L’économie et la démocratie ne font pas toujours bon ménage

Suzette Sandoz
Suzette Sandoz
Prof. honoraire UNIL

La rapidité des relations internationales et de l’économie globalisée a dissocié l’économie de la politique, ce qui met les peuples et les sociétés nationales en danger. La seule manière de sauver ces derniers c’est de restituer son importance à l’Etat national que l’UE s’évertue de détruire. Seul l’Etat national peut, s’il pratique la démocratie directe, réconcilier, sur son territoire, l’économie et la politique, condition de survie de la liberté.

 

Certaines personnes confondent neutralité et souveraineté. Elles craignent ainsi que les multiples conventions de nature économique de notre pays avec l’UE par exemple, conventions qui nous obligent à reprendre du droit imposé, ne compromettent la neutralité. Lors d’une soirée organisée par la Société des Amis du Général Dufour, à la maison Dufour, à Genève, le 6 avril dernier, M. Jean-Jacques Langendorf, historien bien connu, spécialiste notamment de l’histoire militaire, a rappelé que la neutralité est une notion liée à l’état de guerre et qu’elle ne concerne pas les relations privées. Ce rappel – indispensable à nous faire condamner, avec Mme Anne Fournier, toute implication, partenariat pour la paix compris, de la Suisse dans l’OTAN – a permis de souligner que les relations économiques de notre pays, même si elles donnent lieu à des accords internationaux, ne concernent que des questions privées. Par bonheur en effet, nous n’avons pas une économie marxiste, mais bien une économie de marché. Il n’y a donc pas de rapport entre les conventions touchant à l’économie et notre neutralité. En revanche, la menace concerne la démocratie et en particulier la démocratie directe.

Lorsqu’un pays signe une convention internationale, par exemple de nature économique, il s’engage éventuellement à élaborer des règles internes en harmonie avec cette convention, voire, quand il s’agit de conventions avec l’UE, à reprendre le droit de cette entité politico-économique, donc à abdiquer sa propre souveraineté législative. Dans un pays où la démocratie directe, par le biais du référendum et de l’initiative, permet aux citoyens de dire leur mot en relation avec la législation, y compris économique, il est clair que les règles économiques imposées sur le plan international sont en rupture avec le système démocratique national. C’est, aujourd’hui, un problème particulièrement préoccupant. En effet, la mondialisation des relations économiques, dont l’UE offre un premier aspect, obéit aux deux impératifs de la rapidité et de la simplification. Ces deux impératifs sont inconciliables avec la démocratie, régime politique lent par excellence, parce qu’il implique une recherche de majorité donc de consensus. L’efficacité dont l’économie a besoin semble beaucoup mieux servie – au moins dans l’immédiat et sur le court terme - par la centralisation et l’autoritarisme du pouvoir exécutif que par les tergiversations et les compromis du débat démocratique doublés, en Suisse, de la complexité fédéraliste. En outre, la globalisation exige des relations internationales constantes et importantes, dont la conduite est assurée par des exécutifs forts et non pas par des collèges gouvernementaux ni par des contrôles populaires. C’est, en ce moment, le vrai défi auquel notre pays est confronté. Comment pourrons-nous, dans un monde à l’économie globalisée, réglementée par des normes internationales élaborées par des exécutifs tout puissants et soustraites à tout contrôle démocratique,  continuer à vivre avec un exécutif collégial, donc faible, et avec une démocratie directe, deux institutions indispensables à la paix et à l’équilibre internes ?

La rapidité des relations internationales et de l’économie globalisée a dissocié l’économie de la politique, ce qui met les peuples et les sociétés nationales en danger. La seule manière de sauver ces derniers c’est de restituer son importance à l’Etat national que l’UE s’évertue de détruire. Seul l’Etat national peut, s’il pratique la démocratie directe,  réconcilier, sur son territoire, l’économie et la politique, condition de survie de la liberté.

Suzette Sandoz, 15 mars 2014

2 commentaires

  1. Posté par dominique degoumois le

    Je remplacerai toujours, TOUJOURS pas JAMAIS!

  2. Posté par Michel de Rougemont le

    L’affrontement économie – politique ne devient problématique que lorsque le politique se mêle de régir l’économique au delà de ses tâches régaliennes.
    C’est l’interventionnisme de l’état qui ne fait pas bon ménage avec le fonctionnement d’une démocratie directe ou semi-directe.

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