Démocratie directe, piège à cons ?

Uli Windisch
Rédacteur en chef

Ce n’est pas être populiste que de dire que la volonté populaire doit primer, puisque le peuple prend rarement, voire jamais des décisions « irresponsables ». Cela d’autant plus que les autorités se plaisent très souvent à se féliciter de la maturité de ce même peuple.
La démocratie deviendrait-elle un piège à cons ? Comme certaines votations ou pseudo référendum dans d’autres pays ? On continue à laisser le peuple se prononcer tout en sachant que l’on ne retiendra que les décisions qui conviennent à l’international et aux autorités nationales inféodées à l’extérieur.

 

Nous l’avons dit à plusieurs reprises : la démocratie directe, avec le fédéralisme, le pragmatisme, le désir de souveraineté et d’indépendance sont parmi les traits constitutifs de la Suisse. Il a souvent fallu adapter certaines de ces composantes à l’évolution et cela a été fait, même avec l’accord du peuple. Mais remettre en cause fondamentalement l’une ou l’autre de ces composantes revient à vider le Modèle suisse de sa singularité, de sa richesse et de son statut de modèle d’organisation sociale, culturelle et politique pour bien des populations d’autres pays.

Ces derniers temps les attaques les plus massives et fondamentales ont visé la démocratie directe, notamment lorsque nos autorités et les fonctionnaires fédéraux se permettent d’amputer certaines initiatives populaires de l’une ou l’autre clause, ou lorsqu’elles ne veulent pas mettre en application une initiative populaire pourtant acceptée par le peuple, au point qu’une deuxième initiative, demandant que la première soit acceptée, est développée et également acceptée par le peuple. Là on sort clairement de la démocratie suisse telle qu’elle doit être appliquée.

L’argument disant qu’une initiative amputée ou carrément rejetée par les autorités l’est au nom du respect du droit international ou de tel ou tel traité international signé n’est pas recevable. Nous entrons dans une phase politique ou le droit national doit à nouveau primer, quitte à devoir refuser parfois ce droit extérieur, ou au moins renégocier certaines conventions ou traités internationaux. Dire cela est tout de suite considéré comme totalement illusoire,  irréaliste ou impossible. Il n’en est rien.

Si l’Angleterre met en cause la libre circulation, l’approbation est massive et le soulagement considérable, dans d’autres pays aussi. Si une votation populaire suisse  n’est pas complètement et immédiatement compatible, les autorités fédérales sont dans tous leurs états, se plient, sont prêtes à s’automutiler et à se censurer. Où est l’erreur ?

Le peuple suisse doit absolument rester souverain, même si des aménagements peuvent être envisagés. Mais le principe doit rester et primer, et devenir la base de référence de toute décision, au risque de voir de graves tensions et conflits nouveaux aggraver encore le fossé déjà de plus en plus profond entre le peuple et les autorités. Le fait de vider la substance même de la volonté populaire et des décisions populaires crée un sentiment de défaitisme, d’impuissance et de révolte, et peut subitement se transformer en réactions politiques collectives que les autorités imaginent encore à peine.

Ce n’est pas être populiste que de dire que la volonté populaire doit primer, puisque le peuple prend rarement, voire jamais des décisions « irresponsables ». Cela d’autant plus que les autorités se plaisent très souvent à se féliciter de la maturité de ce même peuple.

Il s’agit de renverser une attitude base, un réflexe pavlovien, qui revient à considérer que l’international doit automatiquement primer sur le national. On ne peut pas constamment ignorer la volonté du peuple et se plier à n’importe quel traité ou règle internationale, ou alors clairement annoncer que l’on est prêt à renoncer à la démocratie et à la souveraineté nationale, comme le souhaite, de manière parfois clairement avouée l’UE. Mais le peuple suisse et sans doute de plus en plus d’autres peuples s’y opposeront et avec détermination.

La démocratie deviendrait-elle un piège à cons ? Comme certaines votations ou pseudo référendum dans d’autres pays ? On continue à laisser le peuple se prononcer tout en sachant que l’on ne retiendra que les décisions qui conviennent à l’international et aux autorités nationales inféodées à l’extérieur.

