Immigration de masse: les Suisses condamnés à l’exil?

Extraits des débats parlementaires.

Où l'on voit les Verts reconnaître que l'immigration poserait quelques petits problèmes... tout en déclarant que lever le pied nuirait à notre économie, cherchez la logique.

Solution ? des "mesures d'accompagnement" et... supprimer la concurrence fiscale, comme si la cause était là...

"Thorens Goumaz Adèle (G, VD): Le groupe des Verts rejette l'initiative populaire "contre l'immigration de masse". Celle-ci veut réintroduire des plafonds annuels à l'immigration, ainsi que des contingents pour les autorisations de séjour en Suisse. Le groupe des Verts ne nie pas le fait que les Accords de libre circulation des personnes et les mouvements migratoires qu'ils suscitent soient à l'origine d'une série de tensions sur le marché du travail, sur le marché du logement ou dans le domaine des transports. Ces tensions sont avérées et peuvent même prendre une forme aigüe dans certaines régions. Cependant, la solution prônée par cette initiative n'est pas la bonne et créerait même des difficultés plus importantes pour la Suisse, le remède étant en dernière instance pire que le mal.

L'initiative "contre l'immigration de masse" est en particulier incompatible avec l'Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne. Son acceptation remettrait dès lors en cause les accords bilatéraux qui nous lient à l'Europe avec des conséquences désastreuses, tant pour notre économie que pour nos relations avec nos voisins.

[...] C'est d'un tel développement durable de notre économie et non de contingents tout droit sortis des années 1970 dont nous avons besoin pour réduire les tensions autour de la pression démographique et des mouvements migratoires - des mouvements dont la Suisse a toujours eu besoin pour appuyer sa croissance et qui contribuent en outre à la richesse et à la diversité de notre tissu social."

Les années 1970, ce n'est pas quand la Suisse allait bien ?

Le PLR se veut défaitiste, voire alarmiste:

"Ribaux Alain (RL, NE): Les temps ont changé; on n'est plus en 1291. Espérer aujourd'hui que "la Suisse gère de manière autonome l'immigration des étrangers" est vain, creux, passéiste. C'est laisser penser que notre pays est un îlot à part, à l'abri des flux mondiaux de tous ordres. C'est laisser penser qu'il peut évoluer en toute indépendance et en autarcie. 

Comment peut-on laisser croire à la population que l'Union européenne, avec ses 500 millions d'habitants, a plus besoin de la Suisse que l'inverse? Comment laisser imaginer au peuple que des restrictions à la libre circulation des personnes n'auraient pas des conséquences dramatiques dans une foule de domaines et notamment sur nos exportations? Comment seulement imaginer une seconde que les autres accords bilatéraux d'une importance vitale pour notre pays survivraient à une acceptation de l'initiative?

Notre pays ne peut pas se permettre de dire oui à cette dernière. Il ne faut pas jouer avec le feu. La prospérité actuelle de la Suisse est presque miraculeuse dans une Europe en pleine déprime. Elle doit évidemment être attribuée dans une substantielle mesure, aux accords bilatéraux, y compris celui sur la libre circulation des personnes. Le bon taux de chômage confirme d'ailleurs que l'afflux n'a pas une influence significative sur ce point.

[...] Le groupe libéral-radical admet en revanche qu'un élément doit être relativisé: le flux migratoire ne va pas sauver l'AVS et l'AI. Pire, le répit actuel donne l'illusion que la situation est sous contrôle et ne fait ainsi que reporter les indispensables mesures destinées à consolider, pour les générations futures, ces deux assurances.

Enfin, le groupe libéral-radical ne nie pas que l'immigration aujourd'hui est forte et que les conséquences sont de nature à inquiéter. Des réponses sont et doivent être amenées en matière de pression sur les salaires, de pression sur le coût du logement, de pression sur l'utilisation du sol, sur les infrastructures routières et ferroviaires. Il y a une inquiétude à cet égard dans la population, des réponses doivent être données, en nuance et de manière multifactorielle, mais pas avec cette initiative."

