Rémunérer les enseignants au mérite?

Caïn Marchenoir
Nom de plume, chroniqueur

Les enseignants helvétiques n’ont pas bonne côte. Ce n’est pas bien étonnant vu le nombre de gauchistes que l’on retrouve dans leurs rangs dans certains cantons. Ajoutez à cela une pointe de jalousie maladive au sujet des vacances et vous avez le compte. Mais après tout, ce n’est pas bien grave. Je gère. En revanche…

 

En revanche, lorsque 6 Suisses sur 10 se permettent de penser que les enseignants devraient être payés en fonction des résultats de leurs élèves, je dis « stop » et ce pour plusieurs raisons. Il n’est pas anodin de poser une telle question et je suis convaincu que si au préalables, les sondés avaient été interrogé sur l’instauration dans leur propre domaine d’activité du salaire au mérite, je suis prêt à parier que le lynchage en règle aurait été évité. Si on paie les enseignants au mérite, il n’y a aucune raison qu’on ne fasse de même avec les bouchers, les cordonniers, les employés de commerce et autres éboueurs. En bref, tout le monde peut se retrouver à la même enseigne.

Ceci dit, il y a des raisons fonndamentales pour démontrer que le salaire au mérite de la profession enseignante n’est pas souhaitable. La première est que ce genre de salarisation n’aide pas forcément à obtenir de meilleurs résultats : on en a eu plusieurs démonstrations dans les milieux bancaires ou boursiers où ce sont justement les premiers de classe, ceux qui alignent du chiffre qui ont contribué à faire crasher tout le système et ce à plusieurs reprises. Et bien dans le milieu de l’enseignement c’est sensiblement pareil : Je peux vous certifier que le jour où les moyennes des élèves sont le critère décisif, alors celles-ci vont prendre l’ascenseur. Lorsqu’un enseignant prépare un examen, c’est lui qui décide du degré de difficulté de celui-ci. Par conséquent, il ne lui est pas bien difficile de remonter le niveau, tout du moins en apparence, si son salaire en dépend.

On m’objectera qu’il suffit de ne se référer qu’à des épreuves communes proposées par le canton pour évaluer les résultats. Par exemple des examens de fin d’année. Penser de la sorte c’est oublier qu’un certain nombre d’élèves ne gèrent pas bien les excès de stress et que leurs résultats sur une seule épreuve ne sont pas significatifs de leur valeur exacte. Ce qui nous ramène à la nécessité de faire plusieurs tests et donc au problème de leur conception. Bien entendu, on peut toujours penser que l’état peut aussi fournir de multiples épreuves chaque année, auquel cas il faudrait juste engager du personnel supplémentaire pour créer ces examens.

Mais même ce nouveau cas de figure n’est pas satisfaisant: si un enseignant peut aisément faire varier les moyennes par la conception des évaluations, sa marge de manœuvre au moment de la correction est à peu près aussi grande : combien de points vaut telle ou telle question ? Et comment doivent être distribués les points si un raisonnement n’est que partiellement correct ? Que se passe-t-il lorsque l’élève a raisonné de manière assez cohérente mais d’une manière totalement différente de celle qui était prévue à l’origine ? On peut bien fournir des corrigés précis, il est impossible d’évacuer totalement l’appréciation personnelle. Or, si celle-ci est motivée par des intérêts pécuniers, il est certain que ce n’est pas l’intérêt des enfants qui va primer mais celui de l’enseignant. Là aussi, la solution serait d’engager une armée de fonctionnaires supplémentaires responsables de corriger les épreuves. Tout en sachant que la fatigue et la lassitude aidant, au bout de la 50ème copie de la journée, la précision des corrections va aller en se dégradant. Mais bon, certains pourront toujours dire que statistiquement cela se tient et qu’aucun enseignant en particuliers ne serait lésé.

Ainsi donc, si on veut salarier les enseignants au mérite, il faut que les épreuves et leurs corrections soient unifiées au niveau cantonal au minimum. L’Etat-Providence, au demeurant fort gras dès maintenant, risque de continuer dans la voie de l’obésité.

Ce d’autant plus qu’il va falloir encore engager une armada de surveillants pour le déroulement des examens afin de garantir qu’il n’y ait pas de triche. Bien entendu, les épreuves devront être fournies à l’ensemble de ces surveillants au dernier moment afin les fuites. Et même dans ce cas on n’est pas à l’abri d’un surveillant qui connait l’enseignant des élèves engagés dans l’épreuve et qui, par conséquent, pourrait fausser les données d’une manière ou d’une autre.

Outre ces considérations organisationnelles, il existe toute une série de disciplines où même ces tentatives de tout contrôler sont vaines. Je pense à l’enseignement des langues notamment. Si les copies écrites peuvent effectivement être uniformisées dans leur correction, quid de l’expression orale ? Croit-on vraiment que l’enseignant responsable d’élèves fort médiocres va les noter à leur juste valeur et donc s’auto-flageller financièrement ?

Et si certaines disciplines échappent au processus, est-il cohérent de mettre l’ensemble des enseignants au même tarif ? D’ailleurs, l’ensemble des branches se valent-elles ? Un enseignant d’histoire-géo doit il avoir le même traitement qu’un enseignant de math ? Et les profs de chant ? Si oui, va-t-il falloir mettre des examens de fin d’année dans toutes les branches ? Même en économie familiale ? Cela ne risque-t-il pas de surcharger les élèves ? Et si non, comment peut-on justifier qu’à durée de formation équivalente certains enseignants soient favorisés par rapport à d’autres ?

