Après le Boulet Cahuzac, la Bouée de la Moralisation

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire
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La complaisance de certains journalistes les amène à traiter sérieusement le dernier sketch présidentiel : « on a perdu la morale». Selon eux, faisant d’un mal un bien, il pourrait enfin se saisir de la barre et sauver le bateau dans la tempête. Tout est cependant réuni pour le faire sombrer dans le ridicule.

D’abord, les éléments se sont déchaînés dans le dé à coudre gouvernemental, pas dans le pays. Ensuite, personne d’autre que le Président soi-même n’a choisi le vent mauvais qu’il a subi. Sa volonté tardive de jouer les nettoyeurs s’accompagne de deux manoeuvres : la première consiste à raccrocher à Cahuzac, chargé de tous les maux du socialisme, toutes les affaires de « droite » précédentes et impunies ( Ô Tempora, Ô Mores), et la seconde à méconnaître les procédures à l’encontre de grands féodaux du PS, qui dans le Pas-de-Calais ou les Bouches-du-Rhône ont, comme par hasard été parmi ses plus fidèles soutiens. Avec un Premier Ministre et un premier secrétaire du PS, déjà condamnés, il est vrai que la République exemplaire naviguait en eaux troubles. Mais la gauche,disant haut et fort qu’elle n’aime pas les riches et combat la finance, jouit d’une sorte d’immunité idéologique, de virginité inaltérable : la droite est intrinsèquement corrompue, la gauche ne connaît que des accidents individuels. Cahuzac, c’est le renégat dont l’affaire se situe dans une succession où la Justice ne mettait pas son nez, du temps de la droite. Pour un peu, on lui donnerait le bénéfice de l’enquête, au commissaire Hollande ! Telle est la plus efficace publicité mensongère du marché politique !

La gauche, c’est un désir de justice toujours insatisfait, une faim d’égalité jamais rassasiée, une soif d’avenir et de progrès que rien ne parvient à étancher. La gauche mène un combat moral autant que politique. Pendant un temps pour complaire davantage à ses nouveaux fiefs parisiens, elle avait préféré « éthique », plus branché, plus jeune et plus raffiné. La morale, çà faisait vieux jeu, çà sentait la sacristie, çà mélangeait une vision conservatrice des mœurs et les valeurs en marche. Dans le domaine des mœurs, le progrès peut tout permettre, comme on le pense parfois dans les hôtels de New-York et d’ailleurs. L’éthique, c’est plus personnel, çà permet de jouer le thème socialiste de la générosité et les variations des avancées sociales et sociétales. Moral, çà faisait penser à « ordre moral » : l’horreur absolue ! Et parce que le Ministre du Budget chargé de lutter contre la fraude était un fraudeur et qu’il a menti, les vieilles notions de la morale la plus ancienne sont de retour : faut pas voler, faut pas mentir ! Le désordre immoral après DSK et avec Cahuzac était au cœur du PS. Voilà notre Président condamné à suivre Peillon et à faire un cours de morale aux Français. Il était venu pour réduire le chômage et relancer la croissance. Il va moraliser la vie politique.

Comment va-t-il s’y prendre ? A l’extérieur, la guerre aux paradis fiscaux ! Mais s’il y a des paradis, c’est peut-être que les bonnes intentions fiscales de la social-démocratie française ont pavé l’enfer de notre fiscalité. D’ailleurs, l’Eden est à nos portes, en Europe, dans l’Union Européenne, dans les enclaves si accueillantes pour les banques et les casinos, dans les dépendances insulaires de la couronne britannique. Il y a fort à parier que pas plus que son prédécesseur qui l’avait proclamé, Hollande ne fermera les portes des paradis dont la vertu première est la mobilité. A l’intérieur, c’est un festival de vieilles recettes, de petits coups politiciens et de politique de Gribouille. Pour les recettes de la mère Chirac, il y a la triade habituelle : un problème qui agite l’actualité, une loi, une autorité indépendante, comme si les élus ne devaient légiférer que sur les patates chaudes pour les refiler à des gens qui ont le mérite de ne pas être élus et à des administrations dites « indépendantes » qui vont doubler celles qui devaient déjà être neutres. Certaines activités seront interdites aux élus pour éviter les conflits d’intérêts. Cela évitera des situations connues notamment par des membres de la majorité précédente. Mais il ne faut pas que cela renforce la présence des fonctionnaires, si nombreux à gauche, au détriment des professions indépendantes et donc de la droite. Enfin la création d’un Parquet spécialisé au sein d’une justice déjà lente et inefficace, faute de moyens est-elle opportune ? De même, l’instauration d’une nouvelle Autorité Indépendante, en plus de la Commission de la Transparence déjà existante, ne se fera pas sans accroître les dépenses de l’Etat. La solution existait depuis qu’en Novembre 2010, l’excellent député socialiste René Dosière et moi avions remis un rapport sur les Autorités Administratives Indépendantes à la Commission d’Evaluation et de Contrôle de l’Assemblée Nationale. Dans celui-ci nous dénoncions l’inflation des « autorités » : plus de 40 ! Nous pointions le risque d’une captation du pouvoir par des instances non représentatives et un risque de démembrement de l’Etat. Mais, surtout nous proposions, non des créations supplémentaires, mais des regroupements et parfois des élargissements. C’est ainsi que notre 11ème recommandation visait à créer une Haute autorité chargée de la transparence de la vie politique. Celle-ci aurait regroupé la Commission nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques, la Commission chargée du contrôle de l’élection présidentielle, la Commission des Sondages, la Commission pour la Transparence Financière de la Vie Politique et le contrôle des processus électoraux. Le Président de la République s’il n’avait cédé à la précipitation et au réflexe aurait pu saisir l’opportunité de la situation pour mettre en œuvre cette proposition. Mais il fallait un coup dont le coût importe peu puisqu’il s’agit d’empêcher l’esquif présidentiel de couler à la sortie du port. Il fallait de la morale, coûte que coûte, pour sauver le moral de l’équipage.

Christian Vanneste

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