La Philosophie des Municipales.

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

Les élections municipales méritent bien leur pluriel. Il y aura, bien sûr, autant d’élections que de communes, mais il y aura surtout des élections très différentes selon les strates communales. La France n’a pas procédé au regroupement communal autoritaire qui a eu lieu dans de nombreux pays européens. Elle compte donc plus de 36600 communes. Près de 20000 ont moins de 500 habitants. Deux mille dépassent la barre des 5000 et 41 seulement celle des 100000. En Belgique, par exemple, depuis la loi de 1961, le regroupement a été intensif. Le pays totalise 589 communes. Le nombre médian d’habitants y est de 11000 contre 423 en France. Cette inaptitude à la réforme dans ce domaine comme dans d’autres présente deux aspects fréquents en politique. D’abord, on brandit le devoir de proximité entre élus et électeurs. Ensuite, on multiplie les mandats : la France détient le record du nombre d’élus : plus de 600000, soit un pour 108 habitants. Le goût du dévouement ou des honneurs l’emporte dans les petites communes. Dans les plus grandes, L’intérêt du métier et de la carrière, les indemnités, le pouvoir et les avantages multiples peuvent attirer davantage une génération de politiciens professionnels qui trouvent là l’occasion d’exercer des talents peu utiles ailleurs. Ceux-ci, qui peuplent également les Assemblées ont d’ailleurs mis en oeuvre une réforme typiquement française. Au lieu de fusionner les communes, on a incité à des regroupements divers qui ont ajouté aux communes des intercommunalités. Le résultat est intéressant : le mille-feuille s’est épaissi, la machine s’est compliquée, la dépense a augmenté, le nombre des fonctionnaires et des apparatchiks aussi. Gribouille n’aurait pas fait mieux, mais ici Gribouille est malin car les EPCI créent de nouveaux mandats, de nouveaux sièges exécutifs, non touchés par le cumul, accessibles au Maires des petites communes regroupées, et de nouvelles indemnités, le tout dans une grande discrétion à l’égard de l’électeur.

L’élection municipale est importante. La commune est la Cité par excellence, le premier degré de la citoyenneté. C’est le premier niveau du Bien Commun politique. Pour cette raison, et parce que l’élection municipale sert de piste d’envol pour d’autres élections, et qu’elle détermine l’élection des Sénateurs, elle devrait être exclusivement réservée aux citoyens français. La première « res publica », la première chose commune, c’est celle qu’on appelle justement la commune. Une différence importante sépare les petites communes relativement isolées des villes très peuplées situées dans des agglomérations. Dans le premier cas, l’identité communale est ancrée dans les esprits et le vote tend à désigner des personnes connues de tous en fonction de ce qu’elles ont accompli dans leur vie professionnelle ou associative. La couleur politique est parfois totalement absente. Dans le second cas, c’est au contraire l’étiquette partisane qui prend de plus en plus d’importance. Au lieu de choisir des Conseillers municipaux, et indirectement un Maire et son équipe, on sanctionne la politique nationale à l’occasion de l’élection locale. On dira que l’UMP ou le PS ont conquis ou perdu des villes. Les mairies conquises seront des tremplins vers les ambitions nationales. On en tirera des conclusions sur le rapport de force politique entre les partis et on établira des pronostics sur les futures échéances. L’information locale ayant laissé en partie la place aux médias audiovisuels et à internet, le vote se fera en fonction de la sociologie, de la préférence partisane, de l’image médiatique des candidats et tiendra de moins en moins compte de l’action d’un homme et d’une équipe pour le Bien Commun d’une ville. Le temps de Jean Royer à Tours n’est plus. Il s’agit là d’une dérive. La France n’est pas un pays en guerre civile permanente où chaque camp planterait ses drapeaux sur les mairies dont il s’emparerait. Certes, un Maire de droite devrait être plus économe des deniers publics, investir davantage et diminuer le fonctionnement et le nombre des fonctionnaires. Il devrait préférer l’intérêt local à l’attachement au parti. Jacques Bompard est l’un des rares exemples qui confirment cette idée. La première ville importante à apparaître dans le classement des villes les plus endettées est Levallois-Perret, à droite depuis 1983.  Chacun de ses habitants porte une dette de 11447 Euros et supporte une annuité de 1214 Euros quand les moyennes nationales sont respectivement de 604 et de 88 Euros. Parmi les grandes villes les plus dépensières, figurent Toulon, toujours à droite et Aix-en-Provence qui l’a été souvent. La démagogie, le clientélisme voire le népotisme n’ont plus de frontière. L’important est la réélection où les cadeaux comptent plus que les économies, semble-t-il.

En 10 ans, les 10 premières villes de France ont augmenté leurs dépenses de 30%. Celles-ci ont souvent été minorées par d’habiles transferts sur l’intercommunalité, à Nantes comme à Nice. Dans ces deux villes, 60% de l’endettement a glissé sur l’agglomération. Au total, les impôts locaux du mille-feuille ont flambé. Le recrutement des fonctionnaires s’est accéléré dans le temps même où l’Etat, premier financeur des communes, s’efforçait de réduire dépense et personnel. Le Maire est de loin l’élu le plus connu des électeurs, et pourtant il arrive que ceux-ci expriment leur mécontentement national plus que local, en votant pour une liste faite de bric et de broc, conduite par un parachuté. La démagogie et l’usage immodéré d’un pouvoir issu de la décentralisation d’une part, la politisation malsaine des scrutins municipaux, d’autre part, altèrent la qualité de la démocratie municipale dans les grandes villes et plus encore dans les agglomérations. Le vote proportionnel avec une préférence majoritaire y accentue le rôle des partis et la réélection dans la majorité ou l’opposition des professionnels de la politique en tête de liste.

Trois réformes pourraient remédier à cette situation. Le regroupement intercommunal est inévitable en raison de la mobilité plus grande des habitants, et des nouvelles technologies qui facilitent l’allègement de la fonction publique territoriale, accélèrent les communications et abrègent les formalités. En revanche, l’élection uninominale du Maire et de chacun des conseillers par secteur permettrait de garder un lien direct, décisif, et d’ailleurs très contraignant entre les élus et leurs électeurs. Il va sans dire que cela ne peut se concevoir qu’en l’absence totale de cumul. Enfin, les référendums locaux à caractère décisionnel, y compris sur le plan fiscal, devraient être instaurés. Ce serait rendre à la démocratie communale sa réalité, mettre fin aux fiefs politiques et à leurs seigneurs généreux avec l’argent des autres, pour redonner la parole au peuple. Ce serait sans doute aussi un moyen de réduire les dépenses et les impôts très inégalement répartis. Cette réduction est inévitable. Si les citoyens  ne la décident pas, c’est l’Etat qui devra y contraindre les communes. Or, si l’on veut rebâtir la République, c’est par la commune qu’il faut commencer.

Christian Vanneste, 5 mars 2014

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