption d'innocence modifiée en l'inversion du fardeau de la preuve ; tous coupables et vive les avocats ! Ainsi avec la LEX USA que le Conseil fédéral a non seulement passée en force (malgré le refus des Chambres fédérales, donc du souverain) mais également appliquée de manière irresponsable avec valeur rétroactive, on livre maintenant en pâture nos propres citoyens, sous motif qu'ils ont un lien avec les Etats-Unis.

5° Il y a le renseignement, qui devrait, par souci évident de coordination et d'efficacité, être chapeauté par la défense. Or, pour mieux le neutraliser, on l'a morcelé. On a confié par exemple le renseignement économique à Economie Suisse, lui confiant le soin de nous avertir d'une guerre économique. Ce lobby étant notamment emmené par UBS et Crédit Suisse, véritables Chevaux de Troie de ceux qui justement nous mènent cette guerre, facile de comprendre qu'en haut lieu personne ne soit donc au courant de cette menace et que personne n'ait décidé de passer en mode "défense", en mettant sur pied un Etat-major de crise, dirigée par un Général. Comme le disait avec beaucoup de réalisme un historien bernois : "si vous voulez attaquer la Suisse, faites-le avant qu'elle ne mobilise, car ainsi elle ne se défendra pas".

6° Il y a la menace cybernétique confiée là encore à des organismes séparés, militaire et civil. A nouveau, le militaire ne supervise pas le civil, en dernier ressort. De plus, il collabore avec les Etats-Unis en communiquant ses informations à la base de l'OTAN de Tallin.

7° Il y a enfin cette guerre économique, dont on a parlé plus haut, qui phagocyte ce pays, avec la bénédiction et la pleine et active coopération de Madame Widmer-Schlumpf et de ses services, et qui transfère de manière irresponsable à nos concurrents près de 20% de notre PIB, caisses de pension comprises, laissant sur le carreau un nombre incalculables de petites entités débordées par l'avalanche de normes changeant quotidiennement et trop petites pour se réorganiser dans un laps de temps aussi court. Où est cette magnifique stabilité juridique qu'on nous enviait et que nos campagnes publicitaires mettaient si volontiers en avant.

Toutes ces considérations ont certainement forcé la décision de ces 26.4% de citoyens, pourtant de fervents partisans d'une défense et d'une sécurité mais à condition qu'elles soient crédibles et qu'elles bénéficient d'un budget suffisant pour assumer une telle responsabilité.

Si rien n'est entrepris, toutes les prochaines votations ayant trait à l'armée risquent d'être frappées du même vote-sanction. Il faut donc rapidement non seulement rassurer ces 26,4% d'opposants surprise au Gripen mais aussi les 46,6% pro Gripen, qui ont voté par loyauté vis-à-vis du chef de l'armée. Assurons-nous sans délais que ces personnes ne viennent pas ultérieurement  grossir le clan des opposants. Pour ce faire, il faut lever toute ambiguïté sur ce qui a effectivement été signé avec l'OTAN et redéfinir une mission claire pour notre armée.

La conviction profonde du Lobby des Citoyens est que, dans la situation géopolitique que nous traversons (qui rappellent à la fois les années 1798-1815 et les années 1930), il faut sans délai redonner à ce pays un département militaire digne de ce nom, qui regroupe à la fois la défense,  la protection de la populations contre toutes les formes d'agressions qui peuvent la menacer (militaire, cybernétique, économique, sanitaire, alimentaire, migratoire, juridique et autre) et le développement du futur de ce pays : la jeunesse. Il faut que ce département puisse compter sur des ressources financières et une autonomie suffisantes pour mener à bien de manière efficace et crédible (dissuasion) l'immense responsabilité que nous lui avons confiée.

Pendant près de deux siècles, nos ancêtres ont patiemment œuvré pour doter ce pays d'un concept que le monde entier nous envie encore et nous copie régulièrement, concept que quelques esprits très éclairés ont choisis de jeter aux oubliettes.  Si l'armement et le matériel nécessitent, bien évidemment, une adaptation constante, le concept de base d'une armée de milice, l'inculcation de la volonté de résistance et la vigilance de tous les instants pour maintenir notre cohésion nationale, doivent rester intouchables.

Pour cela, le bons sens et la sagesse nous dictent de doter le DPPPS d'un budget de 3 à 5% du PIB, voté par périodes de 10 ans, en commençant par le maximum de 5% pour les prochains 10 ans, au vu de l'état alarmant de notre matériel et de notre équipement. L'armée devra gérer ce budget de manière anticyclique, en prévenant les périodes de contractions économiques (synonymes de réductions budgétaires) en épargnant lors des phases d'expansions. Quant au choix des équipements et du matériel, il est de la responsabilité des professionnels, la population n'a pas à intervenir. Par contre, le peuple, par une commission de surveillance, doit pouvoir s'assurer que l'armée ne gaspille pas inutilement les précieux deniers du contribuable, et ne dilapide pas l'argent de manière inconsidérée ou encore ne brade pas inutilement son matériel, ses installations ou son armement comme elle le fait actuellement.