Considérer que ne rien changer peut constituer une réponse vraisemblable à apporter aux inquiétudes de la population tient de la douce illusion, quant à s'inquiéter du sort tragique qui attendrait notre économie en cas d'acceptation ne sert de rien au vu du massacre des fleurons de notre économie bancaire que l'UE s'apprête à opérer; et puis on nous a déjà fait le coup de l'Apocalypse en 1992 et il s'est passé l'inverse, moralité...

Le PS éreinte les contingents mais est bien forcé d'admettre, une fois n'est pas coutume, la dure réalité de l'immigration. Solution proposée ? des "mesures d'accompagnement renforcées":

"Amarelle Cesla (S, VD): L'initiative populaire "contre l'immigration de masse" se caractérise surtout par le retour au régime des contingents. La proposition consiste à revenir 50 ans en arrière et à oublier toutes les leçons du passé.  

[...] Le risque que l'UDC parvienne à faire passer cette initiative est bien réel, et j'aimerais ici émettre un avertissement. Monsieur Rutz, nous ne masquons pas la réalité, bien au contraire: il y a aujourd'hui un malaise profond au sein de la population. Les cantons métropolitains et frontaliers - d'où je proviens - sont en effet depuis plus d'une dizaine d'années confrontés à d'importants défis relatifs à la gestion de la croissance démographique et économique. Ces cantons souffrent de problèmes en lien avec les infrastructures, les logements et la sous-enchère salariale. Il est vrai qu'au cours de ces onze dernières années, la population suisse a augmenté de 0,9 pour cent par an, contre 0,6 pour cent dans les années 1990 et 0,8 pour cent dans les années 1980. Mais les problèmes actuels relèvent bien plus d'un attentisme politique irresponsable et de mauvais choix de promotion économique, axés sur l'implantation massive d'entreprises étrangères, que de l'augmentation du solde migratoire.

[...] L'agitation que le Conseil fédéral a lui-même provoquée autour de l'activation de la clause de sauvegarde - qui ne concerne que 1000 à 3000 permis B par an face aux 58 000 permis B obtenus par exemple en 2013 -, illustre d'ailleurs bien son manque d'ambition en la matière. Face aux enjeux à venir, cet attentisme risque fort de les affecter. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste appelle toutes les forces politiques qui ont conscience de l'enjeu et du danger que représente cette initiative de mettre en place des mesures d'accompagnement renforcées dans le domaine de la formation, de la sous-enchère sociale et salariale, du logement et des infrastructures.

Nous vous demandons évidemment de recommander le rejet de cette initiative."

A ces mots l'UDC Céline Amaudruz cravache:

"Amaudruz Céline (V, GE): Vous indiquez que c'est l'immigration, la libre circulation qui fait la prospérité d'un pays alors que clairement c'est la prospérité qui crée une immigration. Pourriez-vous alors m'expliquer pourquoi aujourd'hui l'immigration ne pourrait pas créer la prospérité de la Grèce, du Portugal ou de l'Espagne, et pourquoi elle continue de venir en Suisse?"

Voilà qui n'est pas mal envoyé, s'ensuit une réplique:

"Amarelle Cesla (S, VD): Les spécialistes - puisque vous niez aux spécialistes une certaine compétence - ne sont pas très au clair pour savoir si la migration est une cause ou un effet de la croissance; ça, c'est vrai. Mais il est tout à fait clair que toute l'histoire migratoire a démontré que lorsqu'il y a de la croissance, on importe de la main-d'oeuvre, et lors d'une récession, il y a moins d'étrangers.

En 1941, le taux d'étrangers en Suisse était de 4 pour cent: la récession était très forte, on se trouvait dans une économie de guerre, et il y avait très peu de travail pour les étrangers en Suisse. C'est la raison pour laquelle nous plaidons - je ne voudrais pas qu'il y ait un malentendu là-dessus - pour qu'il y ait une vraie prise en compte des besoins de la population suisse, en matière de formation notamment. Comme il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée en Suisse, on fait venir des gens au lieu d'utiliser la main-d'oeuvre disponible en Suisse.

