L’Union européenne : Tueuse des nations?

Uli Windisch
Rédacteur en chef
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Pour construire une vraie Europe, qui en fait existe déjà, il ne faut ni détruire les nations ni leurs diversités internes mais faire fructifier encore davantage ces multiples diversités. Le fédéralisme, le vrai, et non un autoritarisme déguisé en fédéralisme, et la démocratie, soit la participation de toutes les populations nationales à de véritables élections, de même qu’à des référendums et des initiatives populaires réels et non rendus délibérément impossibles, le permettront.

Il est urgent de se battre contre des institutions et des autorités illégitimes qui finiront par créer de graves tensions et de nouveaux conflits d’une ampleur encore insoupçonnée. But ultime : non pas détruire mais construire une vraie Europe, voulue, acceptée et décidée par tous ceux qui partagent les mêmes valeurs, celles d’une civilisation millénaire.

Il existe donc une Charte européenne des langues régionales et minoritaires dont l’un des buts avancés est celui de la reconnaissance des langues et des minorités régionales.

Le thème des langues et des minorités régionales fait débat et polémique depuis de nombreuses années. Les pays centralisateurs sont généralement très méfiants pour ne pas dire totalement hostiles à la reconnaissance de ces langues régionales tandis que les minorités  s’attaquent à ce centralisme qui ne veut pas les reconnaître, voire les méprise carrément. En France, des régions comme l’Occitanie, la Bretagne, la Corse, l’Alsace  et d’autres encore  sont très sensibles à ce sujet et présentent leurs revendications depuis de nombreuses années. Le débat et les polémiques sont encore plus virulentes en Espagne ( le cas de la Catalogne,  la Galice, le pays basque ou le problème a débouché sur le terrorisme, etc.). Le problème revient à la une également en Angleterre, après l’Irlande, avec l’Ecosse notamment.

La Suisse a réussi à faire face à ce thème menaçant au moyen d’un fédéralisme véritable, même si des problèmes subsistent toujours. En fait c’est la conjugaison du fédéralisme et de la démocratie directe qui permet d’affronter concrètement ce genre de questions. L’exemple de la situation du Jura en est en depuis un certain temps déjà l’exemple le plus évident.

Par le passé, j’ai, à plusieurs reprises été invité à des colloques portant sur ce thème des minorités régionales  afin de présenter la situation suisse. La thèse, apparemment contradictoire, que j’ai toujours défendue : plus un pays reconnaît et permet à ces minorités et langues minoritaires de s’exprimer et de s’affirmer pleinement plus l’unité d’un tel pays est forte, soit cette autre formule magique suisse : l’Unité dans la Diversité. Lors de la défense de cette thèse dans l’un de ces colloques en France sous la houlette d’un ministre socialiste, dans les années 1980-1990, nombre de chercheurs et de politiques présents sont immédiatement montés sur le podium après mon intervention point signifier à quel point une telle thèse était peut-être valable pour la Suisse mais en aucun cas pour la France. Après ces interventions obligées, d’autres participants, micro ou caméra au poing, se sont rués vers moi sans que j’en comprenne les raisons, puisque je venais d’être poliment renvoyé à ma place de Suisse invité mais qui n’avait pas dit ce qui était attendu. C’était tout simplement des représentants des différentes régions et langues minoritaires françaises qui ne me demandaient qu’une seule chose : de répéter ce que j’avais dit. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts sans que ces ponts ne parviennent à relier les parties au tout.

Il y a quelques semaines, le Premier ministre  français en déplacement en Bretagne a annoncé la prochaine ratification de cette charte européenne des langues régionales et minoritaires, l’une des promesses du programme de François Hollande. Mais, comme le rappelle un journaliste d’AgoraVox, 15 décembre 2013,  « le Conseil constitutionnel a logiquement  jugé qu’une telle reconnaissance de minorités linguistiques porterait atteinte aux principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ». On retrouve là cette peur atavique de l’éclatement que connaît toute nation diversifiée culturellement et linguistiquement mais très centralisée politiquement. Cette peur et ce refus sont-ils justifiés et surtout ne produisent-ils pas des effets contraires et pervers, en braquant et révoltant encore davantage ces minoritaires ? Tels sont en tout cas les effets de cette logique centralisatrice des Etats qui ne peuvent concevoir qu’Unité et Diversité sont conciliables, et que cette conciliation de l’inconciliable peut même renforcer l’Unité d’un pays et éviter que les conflits ne s’aggravent et se durcissent, jusqu’au terrorisme dans les cas limites.

