Entretien avec Petr Mach

Alimuddin Usmani
Journaliste indépendant, Genève

Petr Mach est le président du « Parti des citoyens libres » en République tchèque. Il a été le conseiller économique de l’ancien président tchèque Klaus. Sa formation s’oppose à l’intégration européenne et à l’Union européenne dans son ensemble. Elle rejoint néanmoins la philosophie du Parti Libéral-Radical (PLR) en ce qui concerne la libre entreprise et sa conception d’un Etat « svelte ». C’est l’occasion pour nous de faire plus ample connaissance avec ce mouvement politique et de lui poser quelques questions sur l’actualité européenne et internationale.

Alimuddin Usmani : Dans votre pays, la République tchèque, les médias ont tendance à présenter les opposants au pouvoir ukrainien, par ailleurs partisans de l'UE, comme des victimes. Trouvez-vous ce traitement équitable ?

Petr Mach : Je pense qu'à distance on ne peut analyser de manière factuelle la réalité en Ukraine. Je sais assurément que dans ce conflit tout n'est pas noir ou blanc. Il est difficile de désigner qui sont les coupables et qui sont les victimes. Je souhaite que les Ukrainiens puissent résoudre leurs conflits. Ni l'Union européenne ni la Russie ne devraient se mêler de leurs affaires intérieures.

 

A propos des événements en Ukraine, le géopoliticien français Aymeric Chauprade a affirmé qu'une intégration dans l'Union européenne pour ce pays reviendrait à choisir d'intégrer l'Union Soviétique en 1989. Quelle est votre position à ce sujet?

L'Union européenne n'a pas une attitude honnête vis à vis de l'Ukraine mais également à l'égard de la Turquie. Ce sont deux grands pays qui ont un potentiel migratoire à destination de l'Union européenne. Ils possèdent également un secteur agricole très important. Pour ces raisons l'UE ne les acceptera jamais comme membres de plein droit. Si l'UE incite ces deux membres à l'adhésion, alors il s'agit avant tout d'une vaste hypocrisie. Je ne conseillerais en aucun cas à la Turquie ou à l'Ukraine de devenir membres de l'UE, les prescriptions et les directives européennes leur seraient néfastes. Au lieu de cela, ils feraient mieux de conclure un accord de libre marché avec l'UE.

 

Votre pays connait des problèmes sociaux avec sa minorité rom. Certains pensent que les pays occidentaux, à l'instar de la France ou de la Belgique, ne doivent pas assumer au nom de l'Europe des responsabilités que les pays d'origine des Roms refusent d'assumer? Et vous?

Chaque pays, y compris la France et la Belgique, doit avoir le droit de contrôler qui entre sur son territoire. Si ces pays pensent que les accords de Schengen ou bien l'appartenance à l'Union européenne ne sont pas avantageux, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes, ils devraient purement et simplement résilier ces accords.

 

En 2011 vous aviez exprimé votre opposition à l'intervention de l'OTAN en Libye en invoquant le respect de la souveraineté des Etats. La France a tenté cette année d'entraîner les Etats-Unis dans une guerre contre la Syrie. Comment analysez-vous l'excès de zèle du gouvernement français à appliquer le droit d'ingérence?

Dans l'histoire les guerres sont souvent utilisées pour détourner l'attention de l'opinion publique des problèmes domestiques. En l'occurrence le gouvernement français, qui a mené une guerre en Libye et qui cherche à intervenir en Syrie, tente de cacher les problèmes liés à son économie domestique.

 

L'immigration, qu'elle soit légale ou illégale, est un sujet de préoccupation majeur des citoyens européens. Les anciens pays communistes, où l'Etat avait des prérogatives importantes, connaissent une population immigrée beaucoup plus faible que l'ancien bloc de l'Ouest. Dans votre programme politique vous souhaitez un Etat "svelte". Ne craignez-vous pas des conséquences négatives en termes d'immigration incontrôlée?

Les immigrants cherchent, de manière concevable, à gagner les pays les plus prospères où ils peuvent communiquer par la langue. Cela concerne avant tout la France et l'Angleterre. Le Parti des citoyens libres souhaite que la République tchèque soit un Etat "svelte » ne faisant pas partie de l'Union européenne. Nous resterions dans l'espace Schengen uniquement si la libre circulation des personnes apportait plus d'avantages que de problèmes. Un Etat "svelte" implique une restriction des prestations sociales mais assure la sécurité et le contrôle des frontières à ses citoyens. La République tchèque n'est pas une destination privilégiée des immigrants d'Afrique ou du Proche-Orient. Chez nous immigrent par contre un grand nombre de personnes d'Ukraine ou de Moldavie. Ils sont, dans la plupart des cas, profitables à l'économie tchèque. Nous sommes en faveur de l'immigration pour autant que nous puissions la stopper au cas où elle commencerait à devenir nuisible.

 

En novembre dernier le député européen Nigel Farage a dénoncé la décision du Bureau du Parlement de créer une équipe chargée de "corriger" les propos des eurosceptiques sur les réseaux sociaux. Quel commentaire pouvez-vous faire de cette affaire?

Sur internet s'affrontent les partisans et les opposants de l'Union européenne et c'est parfaitement en ordre. Il serait en revanche néfaste que le Parlement européen utilise l'argent du contribuable européen pour faire de la propagande sur internet. Ce serait le parfait contraire de la démocratie. Le débat doit être mené par des citoyens ordinaires et non pas par des experts rémunérés par la collectivité.

Propos traduits du tchèque par Alimuddin Usmani, le 22 décembre 2013

Source : Romandie.com et Lesobservateurs.ch

Un commentaire

  1. Posté par John Simpson le

    Très intéressant l’avis de ce jeune politicien. L’Union européenne est effectivement une vaste bureaucratie. Les tchèques ont également de la chance de ne pas être envahis par des ressortissants africains ou du Proche-Orient qui finissent souvent à l’assistance sociale. Les immigrants chez eux sont peu nombreux et ils viennent pour travailler.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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