 Amaudruz Céline (V, GE): Dès l'école primaire, les instituteurs enseignent aux élèves les rudiments de la géographie de la Suisse. A cet âge, quel aspect de ces leçons frappe peut-être le plus les jeunes esprits? Pour les élèves vivant dans des agglomérations, ce sont tout particulièrement les paysages idylliques illustrant les manuels qui les enchantent et qui leur permettent de faire une pause dans l'apprentissage, par exemple, des principaux affluents de l'Aar. 

Un aspect marque toutefois tous les élèves où qu'ils résident, c'est, vous l'aurez deviné, la modeste superficie de notre pays. Lorsqu'ils découvrent la place de la Suisse sur une sphère qui représente le globe terrestre, les enfants, surpris, comparent souvent notre pays à un confetti tant il est vrai que de nombreux Etats ont une superficie supérieure à celle de la Suisse. De retour dans les pages des manuels consacrés à la Suisse, les élèves peuvent lire que les deux tiers de la population suisse se concentrent sur le plateau où la densité de 450 habitants par kilomètre carré est parmi les plus élevées au monde.

C'est en gardant à l'esprit ce cadre géographique particulier qu'il faut discuter de notre politique d'immigration. Or, pour pouvoir définir sa politique d'immigration, la Suisse doit se réapproprier les moyens de contrôler l'immigration, qu'elle a aliénés en ratifiant des traités internationaux. En matière d'immigration, affirmer que les Etats déterminent librement et souverainement leur politique peut sembler un lieu commun. Pour la Suisse, qui a perdu tout contrôle sur l'immigration, ce n'est pas un lieu commun. La fin de la clause de sauvegarde permettra aux 503 millions d'habitants des Etats membres de l'Union européenne de s'établir en Suisse pour échapper à la faillite des modèles économiques de leurs Etats respectifs, tout en bénéficiant par la même occasion de la générosité de nos assurances sociales.

L'initiative populaire "contre l'immigration de masse" a passablement été diabolisée dans les médias, alors qu'elle entend simplement donner à la Suisse les moyens de gérer de façon autonome son immigration, et cela, sans qu'aucun traité puisse priver notre Etat de sa compétence régalienne en matière de gestion de l'immigration. Car, contrairement à ce que voudrait nous faire croire le Conseil fédéral, le tableau n'est pas rose; il serait même plutôt noir.

Au lieu de nous rappeler qu'en dix ans, 650 000 personnes sont venues s'établir en Suisse, je souhaiterais évoquer la situation à laquelle fait face mon canton: entre 2000 et 2012, le canton de Genève a vu sa population croître de près de 60 000 personnes, et la cause n'est pas un soudain baby-boom, mais le solde migratoire. Jamais les spécialistes n'avaient envisagé un tel développement démographique. En 1999, l'Office fédéral de la statistique avait établi diverses projections démographiques. Le scénario prévoyant la hausse la plus forte tablait sur 3100 habitants de plus par an et estimait que le canton de Genève compterait 465 000 habitants en 2020. L'immigration massive a donc fait mentir les spécialistes, ce nombre de 465 000 habitants ayant été dépassé fin 2011.

Les effets de cette immigration massive sont ressentis par la population dans de nombreux domaines. En matière de logement, l'immigration entraîne, comme cela a été démontré dans une étude de la BNS, une hausse du prix des loyers. Entre 2002 et 2012, les loyers ont presque doublé à Genève. La principale victime de l'immigration de masse est la classe moyenne, qui, trop riche pour bénéficier de l'aide étatique et trop pauvre pour accéder à la propriété à Genève, se voit contrainte de partir, principalement en France. C'est ainsi que, dans l'impossibilité de se loger à Genève, plus de 30 000 Suisses ont quitté le canton entre 2000 et 2012.

Voilà ce que crée l'immigration de masse et ce qu'elle engendre comme conséquence pour les Suisses: l'exil.

La libre circulation des personnes et l'immigration massive qui en résulte ne profitent pas aux Genevois qui continuent à pâtir d'un taux de chômage sensiblement plus élevé que la moyenne suisse, victimes d'une concurrence sans pitié sur le marché du travail.

