L’Europe n’est pas le sujet

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

 

Peut-être seront-ils parmi les principaux candidats de 2017 ? Les interventions de Nicolas Sarkozy et de Manuel Valls dans la campagne actuelle se situent dans la visée de cet objectif plus que dans le court terme. Chacun a d’abord voulu incarner son camp. L’ancien Président est conscient de l’écartèlement que subit sa « famille » politique entre l’euro-béatitude de Lamassoure ou de Juppé et l’euroscepticisme de Guaino, entre le centrisme eurolâtre issu de l’UDF et le gaullisme anti-Mastricht présent au RPR. Le danger est d’autant plus grand que le premier est aspiré par l’UDI et le second tenté par le FN. Le but de Sarkozy est de recoller les morceaux et de remplacer le vide sidéral sur le plan des idées de l’UMP par un « et…et » : « ET vive l’Europe ET une autre Europe ». Le discours de Copé disait la même chose en creux, ce qui n’est pas étonnant : « ni eurobéat, ni eurosceptique ». Mais Copé soutient des listes du PPE, le parti dominant de l’Europe telle qu’elle est, à travers celles de l’UMP. Son message n’a pas de contenu. L’ex-Chef de l’Etat ne soutient personne mais indique une direction avec des jalons précis dont on peut seulement s’étonner qu’il ne les a pas inscrits avec succès sur son parcours présidentiel. Il veut une autre Europe. Une Europe qui maîtrise son immigration, qui resserre ses compétences, qui possède un noyau dur avec le mariage économique du couple franco-allemand et enfin qui puisse s’appuyer sur un leadership. Nostalgie d’un semestre de Présidence européenne réussie ou ambition d’un retour avec lui d’une primauté politique française ? Autant on perçoit la séduction que le discours peut exercer sur des troupes à qui manque le moral, autant il faut s’inquiéter du fossé qui s’est creusé entre cette vision et la réalité advenue. De fait, l’Europe a aujourd’hui un chef de file qui est l’Allemagne, forte de sa réussite économique. Il serait difficile à la France en désarroi de lui imposer ses vues. L’effondrement démographique outre-Rhin, le vieillissement de la population et le plein-emploi ne placent pas la France et l’Allemagne à égalité pour l’immigration. L’Europe ferait de la France une victime du dumping social en raison de sa protection sociale avantageuse y compris pour les étrangers ? Il faudrait donc un Schengen II qui augmenterait le contrôle des frontières autour de pays homogènes sur le plan social ? Comme toujours, nos partenaires pourront aimablement nous faire comprendre que c’est à nous d’harmoniser notre système social avec ceux de nos voisins, plutôt qu’à l’Europe de bouger des frontières présentées, à tort ou à raison, comme des conquêtes de la liberté. Une fois de plus, c’est l’Europe réelle des divergences qui s’impose au rêve européen de la convergence miraculeuse. Pourquoi les pays qui sont les entrées d’une immigration, qu’ils ne gardent pas, devraient-ils multiplier les efforts ? Pourquoi ceux qui en ont besoin, mais qui n’attribuent pas automatiquement des droits sociaux ou nationaux, devraient-ils s’en protéger davantage ? L’analyse est parallèle pour l’économie. Entre l’Allemagne et son industrie, ses services sous-payés, et son énergie polluante et la France qui se désindustrialise plus vite que les autres, sa fonction publique pléthorique, ses déficits généralisés, et son électricité nucléaire, où sont les points d’accord ? Le mariage qui a donné Airbus est un succès européen, non un succès de l’Europe, mais concrètement il a permis à l’Allemagne de se mettre au niveau de la France dans un domaine où celle-ci avait l’avantage. La préférence donnée par le gouvernement à l’Allemand Siemens sur l’Américain G.E. est en revanche un aveu de faiblesse. Quant à l’Euro, il a surtout autorisé l’Allemagne à nous vendre, relativement bon marché, des produits que nous achetons à crédit. Le travail en Allemagne, les loisirs en France, est-ce notre avenir commun ? Le pouvoir économique contre le leadership politique ? Comme d’habitude avec Sarkozy, la rhétorique est habile, mais sa mise en oeuvre problématique.

Manuel Valls ne fait pas les yeux doux à l’Allemagne, mais à un Allemand, Martin Schulz, afin que la présidence de la Commission bruxelloise soit socialiste et donc change la mauvaise politique de « droite » de Barroso, l’austérité qui plonge l’Europe dans les difficultés sociales. On comprend que le Catalan soit allé à Barcelone, dans cette Espagne sinistrée, pour prendre les Français pour des idiots. Quelques affaires à l’UMP, les calembours de JM Le Pen, des mesures fiscales en faveur des revenus modestes et de bonnes nouvelles dans la lutte contre la fraude accompagnent cette illusion d’une politique européenne « de gauche » pour améliorer le score du PS en France. Rien d’autre. Non seulement les eurosceptiques seront nombreux, mais encore qui peut croire à un changement de la politique européenne dès lors que le consensus en est inséparable et que le parti du candidat socialiste appartient à la majorité allemande ? On aimerait qu’au lieu de trop penser à l’Allemagne ou à la gauche, les politiciens français se préoccupent avant tout de la France. Mais ils le font en pensant à l’Elysée… En tout cas, l’Europe n’est pas leur sujet !

Christian Vanneste, 22 mai 2014

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