Enfin, relevons qu’un minimum de bon sens est nécessaire : les enseignants qui travaillent dans des zones plus cosmopolites et/ou plus pauvres vont être largement défavorisés par rapport à leurs collègues travaillant dans des zones plus homogènes. Croire qu’on peut obtenir des résultats similaires en milieu multiculturel et en milieu ethniquement plus homogène est une fable gauchiste ! A l’inverse, estimer que quartiers riches et quartiers pauvres ont les mêmes possibilités revient à adopter des lubies droitistes complètement déconnectées de toute réalité.

En définitive, il n’est donc tout simplement pas possible de mettre sur pied une rémunération au  mérite de la profession enseignante : sauf bien sûr à vouloir engraisser l’état jusqu’à plus faim et à se heurter à de véritables casse-têtes. Au lieu de gaspiller le denier public à de telles inepties, ne serait-il pas plus judicieux d’améliorer les conditions –cadres dans lesquelles évoluent les élèves ?

6 commentaires

  1. Posté par Philippe le

    @Cain_marchenoir:Pour répondre à votre question, mais au deux mon général.
    Comme dit Duval, je n’ai pas de connaissance du terrain scolaire, je m’y connais rien, je vous ai juste pratiqué pendant 9 années, d’ailleurs je faisais partie de ces élèves du fond de la classe, un peu dans la lune un peu dans les étoiles, pour mieux me comprendre compter les fautes d’orthographe dans ses quelques lignes. Tout les profs que j’ai croisé sauf deux, me laisse un goût malsain au fond de la bouche, comme un goût de revanche que l’être pacifique que je suis me défend de mettre en pratique. J’ai laissé de côté les phrases de ces prétentieux castrateur( tu arriveras jamais à finir ta scolarité, tu arriveras jamais à faire un apprentissage ) etc… pour laisser l’école derrière moi, et prendre a 16 ans a bras le corps ce que l’économie me proposait.
    Maintenant depuis 20 ans, chaque jour des centaines de gens dépendent du sérieux de mon travail pour voyager en sécurité, et j’en suis fier ainsi que d’avoir passé outre ce que ces pédagogues me réservait comme avenir.
    N’étant pas complètement idiot je n’ai pas braqué mes trois enfants contre l’école en sachant qu’ils en souffriraient encore plus. Un de mes fils d’après l’école publique était irrécupérable, ingérable, commençant à être irrespectueux et sans réaction de notre part je me demande si ils ne l’aurait pas accusé de violence. Après moult convocation ou devrais je dire sommation à comparaître devant des représentants de l’école, ils nous faisaient à chaque fois le constat de l’ambiance malsaine de la classe, et quand nous disions qu’à la maison c’est un enfant comme les autres qui a besoin comme les autres de temps en temps d’un recadrage efficace, rien n’a suffit, au fil des mois punition à répétition, 3 jours d’interdiction d’école, une plainte pour injure alors que croyez moi à la maison les injures sa passe pas, bref ses deux dernières années en école privée, pas une convocation pour nous, pas une punition pour lui, et maintenant une formation en informatique qui lui plait. Alors pour lui la satisfaction d’une scolarité réussie c’est le privé qui lui a offert.

  2. Posté par Duval le

    Bravo pour cet article, je vous rejoins complètement. Prétendre instaurer un salaire au mérite pour les profs est stupide….autant que ceux qui défendent une telle idée. Ces gens sont à côté de la plaque et ne connaissent rien aux réalités du terrain scolaire.

  3. Posté par Cain_Marchenoir le

    @Jean-Baptiste: en effet, d’un côté mieux vaudrait éviter les affres de la formation, mais de l’autre, sans cela nombre de portes se ferment….Je pense qu’il ne s’agit pas de fuir cette formation mais plutôt que les responsables prennent le dossier à bras le corps et qu’ils fassent évoluer ce cursus vers quelque chose d’utile et de bon….
    Pour le reste, il est évident que les enseignants dans le privé sont soumis à une certaine concurrence que dans le public nous n’avons pas…Je vous rejoins sur ce point.

  4. Posté par Jean-Baptiste Aegerter le

    M. Marchenoir défend son gagne-pain, c’est normal. Ce que Philippe voulait dire sans doute c’est que les enseignants du privé sont soumis à une concurrence que les enseignants du public ne connaissent pas. Concurrence fondée sur le postulat que les parents ne sont pas des idiots, savent ce que peut être une instruction réussie et en veulent pour leur argent.
    Quant aux exigences, M. Marchenoir, à vous en lire, mieux vaut éviter les affres de la formation qui mène au public.

  5. Posté par Cain_Marchenoir le

    @Philippe: Simple question: de quoi va dépendre le degré de satisfaction des parents dans une école privée? Des notes? Et de quelles notes? Celles obtenues dans le cadre de l’école privée en question ou celles obtenues par exemple au niveau de la certification fédérale?
    Vous oubliez aussi que les exigences pour être enseignants dans le privé ou dans le public ne sont pas les mêmes….
    Enfin, j’aimerai bien savoir en quoi les enseignants sont des « dieux vivants » selon vous, ça ça m’intéresse…

  6. Posté par Philippe le

    Dans les écoles privées c’est bel et bien une évaluation indirect des professeurs qui est de mise, si les parents sont satisfait ils laissent leurs enfants dans le même établissement, en cas de diminution des effectifs une remise en cause de tout les profs sera nécessaire.
    Mais dans l’école publique, on ne bouscule pas des dieux vivant assis tout en haut de leur piédestal..vous plaisantez j’espère .

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