DémocratiedirecteExc

L’introduction récente par la France du « référendum d’initiative partagé » est un bel exemple de démocratie illusoire, en fait une pure instrumentalisation, laissant croire que l’on veut consulter le peuple et tenir compte de son avis sur certains problèmes, en plus nullement déterminants. On a vu ce qu’il en était… Ici l’expression démocratie piège à cons convient parfaitement. Les conditions mises pour réussir un tel référendum sont telles qu’il devient quasi impossible d’y parvenir. Imaginez un instant : pour organiser une consultation populaire sur une proposition de loi il faudra réunir « un cinquième des membres du Parlement soutenu par un dixième des électeurs », soit 185 parlementaires et, tenez-vous bien, 4,5 millions de citoyens ! C’est marqué défendu, a priori. Courir après 4, 5 millions d’électeurs afin de proposer une modification d’une simple proposition de loi. On veut faire croire à une possibilité de participation plus marquée du peuple, alors que cette dernière est quasiment impossible. Oui on se moque du peuple mais ce dernier n’est pas idiot. On semble l’oublier, autant que l’on n’a oublié le peuple lui-même. La manière dont on a réprimé en France certaines manifestations monstres, par exemple, contre le « mariage pour tous » indique déjà à quel point on ne veut pas du peuple ni de son avis. En plus, on le réprime avec violence quand il n’est pas d’accord avec les décisions du gouvernement.

Il y a bien démocratie et démocratie piège à cons, mais il est peu probable qu’un peuple, quel qu’il soit, se laisse instrumentaliser aussi grossièrement, prendre à ce piège-là…

Il y a un autre acteur qui croit pouvoir décider ce qui est bon pour le peuple, décider quand il vote bien et quand « il se trompe », parce qu’il ne va pas dans le « bon sens ». Vous avez devinez, ce sont évidemment les médias, du moins certains, et ceux-là sont particulièrement exaltés, pour ne pas dire méprisants et insultants envers ce peuple lorsqu’il ne vote pas comme ils le veulent.

Ariane D. est grave !

Je ne citerai que cet exemple, car il est exemplaire. Son cas est d’autant plus grave qu’elle s’exprime dans le seul journal du dimanche, comme rédactrice en chef, et dans un éditorial, du 24 novembre 2013, ( il s’agit donc d’Ariane Dayer). Elle trouve courageuse la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga ; cette dernière «  a osé appeler le parlement à déclarer le passage d’une initiative invalide parce qu’il contrevient aux droits de l’homme ». Il s’agissait  de tronquer  le texte sur le renvoi des criminels étrangers  parce « qu’il déroge au droit international impératif dans les motifs admis pour être expulsés ». Peu importe que cela n’est même pas prouvé, mais comme on a bafoué l’UDC ce ne peut être que bienvenu. Vous devinez le nombre de personnes qui vont se dire une nouvelle fois que l’on défend davantage les criminels que les victimes, dont d’ailleurs les médias parlent si peu, du moins de ce qu’il advient d’eux après les agressions et dont ils souffrent pendant des années, voire de manière irréversible. Souvent des vies détruites à jamais. Bref, moquer l’UDC et le peuple semble devenir de plus en plus un gage de « progressisme ». Encore une « avancée » ?

Vouloir expulser les criminels étrangers selon des règles définies par la Suisse à la suite d’une votation populaire reviendrait à « laisser confisquer  la définition de notre identité de citoyen par ceux qui la dévoient : on n’est pas meilleur Suisse parce qu’on condredit les règles internationales ». Il fallait bien un rédacteur en chef, pardon une rédactrice en cheffe, et du seul journal du dimanche, pour nous appeler à nous soumettre inconditionnellement  aux « règles internationales ».

Toujours cette obsession de l’évidence de la soumission à l’étranger et ce mépris de tous ceux qui veulent au contraire définir leurs règles, des règles nationales, qui n’ont, soit dit en passant, rien d’inhumain. Au contraire, ici on pense d’abord aux victimes, mais les règles internationales devraient-elles primer, serait-ce au détriment des victimes ? Au nom de quoi n’aurait pas le droit de contester des règles internationales et leurs fondements,  lorsqu’ils tournent en plus systématiquement à l’avantage des criminels ? Pourquoi des règles internationales seraient-elles intangibles ?

A côté des Droits des criminels n’y a-t-il pas aussi des Droits pour les victimes ? Et que sont des Droits lorsqu’ils sont à l’avantage des criminels ? A quand une Commission européenne des Droits des victimes ?