Politiquement, et même dans la recherche, on trouve toujours ces deux camps les plus opposés sur le sujet. Ceux qui voient une chance dans cette charte et ceux qui y voient un facteur d’éclatement des pays.

Dans cette dernière catégorie, on perçoit maintenant aussi une volonté d’immixtion tout à fait injustifiée de l’UE, et même une volonté de plus de cette dernière de se mêler de ce qui ne la regarde pas. Pire, si le parti socialiste au pouvoir en France y est favorable, ce serait parce que cette charte permettrait de déconstruire la France et son identité traditionnelle, tant haïe par les déconstructeurs des identités nationales. Quant aux Verts, leur nouvelle secrétaire vient même de déclarer vouloir  la dissolution de la nation, des nations. Plus généralement, l’UE pousserait cette charte afin d’arriver à une Europe des régions et non plus des Etats, Etats dont certains lui tiennent encore tête. C’est donc tout le débat de l’identité nationale que cette charte réveille, en réactivant l’opposition totale entre ceux qui la relativisent, voire la dénigrent, et ceux qui montrent au contraire son importance fondamentale dans le maintien et l’affirmation de toutes les cultures nationales.

Il est vrai que certains dirigeant(e)s de l’UE ont même osé affirmer que les règles nationales n’avaient plus de raison d’être face à l’inéluctabilité des règles et du droit européens.

Rien ne nous empêche de dire fermement NON à cette incroyable prétention, mais tout à fait en harmonie avec une nouvelle logique centralisatrice, supranationale cette fois, et qui cherche à s’imposer en évinçant des logiques centralisatrices locales, nationales. En favorisant les Régions l’UE ferait coup double : vider les nations de leur contenu et imposer SA logique, plus centralisatrice que jamais.

Mais une autre vision, un autre raisonnement, que ce simplisme autoritaire de l’UE, et une toute autre vision politique de ces réalités minoritaires existent : une vraie Europe des nations et des pays et non une UE qui veut liquider les nations.

Désolé, mais la Suisse pourrait y contribuer en montrant, par l’exemple, sur la base de sa propre réalité et expérience historique, que l’on peut concilier cet inconciliable : L’Unité dans la Diversité.

Les Suisses sont des patriotes multiples : ils sont fortement attachés à leur commune, ce qui ne les empêche pas d’être également profondément attachés à leur canton et en fin de compte au pays. Selon cette même logique, ils pourraient même ajouter un attachement supplémentaire, celui à l’Europe, avec laquelle ils ont beaucoup de points de communs mais pas avec l’UE, avec laquelle ils ont de moins en moins de points en commun. Ils ne sont pas les seuls à refuser ce centralisme autoritaire antinational, cette forme d’Anschluss non pas  militaire ou pleinement totalitaire mais au nom d’un Droit, de Règles et d’Institutions qui se veulent supérieures bien que non décidés ni approuvés de manière démocratique par les membres nationaux.

Oui à une Europe des nations et à des nations renforcées par des diversités internes contribuant, paradoxalement, à des unités nationales plus fortes et à une Europe elle aussi plus forte car acceptée, partagée et voulue au nom de tous et en vertu des nombreux traits culturels, historiques et politiques communs.

Pour construire une vraie Europe, qui en fait existe déjà, il ne faut ni détruire les nations ni leurs diversités internes mais faire fructifier encore davantage ces multiples diversités. Le fédéralisme, le vrai, et non un autoritarisme déguisé en fédéralisme, et la démocratie, soit la participation de toutes les populations nationales à de véritables élections, de même qu’à des référendums et des initiatives populaires réels et non rendus délibérément impossibles, le permettront.

Il est urgent de se battre contre des institutions et des autorités illégitimes qui finiront par créer de graves tensions et de nouveaux conflits d’une ampleur encore insoupçonnée. But ultime : non pas détruire mais construire une vraie Europe, voulue, acceptée et décidée par tous ceux qui partagent les mêmes valeurs, celles d’une civilisation séculaire.

Uli Windisch, 1er janvier 2014

 

 

 

 

 

 

 

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