Hollande: quand on a rien à dire, il ne faut pas parler

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France
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Hollande est dans la nasse, avec une politique qui ne donne pas de résultats, un pays abaissé, des électeurs déçus, un pays plus que jamais polarisé, une légitimité ébranlée, mais il n’a rien à dire, rien à proposer.
Il est évident qu’il paie le prix d’une élection mensongère, fondée sur un déni de réalité. Séduire n’est pas produire.
Il faut une France plus forte, un Président plus Président, il faut décréter l’état d’urgence car la situation est catastrophique. La victoire du clan des suicidaires est une infamie.

Il y a une règle de base de la communication: quand on n'a rien à dire, il ne faut pas parler.

C'est cette règle qui conduit les grands communicants comme Mac Do, par exemple, à créer des produits, des événements, afin d'avoir de bonnes raisons de s'exprimer. Ils vendent toujours la même chose, du fast food, mais à chaque fois,  ils donnent l'impression de proposer quelque chose de neuf. Ils étonnent, ils séduisent. La communication qui consiste simplement à mettre en scène le locuteur, cela ne marche pas.

Nous ne citerons que quelques commentaires afin de montrer le bien fondé de notre jugement:

- La presse française critique « le manque d'audace »

- Elle juge « fade » la prestation de Hollande

- Elle déplore « le manque d'annonces fracassantes »

- L'exercice de « pédagogie soigneusement préparé par les experts de l'Elysée a semblé tourner à vide ».

Voilà pour l’essentiel, l'intervention, est, il faut le dire, un échec.

Le Président n'avait rien à dire, voilà le premier et terrible constat.

Avait-il au moins un message personnel à nous faire passer? Voulait-il reconnaître qu'il avait,  certes, échoué, mais qu'il avait compris et qu'il allait changer? Non!

Non, car il n'y a pas eu de message fort, politique, ni même  politicien. Aucune analyse de la division des Français, aucune explication proposée sur la coupure entre le Pouvoir -si on ose employer ce terme– et le pays. Pas question de recentrage, de présidentialisation, de reprise en mains, de changements d'équipe. Hollande est dans la nasse, avec une politique qui ne donne pas de résultats, un pays abaissé, des électeurs déçus, un pays plus que jamais polarisé,  une légitimité ébranlée, mais il n'a rien à dire, rien à proposer.

Il est évident qu'il paie le prix d'une élection mensongère, fondée sur un déni de réalité. Séduire n'est pas produire. Collectionner les minorités ne fait pas une majorité. Il est incapable de trouver le fil, le fil conducteur logique, qui permettrait de renouer, de raccorder les promesses d'avant l'élection, à la misérable situation présente.

Il ne peut, ou ne veut s'excuser, d'avoir menti, mais plus grave, il est incapable de se porter en avant, de s'élever par l'audace et l'initiative au-dessus des contradictions de son élection. La seule solution aurait été le dépassement, l'Aufhebung.

Au lieu de dépassement -élévation- il a choisi l'abaissement, la régression dans le « bricolage»!

Quelle incroyable erreur de communication que cette comparaison avec « la boîte à outils ». Elle est étroite, étriquée, dévalorisante de la fonction. Les clous de cette boîte à outils clouent le Président de la France sur la croix de la médiocrité. Cela est pire que le Président normal, beaucoup plus grave. Le Président normal était une erreur colossale d'imbéciles intoxiqués par leur propre propagande sur l'égalité et autres balivernes, d'imbéciles qui n'ont rien compris à la nature du Pouvoir, et voila qu'ils font plus que récidiver, ils enfoncent le clou du petit bricolage.

Le Président, sous l'angle de la psychologie personnelle, pas celle du café du commerce, est prisonnier au plus profond  de son complexe, de son nœud œdipien ; il refuse, ne peut assumer le rôle du père. Il récuse la Loi dont il devrait être, non pas l'ordonnateur, mais le médiateur. Il ne peut choisir, entériner un statut castrateur certes puisque détruisant des possibles, mais libérateur pour l'action. On retrouve la structure qui conduit à soutenir le mariage homosexuel, à nier les différences, à nier l'institution du mariage comme choix définitif qui prive de toutes les autres femmes, c'est à dire de la mère. Le mariage comme renoncement à la toute puissance infantile.

Unité profonde des socialistes et du socialisme, on retrouve la même structure enfouie chez DSK.

Le problème du Président avec la Présidence, c'est le problème du Père, le problème de la triangulation. Pas étonnant que les anti-œdipe se retrouvent de ce côté. Le message électoral de Hollande, c'était et il continue: regardes maman comme je suis beau, brillant, j'ai fait l'ENA et maintenant je suis président. Président avec un petit «  p ».

Les Français savaient depuis de nombreux mois que le Président n'était pas à la hauteur de la situation, il est venu, lui-même le leur confirmer. Etait-ce bien nécessaire? Bien sûr que non.

On attendait de la hauteur, de la présidentialisation et on a eu une profession de foi de médiocrité, d'humilité. Hollande a peur des coups, il se couche de peur de monter au créneau et d'en recevoir.

