« La famille, c’est la différence des sexes »

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Intérêt de l’enfant: La Garde des Sceaux de la République française s’est fermement opposée à l’adoption homosexuelle… en 1998.

Elisabeth Guigou, Assemblée nationale, le 3 novembre 1998:

« Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, mais bien plus que cela : c’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes ; c’est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. La famille c’est aussi la promesse et la venue de l’enfant. Celui-ci nous inscrit dans une histoire qui n’a pas commencé avec nous et qui ne se terminera pas avec nous.

 

[...] Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice et constitutive de l’humanité, de sa survie, est celui de la filiation. Voilà pourquoi le PACS ne légifère pas sur l’enfant et la famille. Voilà pourquoi, en raison de ces choix faits en toute connaissance de cause, le pacte concerne le couple et lui seul. Voilà la réalité du texte dont nous discutons.

Les opposants au PACS, qui ne se contentent pas de cette réalité, agitent des menaces. En premier lieu, le pacte serait dangereux pour le mariage ! Mais, mesdames, messieurs les députés, vous savez bien que ce n’est pas le PACS qui est dangereux pour le mariage.

 

[...] Dans le pacte, pas de célébration, pas de solennité, pas de devoir de fidélité, pas de volonté de s’inscrire dans une histoire familiale commune.

 

[...] Le choix a été fait de dissocier pacte et famille. Car lorsqu’on légifère sur la famille, on légifère forcément aussi sur l’enfant. Or le PACS ne change rien au droit actuel de la famille, car la seule cohabitation de deux individus, pacte ou non, ne fait pas une famille. C’est donc volontairement que le PACS restera sans effet sur les règles de la filiation, de l’autorité parentale et sur les droits de l’enfant.

 

[...] L’enfant est pour moi un souci absolument prioritaire.

 

[...] Parce que notre société ne protège pas assez les droits de l’enfant, parce que notre société, en même temps qu’elle proclame l’enfant roi, soumet trop souvent celui-ci au désir de l’adulte, pour toutes ces raisons, j’ai mis en place un groupe de travail sur le droit de la famille, dont je souhaite que les travaux soient abordés sous l’angle fondamental de la relation de l’enfant, et d’abord de l’enfant, avec ses parents.

Un enfant a droit à un père et une mère. Ce droit de l’enfant ne peut dépendre du statut juridique du couple de ses parents. Vous le savez d’ailleurs comme moi : la situation de l’enfant légitime qui vit avec ses deux parents est plus proche de la situation de l’enfant naturel qui, lui aussi, vit avec ses deux parents que de celle de l’enfant légitime de deux parents divorcés ou séparés. C’est au regard de ces évolutions récentes que je souhaite voir étudiées les règles de la filiation, de l’autorité parentale et les droits de l’enfant, et non au regard d’un contrat qui n’a aucune conséquence sur la parenté et sur la filiation.

 

[...] Les droits de l’enfant doivent être consolidés, et ce quelle que soit la situation juridique du couple de ses parents, il est légitime de porter un seul regard − je dis bien : un seul regard − sur la situation des enfants, que leurs parents soient ou non mariés, qu’ils soient engagés dans un PACS ou simples concubins. Et c’est bien parce que le PACS ne peut, en tant que tel, traiter de la filiation ou de l’autorité parentale qu’il importe de traiter par ailleurs ces très importants sujets.

Enfin, certains voient dans le pacte une autre menace : celui-ci ne serait qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels.

Ceux qui le prétendent sont libres d’exprimer leur opinion personnelle. Ils n’engagent
qu’eux-mêmes. Le Gouvernement a voulu, je l’ai dit, par un choix réfléchi et déterminé, que le pacte ne concerne pas la famille. Comment pourrait-il, dans ce cas, avoir un effet sur la filiation ? Sur ce sujet, je veux être parfaitement claire. Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix.

Mais je dis avec la plus grande fermeté : ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. Un couple, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas de droit à avoir un enfant, en dehors de la procréation naturelle, bien entendu, qui, elle, implique nécessairement un homme et une femme.

Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont été l’occasion de tracer les limites du droit à l’enfant comme source de bonheur individualiste. Elles ont clairement indiqué − et je partage ce point de vue − que les procréations médicalement assistées ont pour seul objet de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple composé d’un homme et d’une femme. Elles n’ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant.

 

[...] Je reconnais aussi que des homosexuels doivent continuer à s’occuper des enfants qu’ils ont eus avec un partenaire de sexe différent, même s’ils vivent ensuite avec un compagnon ou une compagne de même sexe. Ce disant, j’affirme que la paternité ou la maternité confère des obligations qui ne peuvent cesser.

Mais une chose est de maintenir un lien de parenté déjà constitué entre parents et enfants, autre chose est de permettre, en vertu de la loi, l’établissement d’un lien ex nihilo entre un enfant et deux adultes homosexuels.

Dans le premier cas, celui de la parenté constituée par la procréation naturelle, il s’agit d’une solution conforme à l’intérêt de l’enfant qui a le droit de conserver son père et sa mère lorsque ses parents se séparent, quels que soient les motifs de cette séparation ou l’orientation sexuelle postérieure des adultes ; dans le second cas, il s’agirait de créer de toutes pièces, par le droit, une mauvaise solution.

Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut, mesdames et messieurs les députés, ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes.

 

[...] Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant et du sens de cette identité : « Qu’est que cela signifie pour moi d’être un homme, d’être une femme ? »

Je soutiens, comme de nombreux psychanalystes et psychiatres, qu’un enfant a besoin pour sa structuration psychique, sociale et relationnelle d’avoir face à lui pendant sa croissance un modèle de l’altérité sexuelle, un référent homme et un référent femme.