Bref on n’en sort pas. A quoi bon des règles internationales si elles sont à l’avantage des criminels, et dans une période ou ces derniers sont de plus en plus nombreux, violents et meurtriers. La réalité a changé, pourquoi pas les règles dites internationales ? La défense inconditionnelle de l’individu avait tout son sens lorsque la criminalité était un phénomène marginal et ne révoltait pas des populations entières devenues victimes de masse impuissantes.

C’est ce genre de situations qui revient à créer le fameux populisme que l’on dénoncera ensuite avec la plus grande innocence et vigueur, tout en ayant participé à sa création.

La « république des juges », si elle existe, c’est parce qu’elle est de plus en plus coupée des nouvelles réalités, comme l’est la république des journalistes, mais contre cette dernière le peuple peut se défendre, par exemple en la boycottant ou en participant au remplacement de cette autre république hors sol par une vraie démocratie pluraliste, médiatique donc.

Et la démocratie et le pluralisme ne seront plus des pièges à cons.

5 commentaires

  1. Posté par Petit Fils de gaucho le

    Le royaume du Danemarq se porte bien et d’autres en Scandinavie aussi surtout La Norvège qui est au dessus de tout, matières premières oblige monnaie très cher son isolement , une crise est annoncée, La Suisse en plein milieu de cela est très attractive par ses salaires uniquement selon mes potes de l’UE , sinon il reste l’Islande pour certains ils y retrouveraient des espaces et de la place !

  2. Posté par Camille le

    Petit oubli : et si, une initiative était lancée pour que le choix des urnes soient obligatoirement respecté par nos élus sous la Coupole ?…. Respect et démocratie, Mme Sommuraga en parle souvent, mais les actes, c’est tout le contraire, surtout envers les électeurs.
    PS. Désolée pour les fautes d’orthographe, je ne suis pas de langue maternelle française.

  3. Posté par Camille le

    Excellente article. J’essayais de dénoncer le parti prit du Matin sur cette question de ne pas vouloir respecter le choix du peuple sur le forum du Matin, vous n’imaginez pas la censure dès que l’on en va pas dans le sens des journalistes roses-verts de ce torchon….
    Mme Summuroga n’a toujours pas mise en vigueur cette loi. C’est une honte, combien de victimes en moins dans la population, combien de traumatisme de la victime et des proches auraient-ils pu être évité si elle avait respecter tout de suite le choix des électeurs ? Après, ce sont les mêmes gens de gauche qui volent l’obligation de voter…. « Un vote inapplicable » d’après notre presse rose/verte. Comme dit précédemment, que ces pseudo-journalistes changent de métier et deviennent juristes, ils mieux que nos propres juristes qui valident ou pas une initiative, si cette dernière applicable, légale donc, ou pas.
    Si tel était le cas, que nos « journalistes  » de la presse romande se muaient en juristes de la Vérité Vraie, aucune initiative de droite n’aboutirai.
    Ma crainte pour la votation « contre l’immigration de masse » est la même : non pas quel peuple vote oui ou non, la population respecter le choix des uns même s’il ne convient pas aux choix des autres. Pas de manifestions bruyantes ou violents. Tout est dit dans les urnes. Ce que ne comprennent pas certains élus de gauche surtout, quand il s’agit de les mettre en oeuvre par respect du résultat du scrutin. Va-t-il en être de même pour cette votation si elle venait être acceptée ? La crainte subsiste.
    En même temps, imaginez le tollé dans la presse si une initiative de gauche acceptée par le peuple n’était pas appliquée et/ou complètement vidée de son contenu par un conseiller de droite ?……

  4. Posté par G.Vignon le

    C’est quand on constate que les affiches de l’UDC répondent aux même exigences que celles du NSDAP que l’on peut clairement dire que la démocratie directe est un « piège à con ».

  5. Posté par Stéphane Bernard le

    Bonjour,
    Je voudrais attirer votre attention sur une véritable démarche de démocratie participative qui s’appuie sur un « contrat moral » et un programme citoyen pour les municipales 2014 en France : http://www.la-democratie-participative.org
    La démarche est virale puisque la presse de Pau refuse de s’en faire écho, faites donc circuler l’information !
    Ne soyez plus des électeurs, mais des citoyens ! Reprenez le pouvoir !
    Stéphane Bernard

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