Profil bas, tel était le choix. Un choix qui correspond à une personnalité, à une identité.

On mesure l'incroyable erreur de la fameuse innovation politique française: les primaires partisanes.

Elles sont étriquées, elles désignent des chefs de partis qui se placent au centre de leur petit échiquier politique partisan. Elles sont incapables de désigner des Présidents pour la France entière.

Les primaires, c'est le règne des magouilles, des petites séductions, des combines. Comment retrouver la hauteur à partir de tant de bassesses? Comment passer de la fange au piédestal?

Un Président n'est pas un chef de parti, c'est quelqu'un qui a compris quelque chose de la France, des courants qui la traversent, quelqu'un qui, à un moment donné, est en phase avec le pays. Ce n'est pas un bateleur. Or, des primaires, à  droite comme à gauche, cela ne peut que désigner des clowns de cour d'école. Le  futur Président doit s'imposer aux Français, pas aux partis, pas aux factions.

C'est la négation de la fonction et la garantie de sa dépréciation que d'organiser des primaires pour désigner les futurs candidats. Surtout en période crise où il faut unir,  réunir, vite, très vite, afin de bénéficier de la légitimité fragile et éphémère de l'élection. Le candidat ne doit pas avoir à changer de costume, troquer son petit costume partisan étriqué contre la tenue de vrai Président, il n'en a pas le temps. Et dire que la droite, qui n'a ni idée ni analyse, s'apprête à imiter la gauche sur ce point des primaires.

Psychologiquement, Hollande n'est pas Président, il ne sent pas plus Président que Sarkozy à ses débuts, voila le constat, un constat qui fait peur. Il n'a pas de vision, pas de conviction, sa parole est vide, elle n'est capable que d'égrener un catalogue. Ah, cette mode des 110 propositions pour ceci et des 20 mesures pour cela, cette mode qui escamote les articulations logiques de la pensée et de l'action. Cette mode ENAniste de l'analyse positive qui permet de réussir le concours du plus médiocre lèche-botte! Cette mode, qui nie le réel, le saucissonne sans comprendre, sans effleurer son unité profonde, dialectique, contradictoire, mais vivante. Hollande  manie la pensée morte, celle qu'on lui a appris et qui explique la déchéance du pays, sa coupure d'avec la réalité, la division de son peuple.

Un constat qui fait peur car la situation est grave, et là, nous nous plaçons sur le plan extérieur.

La situation est tellement grave que nous exhortons les partis, les commentateurs, les médias, à bien réfléchir avant de tirer sur l'ambulance.

Au sein de l'Europe, il y avait un mythe, celui du couple franco-allemand. Un attelage qui, sinon s'équilibrait, du moins se neutralisait dans ses vices et ses dérives. Dérive laxiste, hédoniste, infantile pour la France, dérive autoritaire du peine à jouir pour l'Allemagne. En clair, il y avait d'un côté la rigueur névrotique allemande, laquelle débouche sur l'austérité éternelle et, de l'autre, le perpétuel attrait de la facilité, du refus du choix et des limites des Français. Et cet attelage formait, en quelque sorte, les béquilles de l'Europe, de cet infirme, né infirme,  qui prétendait courir et jouer dans la cour des grands. Le couple s'est séparé, l'ensemble boite. L'Allemagne, laissée à ses démons de flagellation... des autres, a tiré l'attelage de son côté, elle a gagné. Elle a gagné, la France a perdu.

Lors du dossier chypriote, les pays du Nord ont imposé leur vue. L'aide, l'entraide, coûte cher, il faut que cela cesse, il faut que les soi-disant coupables paient et peinent. Donc, chaque système bancaire doit se sauver, en interne, en bail-in. Le temps des bail-out est fini. Voilà ce que signifie l'affaire chypriote. On avait esquissé cela lors du refus allemand de prendre en compte, de mutualiser les erreurs bancaires du passé, on a franchi une étape. Le rêve de croissance dans l'austérité, le rêve de la solidarité, tous ces rêves infantiles ont été balayés par la coalition de la Finlande et de l'Allemagne. La honte, la claque, la voix de la France avec son Président normal et ses 30% de popularité, n'a pas été écoutée, inaudible. La réalité est que ce qui s'est passé ces dernières semaines, c'est le ravalement de la France au rang de puissance secondaire, périphérique, au rang de mendiant d'un ultime délai  pour continuer à  s'acheter sa drogue sociale,  à financer sa dérive, sa déchéance à crédit.

Il faut une France plus forte, un Président plus Président, il faut décréter l'état d'urgence car la situation est catastrophique. La victoire du clan des suicidaires est une infamie. C'est la victoire des forces de mort, d'abaissement, de déclin, sur ce qui subsiste de forces de vie, de dynamisme, en Europe. C'est la victoire de la bourgeoisie vieillissante de la pire espèce sur les jeunes, sur les groupes sociaux qui incarnent le possible renouveau.