A la problématique de la sous-enchère salariale, s'ajoute celle de la surreprésentation des étrangers parmi les bénéficiaires de prestations de nos institutions sociales. A Genève, les étrangers inscrits au chômage sont plus nombreux que les Suisses. En matière de criminalité également, il faut oser affronter la vérité en face. Les prisons suisses hébergent plus de 80 pour cent d'étrangers en détention préventive et deux tiers d'étrangers en exécution de peine. A Genève, le taux d'étrangers en détention préventive grimpe même à 91,3 pour cent. Ces chiffres concernant les prisons ne sont que le reflet de la surreprésentation des étrangers parmi les prévenus selon le Code pénal, selon la loi sur les stupéfiants et selon d'autres normes pénales comme tout un chacun peut le constater en consultant la statistique policière et de la criminalité.

Aucune personne de bonne foi ne peut ignorer le problème posé par une immigration non maîtrisée. Faut-il construire à un rythme plus soutenu? faire tourner les bétonneuses jour et nuit pour loger le flux de migrants que l'on veut imposer? L'habitat et les infrastructures progressent déjà de 0,9 mètre carré par seconde. N'est-ce pas suffisant? Le peuple qui a démontré encore tout récemment son attachement au paysage acceptera-t-il d'urbaniser d'avantage un territoire relativement petit et densément peuplé pour permettre la poursuite de la politique irresponsable du laisser-faire du Conseil fédéral en matière d'immigration.

Notre économie n'a pas besoin de cette immigration de masse ruineuse qui pèse et pèsera toujours d'avantage sur nos infrastructures, nos assurances sociales, tout en exigeant des effectifs policiers et des places de détention supplémentaires.

Le succès de la Suisse, c'est la stabilité de ses institutions, sa démocratie directe, sa fiscalité, sa productivité, sa paix du travail."

Plus loin, le socialiste Fridez, grand défenseur du salarié jurassien victime de dumping s'égare dans une diatribe alambiquée. Le Dumping ? Certainement pas la faute au frontalier mais... aux patron, forcément, et à l'UDC jurassienne...

"Fridez Pierre-Alain (S, JU): Je vais immédiatement lever un suspens insoutenable et vous donner ma position concernant cette initiative: je ne la soutiendrai pas.

Premièrement, la question des frontaliers: les initiants demandent clairement que le nombre des travailleurs frontaliers soit intégré dans le calcul des contingents annuels qu'ils réclament. C'est vrai, dans les régions frontalières comme le Jura, que je représente ici, cette question est importante. C'est un sujet chaud, un véritable problème. Des frontaliers travaillent en masse dans nos usines. On assiste à une discrimination à l'embauche des travailleurs résidant sur sol suisse par rapport aux frontaliers. Il y a des salaires de misère, des cas de dumping salarial, des gens laissés sur le bord de la route. Sans surprise, le Parti UDC du canton du Jura surfe sur ce thème avec un coupable tout trouvé lancé en pâture à la vindicte populaire: le frontalier. Pétitions, initiatives populaires cantonales, on ne lésine pas sur les moyens et cela marche! Le sentiment antifrontalier se développe.

Mais, dès qu'il est question d'aborder les vraies solutions, comme l'instauration de salaires minimaux, le renforcement des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, notamment des contrôles renforcés pour éviter le dumping salarial, la généralisation des conventions collectives, la gauche se retrouve bien seule. Les travailleurs frontaliers exercent une pression vers le bas sur les salaires. Ils ont souvent des salaires de misère, 3500 ou 3000 francs par mois, parfois moins. Mais, ce sont les employeurs qui sont à l'origine de cette situation. Si des frontaliers travaillent dans nos usines, c'est bien parce qu'ils ont été engagés par des patrons de chez nous qui réussissent ainsi à économiser sur les charges salariales. Comment jeter la pierre à un travailleur frontalier qui obtient un travail en Suisse payé deux fois le SMIC?

[...] Le deuxième sujet porte sur la question des assurances sociales. L'immigration est une aubaine pour la Suisse, car l'évolution démographique de notre pays est problématique. Du sang neuf et jeune est un plus indéniable. Ces nouveaux venus travaillent, payent des cotisations sociales et surtout payent plus qu'ils ne reçoivent de prestations. Il est faux de dire que les immigrés représentent un danger pour la Suisse. La diversité est toujours une richesse."

 

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