La Course des Canards… Sans Tête

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

Dimanche, le Front de gauche était dans la rue avec à sa tête Mélenchon, l’imprécateur, dont l’ambition consiste à faire vivre à gauche de la gauche une entité politique symétrique de ce qu’est le Front National pour la droite. Une différence saute au yeux. Si le PS condamne les propos excessifs et le manque de réalisme de Mélenchon, il souhaite ne pas briser les liens avec l’extrême-gauche. Cette absence de symétrie doit être soulignée.

L’UMP continue à vouloir obtenir les voix du Front National, mais repousse avec horreur tout rapprochement. Ensuite, dans le vide sidéral de cette agence de placement électoral, les calculs personnels font jouer le curseur de la distance. Il y a ceux qui se sentent plus proches du PS que du FN, ceux qui se réfugient dans le ni-ni, ceux qui font des clins d’œil au goûter, mais ne mangent pas de ce pain-là, ceux enfin qui plagient pour siphonner. Si les idées l’emportaient sur les tactiques électorales, il semble évident que les questions de la famille, de la nation, de la place de l’Etat dans la société opposent la gauche à la droite : la présence d’élus de tous les partis de droite dans les manifestations contre le mariage unisexe le montrait clairement. L’Europe est le seul sujet qui sépare réellement les deux centres de leurs extrêmes, parce qu’il oppose les technocrates aux populistes. Il y a donc un retour à la logique d’un système électoral à deux tours : quatre partis, deux à gauche, deux à droite au premier tour et regroupement des voix en faveur de celui arrivé en tête pour le second tour. Comme l’UDI ne recrée pas l’UDF, et que l’UMP ne veut pas, quels que soient les signaux de Copé, redevenir le RPR, le FN risque bien de prendre la place du mouvement créé par Chirac. Marine Le Pen ne dérape pas, son discours devient plus sérieux. Elle quitte peut-être la logique de la boutique pour celle du pouvoir. Toute la droite devrait en prendre conscience.

A gauche, les accords du second tour sont habituels. C’est pourquoi Mélenchon a intérêt à les rendre plus difficiles pour exister. On a donc un personnage qui remplit parfaitement la fonction tribunitienne, le pouvoir de la parole qui ne peut devenir la parole du pouvoir. On a assisté dimanche à une résurrection, celle d’une gauche marxiste, gauchiste, ivre de nostalgie dans un monde qu’elle ne comprend plus et dont elle pense résoudre les problèmes par ses incantations et ses rites. Une sorte de canard sans tête continuant sa course en ignorant le réel d’une planète où le rôle de la France et de l’Europe s’est rabougri, d’un pays où l’industrie s’est effondrée, d’un monde où la compétitivité est essentielle. Il lui fallait une tête d’emprunt qui s’appelle Mélenchon, trop intelligent pour croire un mot de sa propre démagogie, assez malin pour jouer le rôle à la perfection. Du foulard rouge à la brutalité des formules, la caricature est réussie.

Mais, sur des voies parallèles la course des canards sans tête est ouverte. La machine électorale créée par Chirac pour lui permettre de conquérir le pouvoir, pour n’en rien faire, continue mécaniquement à attendre de l’échec de la gauche, c’est-à-dire celui du pays, la reconquête des territoires perdus, l’installation de nouvelles baronnies sur les fiefs déchus du PS, et à nouveau l’investissement des palais de la République. Une fois encore, on parle de remettre en cause les 35 heures, de rétablir la sécurité, et même de revoir la loi sur le mariage pour n’importe qui. Comme le PaCS, sans doute ? Après dix ans de pouvoir, le même discours qu’en 2002 ! Voilà un canard qui cherche sa tête, et elles sont nombreuses à revendiquer cet honneur inutile. Sur la piste de gauche, le canard à deux têtes, celle du P comme protectionniste et celle du S comme social-démocrate, celle qui pourfend la finance et taxe à tout va le matin, et celle qui privatise et chouchoute les patrons le soir. Il continue, sa tête présidentielle devenue invisible et imprévisible, à cancaner un discours de plus en plus distant de la réalité, prétendant améliorer une situation qui se dégrade de jour en jour par le respect d’un programme qu’il respecte de moins en moins. Reste le vilain petit canard noir que la gauche juge infréquentable, elle qui fréquente les admirateurs de Castro et de Chavez, et que la droite fait semblant d’ignorer alors qu’il l’obsède. Lui persiste à penser qu’il peut gagner tout seul. Où a-t-il donc la tête ? Seul, il fera perdurer la maison familiale. Avec d’autres, il pourrait contribuer au changement radical dont la France a besoin. Les centaines de milliers de manifestants qui ont lancé un grand mouvement de résistance contre la décadence de la civilisation et le déclin du pays ne souhaitent ni que leur élan soit récupéré, ni qu’il se réduise à une revendication mi-chêvre mi-chou. Ils veulent que leur appel au redressement soit entendu. Pour cela, il faut que les politiques retrouvent leur tête et cessent de prendre leurs électeurs et enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages.

Christian Vanneste

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.