Mühleberg triomphe devant la justice…

Bruno Pellaud
Bruno Pellaud
Physicien
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Le Tribunal fédéral (TF) annule le verdict du Tribunal administratif fédéral (TAF), qui avait en mars 2012 limité l’autorisation d’exploitation de cette centrale nucléaire au 28 juin prochain. Le propriétaire de la centrale, les Forces motrices bernoises (FMB) obtient gain de cause sur toute la ligne, nous dit l’ATS. Le TF s’est prononcé à une majorité de quatre juges contre un(e), alors qu’au TAF, c’était la voix du juge PDC qui avait fourni le trois contre deux.

Le TAF se fait taper sur les doigts pour abus patent d'autorité et pour avoir ignoré des principes fondamentaux de séparation des pouvoirs:

  1. Ce n'est pas le rôle des juges de passer des jugements techniques et d'en tirer des conclusions hâtives et superficielles. Vices de forme peut-être, mais pas la substance technique.
  1. Le législateur a assigné à une organisation indépendante la responsabilité de statuer sur la sécurité des installations nucléaires, l'Inspection fédérale de la sûreté nucléaire. Ce n'est pas le rôle du TAF de proposer qu'un service régulier de l'Administration fédérale se prononce sur les mêmes sujets, en contredisant le cas échéant les conclusions de l'IFSN.

En mars 2012, le soussigné avait analysé en détail les tenants et aboutissants de la décision du TAF, en démontrant que celle-ci n'avait pas tellement une dimension nucléaire, mais avant tout une dimension juridique et institutionnelle. ("Mühleberg ou la saga des juges apprentis sorciers"¸ à rechercher sur le site des Observateurs.ch avec un mot-clé, p.ex. Mühleberg, saga ou TAF). Hans-Björn Püttgen de l’École polytechnique de Lausanne avait parlé à juste titre "de crise institutionnelle grave". L'article posait la question: " Mais question de simple citoyen: dans le cas de Mühleberg, comment un tribunal administratif peut-il sur des bases juridiques abstraites contester une expertise technique d’un inspectorat relevant du Conseil fédéral?". Et j'ajoutais: " En plus de la technique, il y a au TAF les néophytes de l’économie. Ils estiment si élevé le coût des améliorations que le TAF souhaite lui-même imposer que seule une prolongation importante de l’autorisation d’exploitation pourrait permettre de les amortir, une prolongation que le TAF veut manifestement empêcher."

L'article concluait: "La réorganisation des instances juridiques de la Confédération a semble-t-il conduit à une vaste zone grise quant à la séparation des pouvoirs de l’État, avec un zèle excessif de la part des juges à empiéter sur les plates-bandes de l’exécutif et même du législatif."

Bravo au Tribunal fédéral d'avoir remis de l'ordre dans nos institutions judiciaires. A chacun son métier. La pérennité de ces institutions est en fait plus importante que l'autorisation illimitée d'exploitation de la centrale de Mühleberg. Bien évidemment, parlons technique ad infinitum, si vous le voulez, mais sans les juges apprentis sorciers!

Bruno Pellaud est l'auteur du livre "Nucléaires: Relançons le débat" aux Éditions Favre SA paru il y a quelques mois.

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