Don d’organes: le Conseil fédéral ne veut pas du consentement présumé

La réponse du Conseil fédéral à l’interpellation du Conseiller national vert zurichois Daniel Vischer.

L'écologiste ne voit pas dans l'humain une espèce à protéger, qui s'est joint à divers radicaux pour exiger que le consentement de tout citoyen suisse soit présumé en situation de don d'organes. Sachant qu'il faut être à la fois assez sec pour être déclaré mort cliniquement mais encore assez frais pour en pas gâter la marchandise, l'exercice peut s'avérer assez délicat devant la détermination du corps médical de ramener un quidam à la vie au risque de perdre tous ces beaux organes, gratuits, certes, mais dont la greffe se paie comptant.

Pour les réfractaires, l'interpellation Vischer aurait presque induit un passage chez le notaire afin d'être tout à fait sûrs de ne pas être poussés dans le Styx de façon inopinée. Du coup le Conseil fédéral hésite, on le comprend.

"Le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion que le modèle du consentement présumé ne produit pas les effets escomptés. Il recommande donc aux chambres de renoncer à son introduction.

Le modèle du consentement présumé est en principe conforme à la Constitution s'il revêt la forme d'un modèle d'information au sens large. Dans un arrêt de 1997 (ATF 123 I 112), le Tribunal fédéral a en effet précisé que, dans l'hypothèse de l'introduction d'un tel modèle, la population en général, et les proches en particulier, devraient être informés de manière spécifique sur leur droit d'opposition au prélèvement d'organes: "L'information du public constitue, dans ce domaine extrêmement sensible qui touche aux convictions profondes de chaque individu, un élément essentiel sans lequel le système du consentement présumé perd sa légitimité. A cet égard, la simple publication de la norme au moment de son adoption, puis sa parution au recueil officiel, n'apparaissent pas comme des mesures suffisantes à elles seules. En d'autres termes, on ne saurait inférer du silence de l'intéressé qu'il consent à un prélèvement d'organes, s'il n'a pas été suffisamment informé que son silence pouvait être interprété comme un consentement. Le passage du consentement explicite au consentement présumé n'est dès lors envisageable qu'à condition d'être accompagné de mesures d'information spécifiques et adéquates de la population."

Selon le Tribunal fédéral, le silence ne saurait donc valoir comme consentement au prélèvement d'organes qu'à la condition d'avoir fait l'objet d'une information préalable. Un tel système exigerait une information complète, précise et régulière de la population; il devrait garantir que cette information atteigne toutes les couches de la population et qu'elle soit en particulier comprise par les personnes parlant une langue étrangère. Il supposerait par ailleurs la création d'un registre des refus, car les personnes qui ne souhaitent pas faire don de leurs organes doivent pouvoir consigner ce refus d'une façon qui leur assure qu'il sera respecté après leur mort.

Il s'ensuit que le modèle du consentement présumé, lorsqu'il est mis en oeuvre de la façon envisagée par le Tribunal et qu'il est lié à une information adéquate, n'implique pas l'obligation de se prononcer.

La Confédération souscrit à un principe de neutralité qui lui interdit d'encourager activement la décision individuelle de devenir donneur d'organes. L'Etat doit rester neutre sur cette question et respecter tous les choix individuels. Le don d'organes ne saurait être un devoir. Le modèle du consentement présumé respecte lui aussi toutes les décisions individuelles en matière de don d'organes. De ce point de vue, le Conseil fédéral estime que son introduction ne signifierait pas l'abandon du principe de neutralité."

Sauvé de la boucherie par "les personnes parlant une langue étrangère", on ne pouvait rêver mieux. Il y a tant d'autres domaines où la Confédération devrait s'en tenir à cette sage et précieuse neutralité d'opinion.

 

Source

 

Bonus: l'indémodable Organ donor des Monty Python (sensibles s'abstenir)

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