Ukraine: Réaction d’un Russe « suissisé » de Genève.

Abrahm Schwetzow
Nom de plume, journaliste indépendant

Nos lecteurs nous écrivent.

 

J’aime la Suisse, je vis dans ce pays depuis un quart de siècle, j’ai le passeport rouge à croix blanche.
Maintenant, imaginez qu’un beau jour je me réveille et l’on m’annonce :

Suite à une révolte populaire dirigée depuis un canton alémanique, un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir à Berne Son premier décret est de déclarer que tout le monde en Suisse doit parler suisse allemand. On abolit le statut de la langue française. Il n’y a plus de « Romands », il y a juste des Suisses francisés par erreur. La nouvelle ministre d’éducation nationale se chargera de l’éradication massive de prénoms « français », ainsi Jean s’appellera Johannes, et Julie s’appellera Julia.

Que ferais-je ? Je téléphonerais à l’hôpital psychiatrique Belle Idée. « J’ai un patient pour vous. Attention, il peut être violent ».

Or, toute caricaturale et inconcevable qu’est cette situation, c’est à peu près ce qui est arrivé à Kiev.

ukraine langue réseauxEn effet, une fois au pouvoir, le premier décret des insurgés n’a pas été de réformer l’économie ni de combattre la corruption ni, même, d’ériger une statue en or à M. BHL ou M. McCain mentionné par M. Arjakovsky (à la manière de la statue en or de Bill Clinton au Kosovo).

Non, le premier décret a été d’abolir le statut de langue régionale qu’avait la langue russe.
Un statut de langue régionale, même pas nationale, et qui n’a existé que depuis un an, infiniment plus modeste, par exemple, que celui du romanche en Suisse (un peu moins de 1 % de la population).

Or, en Ukraine, sur 46 millions d'habitants, au moins un tiers indique le russe comme langue maternelle. Si vous regardez la carte des réglages linguistiques (préférences utilisateurs) de « Vkontakte », le plus grands réseau social en Europe après Facebook, vous verrez que tout le Sud et tous l’Est du pays sont russophones. Et ce après vingt-deux (22 !) ans de statut unique de l’Ukrainien comme seule langue nationale.

Et du jour au lendemain, ces hommes et ces femmes passent au statut de citoyens de seconde zone. M. Tiagnibok de « Svoboda » parle même d’introduction de peines pénales pour l’utilisation du russe. Les Lois raciales de Nuremberg de 1935, vous vous rappelez ?

Ensuite, il circule sur Internet une vidéo où l’on voit une femme d’âge moyen, une blonde teinte quelque peu vulgaire, vitupérant dans un mélange russo-ukrainien dans un jardin d’enfants, devant des mômes effarés de 3-4 ans en proclamant qu’ils portent de mauvais prénoms : des prénoms russes alors qu’ils devraient se prénommer comme des Ukrainiens. Dans un autre épisode, elle se moque d’une fillette de cinq ans prénommée « Liza », en jouant de manière scabreuse sur la consonance de son prénom avec le verbe russe « lizat’ », lécher. « Si tu ne veux pas être une lécheuse, porte un prénom ukrainien ! ».

C’était en 2010. La petite fillette a dû être soignée par un psychologue pour enfant.
Cette femme s’appelle Irina Farion. Ce matin, elle a été nommée Ministre de l’Education de l’Ukraine.
Autant pour l’orientation « culturelle » anti-russe, directe, immédiate, féroce du nouveau pouvoir. De sa vénération du passé pro-nazi, de sa stylistique néonazie, faits établis et indéniables que M. Arjakovski balaye du revers de la main, je vous parlerai dans mon prochain courrier : laissez-moi le temps de choisir les meilleurs parmi des centaines de preuves par le texte et par l’image.

Et puis je vous parlerai aussi de cette ville russe, où des dizaines de milliers d’hommes et de femmes manifestent depuis samedi sous des drapeaux blanc, bleus et rouges, une ville que l’Occident ne veut pas voir ni entendre ni remarquer à tout prix (tout comme M. Poutine, d’ailleurs). Elle s’appelle Sébastopol.

Abrahm Schewtzow

2 commentaires

  1. Posté par Nicolas Popoff le

    Rassurez-vous, cher Dominique. Ces jeunes, qui décorent nos murs de jolis graffitis du genre « 39 % de fachos » ou « Plutôt crever qu’être Suisse », ne vont pas tarder à (se) manifester. Contre le dictateur, comme vous dites. On ne sait pas très bien où il est et ce qu’il devient, mais tant mieux : enfoncer les portes ouvertes n’est jamais dangereux, et la prudence est la mère de toutes les vertus. Nos jeunes antifascistes sont plus sages et prudents qu’on ne le pense : au lieu de s’intéresser imprudemment aux symboles et références nazies de « Svoboda », « Secteur de droite » et autres Yarosh et Bandéra, ils cracheront vaillamment sur du Russe. Ce n’est qu’une question de timing, laisser le temps aux médias de tout préparer.

  2. Posté par dominique degoumois le

    Je suis indigné de ne pas avoir vu de jeunes manifester dans les rues de Genève, pas solidarité avec leurs *frères et soeurs* ukrainiens, massacrés par un pouvoir fasciste! Sur les photos on voyait bien que nous avons à faire à des gens comme nous, pas plus de droite que de gauche, de simples citoyens massacré par un dictateur! Où est la vraie conscience politiques des jeunes, en dehors de toutes manipulations! Un groupe antifas allemand appelle aux viols de allemandes pour détruire la race allemande! Je ne vois pas très bien ce qu’on entend pas race allemande à l’extrême gauche! les antifas sont des fascistes de gauche, rien d’autre!

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