Le Lobby des Citoyens invite donc maintenant de toute urgence le Conseil fédéral à préparer une votation "spécial défense et sécurité" et à poser clairement aux Citoyens, de façon honnête et sans manipulation, un certain nombre de questions qui touchent à sa sécurité et à sa défense, parmi lesquelles :

a) Voulez-vous d'une adhésion à l'OTAN ?

b) Voulez-vous envoyer des soldats suisses à l'étranger ?

c) Acceptez-vous de renoncer à la neutralité en adhérant au programme de Promotion de la Paix signé avec l'OTAN.

d) Acceptez-vous de sortir du Partenariat pour la Paix, partie intégrante du plan de l'OTAN, et ce faisant de supprimer l'article de la Constitution donnant au DPPS la mission de promotion de la paix ?

e) acceptez-vous l'idée d'un DPPS où serait concentré toute la défense du pays et la protection de sa population contre toutes les formes de menace ?

f) acceptez-vous un budget de 3-5% du PIB consacré au DPPS, basé sur des périodes de 10 ans ?

g) acceptez-vous, pour les 10 prochaines années, un budget pour le DPPS de :

⃝ 3%                 ⃝ 4%                  ⃝ 5%

 

h) acceptez-vous de donner au DPPS pleine latitude pour gérer financièrement son département, notamment en ce qui concerne l'achat de matériel, d'armement et l'investissement en personnel et en infrastructure, sans recours à la votation populaire ?

 

Genève, le 25 mai 2014

Marc R. Studer

Président

Le Lobby des Citoyens

4 commentaires

  1. Posté par Stéphane Brouze le

    Je fais partie des perdants du 18 mai concernant la votation sur le gripen, je pense qu’il est très important de reconnaître sa défaite et d’accepter la décision du souverain. Vouloir revoter sur l’armée serait un très mauvais signal donné aux citoyens, cela ressemblerait au comportement des mauvais perdants du 9 février, qui eux aussi veulent revoter, cette attitude est digne de la gauche, le peuple a seulement raison lorsqu’il vote comme elle, sinon soit il ne connaît rien, soit il s’est fait influencer par des populistes ou des médias. Non, je pense que le peuple suisse n’est pas si influençable que ça, les votes sur l’immigration de masse, la vignette, les minarets ou le renvoi des criminels étrangers le prouvent, à chaque fois, il n’a ni suivi les médias ni le gouvernement. Je suis persuadé que la majorité des suisses sont attachés à l’armée et que le vote sur le gripen n’était pas forcément un vote contre l’armée. Il faudrait faire une analyse sérieuse de ce vote en posant la question aux citoyens qui ont voté non. Il est possible que l’on retrouverai plusieurs groupes. Le premier, et cela est presque une certitude, représente environ 35% de l’électorat, les antimilitaristes, pour eux c’est un dogme inébranlable, l’armée doit disparaître.
    Le 2ème groupe est composé de personnes qui estiment que 32 fa18 sont suffisants, pas besoin de remplacer les tiger, le conseil fédéral l’avait déclaré en 2010 puis a été contraint par le parlement de changer d’avis, voilà le premier message pas clair, il faut se mettre à la place des citoyens qui n’ont pas de connaissances aéronautiques ou militaires mais qui doivent se forger une opignon.
    3ème groupe, des citoyens qui n’ont pas voulu de l’appareil qui est sorti dernier des évaluations et qui ne remplissait pas tout les objectifs mais qui a été choisi car il coûtait le moins cher, même si le gripen E est meilleur, le mal était fait. Ce groupe est pour une force aérienne forte, il ont voté contre le modèle.
    4ème groupe, des personnes qui ont estimé que l’on pouvait attendre 2 ou 3 ans pour lancer le renouvellement de toute la flotte en même temps, et à la place d’acheter 22 appareils, on aurait commandé 50 machines, le prix unitaire serait alors plus bas.
    Il y a très certainement encore d’autres groupes. Mais aujourd’hui il ne s’agit pas de jouer au mauvais perdants mais de travailler avec sérieux pour proposer un avion crédible, qui réunira les 3 derniers groupes cités plus haut pour remplacer les fa18. Il ne faudra pas négliger la qualité de l’appareil ni le pays fournisseur, sa proximité pourrait offrire des espaces d’entraînement ce qui pourrait être un bon argument devant le peuple.
    L’armée doit aussi mieux se vendre, il y a une vingtaine d’années, on la voyait dans toutes les régions, elle passait dans les villes et villages, elle était en contact étroit avec la population, certe, son effectif n’est plus le même, mais je pense qu’un effort est possible.

  2. Posté par Armando le

    Personne n’a fait le rapprochement entre la défense de notre territoire et le fait dénoncé en permanence que nous serions le coffre-fort du monde entier. Et pourtant c’est cette situation qui exige que nous puissions faire face à toute attaque, à toute invasion. Le crachat médiatique étant la forge de ce levier visant à affaiblir le couvercle de résistance du peuple nous avons eu droit, grâce aux médias à la botte, à la très haute expertise des gauchistes en matière d’aviation, à l’exemple de la « sage »-femme Maury Pasquier, expert en matière de bobards et en manipulation. Il n’y a qu’à se rappeler ses promesses bidon de donner son rein pour assurer son élection et celle de son collistier Cramer, dit le vert dans le nez, le tout pour faire pleurer dans les chaumières et rouler le peuple dans la farine. Voilà comment la gauche populiste, européiste et internationaliste mine le terrain pour nous livrer pied et poings liés à nos ennemis, avec le concours de la Widmer-Schlumpf qui n’a pas encore été dégagée de son piédestal.

  3. Posté par Cain Marchenoir le

    Vous oubliez un point fort important: tous les petits copains du père Dassault qui rêvent d’avoir un Mirage à la place. Bon il est vrai que cela regroupe dans le même temps tous les fanatiques de l’adhésion à l’OTAN. Je n’ai pas vu de chiffres mais il serait intéressant d’analyser le vote du PDC et du PLR notamment. Je suis prêt à parier que c’est de chez eux qu’est parti le sabordage du Gripen. Et pas pour d’autres raisons que celle que j’ai évoquée un peu plus haut.

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