Nicolas Levrat en grand inquisiteur

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Si le moindre doute subsistait encore dans certains esprits sur la nature de ce qui se passe dans certains recoins des Universités suisses romandes, il a été balayé par le remarquable article de Nicolas Levrat. Il est professeur de droit à l’Université de Genève et directeur de l’Institut européen. Il recommande aux Suisses humanistes, européens, soucieux des valeurs d’ouverture et des droits humains de faire sécession d’avec une Confédération qui suit l’UDC sur la question de l’immigration de masse.

 

Dans les recoins académiques de l’Arc lémanique, on n’est pas seulement de gauche. On utilise son esprit pour mieux montrer que des êtres humains, en l’occurrence ceux qui ont voté oui le 9 février 2014, ne se conforment pas à un modèle abstrait et universel. Nicolas Levrat n’est pas une personne qui s’adresse à d’autres personnes, en l’occurrence aux Suisses qui ont voté oui à l’initiative UDC, mais il est une instance supérieure qui déclare, à partir de ce modèle, que ces Suisses sont des déviationnistes, des hérétiques. En matière de démocratie, on pourrait mieux faire, mais c’est ainsi.

 

Cette attitude n’est pas nouvelle. Elle est même bien connue au vingtième siècle. Lorsque des individus ou des partis ne se conformaient pas au modèle décrété orthodoxe par le pouvoir, ils étaient théoriquement condamnés et pratiquement exterminés. Nicolas Levrat, on le concédera, n’appelle pas de ses vœux, à l’extermination de l’UDC, mais, en invitant ses camarades à une grande marche loin de la Suisse, il se confond avec tous ceux qui n’ont pas vu des êtres humains dans des hérétiques, mais des choses déviantes. On ne s’adresse pas à des choses, on n’essaie pas de les convaincre, on les élimine ou, si l’on est directeur du « Global Studies Institute » comme Nicolas Levrat, on les ignore en se séparant d’eux.

 

On les ignore, donc, tout en se référant abondamment à des valeurs. Ce mot apparaît onze fois dans l’article de Nicolas Levrat complaisamment publié par Le Temps. Les valeurs qu’il évoque sont, selon lui, celles de l’humanité. Fichtre ! Ce n’est même plus relativement aux valeurs d’une église que les plus de la moitié des Suisses sont des hérétiques, mais relativement à toute l’humanité. Ne méritent-ils pas d’être placés dans un asile psychiatrique ? En tout cas, ceux qui ne partagent pas les valeurs de l’humanité ne sont plus, à l’évidence, des êtres humains. Lors du procès du nazi Eichmann à Jérusalem, Hannah Arendt disait que, par ses actions, il s’était retranché de l’humanité et qu’il méritait donc la mort. Les Suisses méritent-ils aussi la mort ? On peut le craindre lorsque nous voyons Nicolas Levrat préciser que la Suisse a erré « au regard des valeurs essentielles au fondement de nos sociétés modernes et ouvertes ». Nous attendons donc avec anxiété son verdict sur notre pays. Comme Eichmann, ne méritons-nous pas aussi la mort ?

 

Par son enracinement dans les institutions académiques genevoises, Nicolas Levrat est puissant, mais sans pouvoir. Pourquoi cet oxymore ? Il est puissant parce qu’il influence des étudiants, des collègues, des proches, en se réclamant de ses titres et de son carnet d’adresses. Mais contrairement à Mao qui, lui aussi, invitait ses partisans à s’engager dans une longue marche, il n’a pas d’armes et ne se propose pas de prendre le pouvoir dans un pays. Toutefois, il se berce de fantasmes. Il rêve en effet de prendre le pouvoir en se mettant d’avance en scène dans un grand scénario de résistance à l’oppresseur UDC. Cette mise en scène pourra amuser quelques spectateurs mais, malheureusement pour Nicolas Levrat, ils ne pourront s’empêcher de penser à Karl Marx pour qui le tragique de l’histoire se répétait sous forme de farce. C’en sera une, de bonne farce, que les gesticulations de cet éminent professeur de droit si elles continuent. Persistera-il et signera-t-il ? Nous l’espérons, car alors nous pourrons rire plutôt que pleurer sur la misère intellectuelle et morale en provenance du Global Studies Institute.

 

Le totalitarisme ne se met pas en place seulement par des opinions, mais par le rêve d’une société sans classes, mondialiste, pacifiée, sans nation (surtout pas Israël) et, rajoutons-le pour faire plaisir à Nicolas Levrat, humaniste. Ce rêve peut tourner au cauchemar, comme devrait le savoir tout Européen conscient de l’histoire de notre continent.