Il faut faire de Hollande un vrai Président, le forcer à monter sur le pavois, le forcer à entrer dans l'arène afin qu'il dise aux Allemands: non. Pas nein, non, en français.

Ou vous faites machine arrière, ou nous sortons. Il faut relever la tête.

L'Allemagne use et abuse. Elle détourne les règles du non-jeu à son profit.

- Elle est la seule à avoir un chômage plus faible qu'avant la crise

- Elle bénéficie d'un euro faible grâce à la situation des éclopés européens

- Elle bénéficie des largesses de la BCE, laquelle utilise l'alibi des difficultés des périphériques pour soutenir les banques allemandes, pourtant en faillite comme les autres.

La France dispose de l'arme atomique, c'est plus qu'une image, ce n'est pas un hasard si elle a été voulue par De Gaulle qui, lui,  n'avait pas de problème d'œdipe mal résolu. Pour peu qu'elle ait un Président, tout juste un peu crédible, il lui suffit de dire: c'est assez. De faire comprendre aux Allemands que la culpabilisation, c'est fini, que la France relève la tête. Nous sommes dans le géopolitique, dans l'histoire, pas dans la petite cuisine française dont on est médiocrement si fier. C'est dans pareil sursaut que réside l'unité nationale et c'est dans ce mouvement que se retrouvent la fierté d'abord, la volonté ensuite.

 

 

 

 

6 commentaires

  1. Posté par Pierre Decaillet le

    Hollande c’est comme un enfant, quand il ne fait pas bruit c’est qu’il est en train de faire une bêtise.

  2. Posté par Lafayette le

    Il fut Elu par le hasard du calendrier politique. RIP

  3. Posté par Bruno Bertez le

    @Jan Marejko
    Vous soulevez un problème que nous rencontrons tous, gens de bonne volonté non extrémistes . Dénoncer le déni est sinon perçu , du moins catalogué comme extrémiste. A partir de la , le processus de diabolisation peut commencer , lequel rend ou tente de rendre nulle et non avenue l’analyse. Je pense qu’il est important de réfléchir sur ce sujet. Qu’est ce qui fait que le mensonge réussit mieux que la Vérité, qu’est ce qui fait que la diabolisation fonctionne dans nos sociètés?
    Pour ma part ayant beaucoup réfléchi sur ces questions j’essaie de gommer , d’escamoter de mes textes les références idéologiques. J’essaie de partir du visible , de ce qui se donne incontestablement à voir et que l’on ne peut contester. Au lieu d’utiliser les références idéologiques je préfère poser comme référence la Société Civile et les auteurs « inoffensifs »et les opposer aux idéologues , en particulier étatistes. J’apprécie sous cet aspect la démarche de Raymond Aron , il a partiellement réussi à résoudre le problème que nous évoquons. Il faut, me semble -t ‘il introduire la démarche sociologique plutot que l’économique.
    J’essaie d’utiliser des concepts moins sulfureux que ceux dont on se sert habituellement. Je pense qu’en progressant et travaillant , on peut explorer d’autres voies comme l’humour , la dérision , la démontration par l’absurde. L’ennui est qu’il faut du temps et que quelquefois les émotions ou la révolte perturbent la sérénité nécessaire à l’efficacité.

  4. Posté par Jan Marejko le

    Bruno Bertez nous donne ici le meilleur commentaire qui ait été fait sur l’intervention de François Hollande. L’expression de « déni de réalité » est pertinente au plus haut point. Le problème est qu’aussitôt que, pour parler comme Freud, le principe de réalité est pris en compte, cela fait de vous un extrémiste de droite.

  5. Posté par bruno bertez le

    Merci de votre clin d’oeil et de votre sourire.
    Merci également de rappeler la référence au mythe ;
    laquelle n’est absolument pas ma référence dans le texte .
    Ma référence est Lacanienne , articulée autour de la Loi , de la distinction entre le symbolique et l’imaginaire. Plus fondamentale car constitutive du Sujet , mais moins imagée et analogique que celle du mythe et de Freud….14 ans de psychanalyse didactique , cela marque un homme!

  6. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Merci pour votre brillante et pertinente analyse. Toutefois, en évoquant Œdipe, vous semblez ignorer les fondements du Mythe. Ses racines. Obscures, et éclairantes! Jugez-en. Laios a abusé d’un jeune homme, le conduisant au suicide! Cette faille relationnelle aura des conséquences! L’oracle les dit, sans mentionner la faute. Ton fils sera cause d’emmerdements sans fin! L’enfant parait! Quelle meilleure prévention que de le faire bousiller par un autre? Etc etc. Et ceci, non pas pour échapper à la condamnation d’un acte passé, mais pour éviter que se réalisent les paroles de l’oracle! Ensuite Œdipe tue son père, mais il ignore que c’est son père! Puis il devient héros et on lui offre sa mère, qu’il épouse. Mais il ignore qu’elle est sa mère! Comment est-il possible que cette ignorance soit ignorée? Est-ce à dire que nous, lecteurs du mythe, en soyons les acteurs? En marge, les paroles du Christ, « Je suis dans le père et le père est en moi ».

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