 

[...] Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption.

Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels − vous l’avez compris, mesdames, messieurs les députés − est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité. C’est ce point de vue que je prends en considération et non celui des couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je n’ignore pas non plus les procès d’intention quant à un éventuel « après » de cette proposition de loi, qui préparerait des évolutions plus fondamentales de notre droit.

Ce texte, a-t-on pu lire ici ou là, serait une valise à double fond. Je veux m’élever avec la plus grande énergie contre de telles insinuations. Les mots, je crois, ont un sens et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Bien au contraire, le débat que nous allons avoir doit être conduit en toute clarté et je souhaite que mes mises au point y contribuent. Ce qui est en discussion aujourd’hui, c’est un texte de douze articles, qui permettra d’offrir des droits nouveaux à deux personnes ayant fait un choix de vie commune, pas plus, pas moins. Je vous demande de vous prononcer sur ce texte réel et non sur je ne sais quelle évolution ou quel hypothétique projet virtuel. Je laisse ces conjectures à ceux qui se complaisent dans les fantasmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) » Source 3 novembre 1998, 2e séance, dès p. 7945 (extrait vidéo, et ici).

 

2013

A François Fillon qui, le 30 janvier 2013, rappelait ces mêmes propos, l'ancienne Garde des Sceaux Elisabeth Guigou, aujourd'hui députée de Seine-Saint-Denis, lui a fait cette réponse: « Or qu’ai-je entendu ? Des attaques incessantes contre la garde des sceaux, qui m’ont rappelé la tonalité de nos débats il y a quinze ans ! Des amalgames odieux ! Et même un ancien Premier ministre tout à l’heure a osé, comme d’autres avant lui, instrumentaliser mes propos !

 

[...] Le débat actuel est différent ; il épouse les évolutions de la société (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), il faut savoir regarder en face la réalité des familles homoparentales…

 

[...] Il faut admettre la situation douloureuse de ces couples de plus en plus nombreux, hétérosexuels ou homosexuels, qui élèvent un enfant mais dont un seul des deux membres est un lien juridique avec lui, soit qu’il l’ait conçu biologiquement, soit qu’il l’ait adopté en étant célibataire.

 

[...] Il est vrai qu’au sujet de l’adoption, j’ai beaucoup réfléchi, et j’ai hésité. Et pourquoi ai-je évolué ? Justement parce que j’ai considéré le droit des enfants, l’intérêt des enfants.

 

[...]  Si nous voulons protéger ces enfants de la violence de séparations qui leur sont imposées, il faut permettre la permanence du lien entre ces enfants et les deux parents qui les élèvent.

Oui, c’est eu égard à l’intérêt et au droit des enfants que je soutiens, madame la garde des sceaux, le texte que vous nous présentez, car il protège davantage ces enfants élevés dans des familles homoparentales ou des familles recomposées.

Il faut dire aussi que notre droit autorisait une certaine hypocrisie : un célibataire pouvait adopter, mais pas un couple de même sexe, alors même qu’un couple est un gage de stabilité.

J’ai toujours considéré que les enfants pouvaient être aussi bien – ou aussi mal – élevés par un couple homosexuel que par un couple hétérosexuel. Mais ce qui m’a déterminée au bout du compte, c’est que votre projet de loi n’annule pas la différence des sexes, qui est fondamentale. » Source 30 janvier 2013, 2e séance

 

En 1998, l'intérêt de l'enfant était son « droit de  conserver son père et sa mère lorsque ses parents se séparent », son « droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité », son droit « à un père et une mère » et cet intérêt fondait le refus de la Garde des Sceaux « de l’adoption pour des couples homosexuels » ou « des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant ». En 2013, l'intérêt de l'enfant est devenu son droit à être protégé de « la violence de séparations ». L'on détruit les institutions puis l'on se taille un argument des conséquences de cette destruction.

En 1998, la « seule cohabitation de deux individus » ne faisait « pas une famille », la famille était « bien plus que cela:  l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes ». Madame la garde des Sceaux s'insurgeait « avec la plus grande fermeté » contre les allégations de la droite selon lesquels le Pacs ne serait « qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels », et « l’établissement d’un lien ex nihilo entre un enfant et deux adultes homosexuels » serait revenu à « créer de toutes pièces, par le droit, une mauvaise solution », ce même droit qui ne saurait « ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes ». En 2013, l'absence de ce lien ex nihilo (élevé au rang de fait accompli « de plus en plus nombreux »), dans un couple homosexuel « dont un seul des deux membres est un lien juridique » avec l'enfant, est devenu une « situation douloureuse ». Ces deux « adultes homosexuels » sont devenus « les deux parents ». Les familles qui méritent la protection de l'Etat sont, désormais, dans l'ordre, les « familles homoparentales, les familles recomposées ». "Familles" homoparentales dont il faut admettre aujourd'hui la « réalité » qui n'était que « conjectures » et « fantasmes » de la droite hier.

Le mot de la fin sera à M. Hervé Mariton, Député de la 3e circonscription de la Drôme : « Voilà le reniement ! Le changement, c’est maintenant ! »

Ils mentent, et l'on ne peut se comporter avec des menteurs comme avec des hommes d'honneur. Il faut faire force.

 

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[youtube A53Ay9mGw4c]

Voir encore:

Christine Boutin en prophète

 

Voir aussi

François Fillon: « Jamais, nous disait-on ! »

Un commentaire

  1. Posté par Reinhardt le

    Un enfant doit avoir un père et une mère. Ni deux pères ou deux mères.
    Vers quelle société le PS veut-il nous diriger. Ils sont devenus fous ma parole.
    Honte à tote la clique

Et vous, qu'en pensez vous ?

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