Quand une révolution chasse l’autre

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
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Que se passe-t-il en Egypte ?

Les Égyptiens sont frustrés et déçus.

Après avoir chassé Hosni Moubarak du pouvoir, leur choix se porta sur Mohamed Morsi, le candidat du Parti de la liberté et de la justice, faire-valoir des Frères musulmans. Le 24 juin 2012, l'Egypte reçut un nouveau président, élu avec 51,73% de voix. Certains en Occident s'en étonnèrent, tous s'en méfièrent. Mais comment un peuple pauvre, sans instruction et dénué d'expérience politique aurait pu faire autrement que d'écouter les conseils du mouvement de résistance historique?

 

De la même façon, côté égyptien la déception est à la hauteur des espoirs - immense. Mais qu'espéraient donc d'autre les électeurs portant au pouvoir un président islamiste? Mohamed Morsi a été prévisible sur toute la ligne.

 

On peut bien sûr justifier ce retournement de l'opinion par l'examen critique de la politique de Morsi, pour peu surprenante fut-elle. Accusé de favoriser son clan et d'islamiser le pays, le pantin des Frères a vite pris le pli du pouvoir en s'octroyant des prérogatives exceptionnelles. L'économie ne va pas bien ; touristes et investisseurs boudent l'Egypte. Le chômage et l'inflation sont en hausse et les pénuries de carburant et d'électricité s'ajoutent à celles des biens de consommation courante. Pour fonctionner, l'Etat n'a rien trouvé de mieux que d'emprunter au FMI.

 

Les drames s'écrivent longtemps à l'avance. Aujourd'hui, alors que Mohamed Morsi n'a accompli qu'un quart de son mandat, les Egyptiens sont dans la rue par millions et réclament le départ de celui qu'ils portaient aux nues la veille. Pour qu'une révolution ait lieu, il faut des jeunes et des estomacs vides ; l'Egypte possède les deux en abondance. Révolution il y aura.

 

Et après?

 

L'Egyptien moyen pense sans doute que là où Mohamed Morsi a échoué, un autre pourrait réussir. Mais qui? En Egypte comme dans la plupart des pays musulmans, le pouvoir se divise en trois factions: les socialo-communistes, auto-proclamés démocrates laïques et éclairés (et qui ont bien sûr droit à tous les honneurs de nos médias occidentaux) ; les islamistes, très présents dans les campagnes conservatrices et dans les couches populaires ; et les nationalistes à travers l'armée et la police, arbitres des deux camps précédents et occasionnellement pourvoyeurs de tyrans ambitieux.

 

Il paraît évident qu'aucun individu issu de ces groupes ne parviendra à sortir l'Egypte du sous-développement, la dictature étant la forme d'organisation la plus élevée qu'ils puissent atteindre. Il existe bien des commerçants, des entrepreneurs et des hommes d'affaires égyptiens, mais les plus doués se sont enfuis pour faire fortune ailleurs et les autres tâchent de rester discrets ou vivent en symbiose avec la corruption en place. Pire, certains des rares brillants esprits locaux ont le mauvais goût de ne pas être musulmans.

 

Les manifestants de la place Tahir et du reste du pays ont beau se réunir par millions, combien d'entre eux comprendraient l'idée que la richesse ne peut naître que de l'individu et de sa liberté? Combien d'entre eux seraient prêts à laisser vivre autrui comme il l'entend et à respecter ses croyances, sa liberté d'expression et un mode de vie différent du leur? Combien accepteraient que leur voisin travailleur et entreprenant s'enrichisse plus qu'eux, même si leur propre condition allait s'améliorant? Combien comprendraient et accepteraient le principe du laissez-faire?

 

Ils ne seraient guère nombreux. Que quelqu'un parvienne à leur passer le message, ils le rejetteraient par conservatisme, piété religieuse, méfiance et conformisme. Voter oui, accepter la diversité des opinions et la liberté des autres, non. Il faut du temps et des échecs pour que les esprits évoluent à l'échelle d'une population.

 

Mohamed Morsi est un coupable facile: ce n'est pas l'homme providentiel qu'il fallait à l'Egypte. Les braves manifestants se mettent donc à la recherche d'un nouvel homme providentiel. Combien de révolutions faudra-t-il pour qu'ils réalisent que leur démarche est erronée?

 

Stéphane Montabert

 
 

4 commentaires

  1. Posté par M.T le

    Il est important de connaître l’histoire. Ceci pour justement ne pas vivre dans le passé mais bien au présent. (quoi qu’évidemment ce dernier s’enfuie)
    De même il est important d’avoir une perspective globale pour justement faire face aux effets négatifs de la mondialisation (impérialisme etc…) sur le local.

    De plus, Jean…j’aime votre commentaire…j’irai juste un peu plus loin en écrivant que les USA seuls ne peuvent ou ne peuvent continuer de diriger le FMI…

  2. Posté par M.T le

    Rrrrévolution ? ou ? C’est une blague ? renseignez-vous un peu aux moins sur l’histoire de l’Egypte, son contexte géo-politique historique…

    De même sur l’utilisation des réseaux sociaux pour déstabiliser un état qui ne souhaite plus faire comme els USA l’entendent…d’ailleurs d’où viennent vraiment ces « réseaux sociaux »…qui sont tout sauf « sociaux »…?

    ….lisez « The Shock Doctrine » de Naomi Klein sera un bon début…cela traite de l’utilisation d’une « crise » pour « reconstruire » à « leur » manière…cela vient entre autre d’illuminés tel Milton Friedman ou autre impérialiste et néo-libéraux Washingtoniens…

    Ca va ? J’ai le droit d’écrire cela sur ce site ? Ce n’est pas trop choquant ? Je ne voudrai pas trop sortir de ce qui est accepté…

  3. Posté par Jean le

    « Pour fonctionner, l’Etat n’a rien trouvé de mieux que d’emprunter au FMI. »

    Parfait, les USA ont réussi leur coup …

  4. Posté par christian roy le

    Ce n’est pas une révolution qui en chasse une autre mais une révolution qui n’est pas finie

Et vous, qu'en pensez vous ?

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