Jan Marejko, 21 février 2014

8 commentaires

  1. Posté par Pierre H. le

    @Alain Favre
    « Franchement, qui écoute ce type, qui porte crédit à ce qu’il dit ou pense ? »

    Vous vous rappelez, il y avait un petit peintre inconnu, raté et minable, recalé aux examens de l’école d’art qu’il fréquentait et il était petit caporal à l’armée. Il s’appelait Adolf Hitler…

  2. Posté par Pierre H. le

    Encore un dont la vraie place est à l’hôpital de Cery ou à celui de Marsens !

  3. Posté par philippe le

    Non encore un Levrat……moi j’en peux plus……

  4. Posté par ElviDo le

    La stratégie j’accuse l’autre d’être totalitaire, c’est pas terrible. Se positionner comme ça en victime pour démolir l’autre, pff. Un discours terriblement démagogique. Je sais pas trop ce qu’il se passe en Suisse à propos de la sécession de je sais pas qui à propos de je sais pas quoi, mais je sais reconnaître des arguments fallacieux et les logorrhées.
    J’ai lu l’article de M. Levrat, et il me semblait plutôt pertinent et bien construit, crédible. Mais ici, hormis un cynisme agressif jouant seulement sur les émotions primaires, je ne vois pas ce que cet article recèle! Que des attaques pour tourner l’autre en dérision, mais rien de valable.

  5. Posté par Alain Favre le

    On fait tout un plat avec les « pensées » de ce prof d’uni. Une tempête dans un verre d’eau ! Franchement, qui écoute ce type, qui porte crédit à ce qu’il dit ou pense ? Mis à part quelques bobos qui se gargarisent à la Leninade et qui rêvent de construire un minaret dans leur vaste jardin, il n’y a strictement personne pour écouter les élucubrations inutiles de cet illustre anonyme.
    Conclusion : Ctrl Alt Delete !!!!

  6. Posté par Martina Marietta le

    Généralement, je n’apprécie pas M. Marejko ceci pour deux raisons.
    Premièrement, il aime trop s’écouter parler sans prêter attention à ses interlocuteurs, et deuxièmement car il est profondément anti-gauche, comme certains sont anti-UDC. Mais cette-fois-ci, il faut reconnaître que ses propos sont raisonnables, et je ne peux que aller dans son sens.

  7. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Hier, j’ai mentionné le livre de C.S. Lewis, « l’abolition de l’Homme » et j’ai ressenti un manque de ne pas vous en avoir proposé d’extrait. En voici donc un qui me paraît tout à fait approprié. » Pourquoi prenez-vous ces conditionneurs pour des hommes mauvais ? Non je ne crois pas que ces hommes sont mauvais : en fait, je crois plutôt que ce ne sont pas du tout des hommes (dans l’ancienne acception du mot). En d’autres termes, ce sont des gens qui ont sacrifié leur part d’humanité au sens traditionnel pour se consacrer à la tâche de décider ce que l’humanité doit signifier à l’avenir. Appliqués à eux, les mots « bons » et « mauvais » sont vides de sens, car c’est d’eux que doit désormais dépendre le sens de ses mots. » Mots qui d’ailleurs se réduisent à peau de chagrin. Ils tiennent, sans avoir besoin de les plier en quatre, dans l’expression sacralisée: « valeurs »! À laquelle une pitoyable surenchère ajoute l’adjectif  » républicaines »! Plus leur contenu est étique, plus leurs chantres cacophonent! Se gardant bien de mentionner la droiture, l’intégrité, la fidélité et le respect de la parole donnée. Serait-ce manqué de respect que d’ajouter : et pour cause. Entre autre parce que ces denrées sont périmées, sans valeur.

  8. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Si j’ai bien compris, ce que Monsieur le professeur appelle de ses vœux est la dictature du bienpensariat. Laquelle va s’appliquer sur les mal pensants. Avec les conséquences que l’on peut imaginer. Oui, imaginez un peu que tous pensent bien, que deviendront les élites alors? Elles seront condamnées à penser mieux! Et à imposer leurs nouvelles pensées comme la fine fleur de l’humanisme. Et moi, le brave naïf, j’aurais à nouveau une case de retard. Autrefois dur d’oreille, je suis devenu malentendant, et me voici devenue minorité persécutée. Victime d’une flagrante inégalité. Cela a commencé avec « Radion » lave plus blanc »?

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