Cochon de payant !

Suzette Sandoz
Suzette Sandoz
Prof. honoraire UNIL
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Le saviez-vous ? Le psychodrame récent de la taxe au sac a pour origine la révision, en 1996, de la loi sur la protection des eaux, révision dont le but premier était de permettre à la Confédération de faire des économies.

La preuve ? La Feuille Fédérale (1996, p. 1215ss) est très claire à ce sujet : « … La Confédération a du retard dans le paiement des subventions…. Et les restrictions budgétaires de la Confédération laissent prévoir de nouvelles diminutions des subventions. En dépit de tous ces obstacles, le financement à long terme de la protection des eaux et de l’élimination des déchets doit être garanti … Au lieu de remplacer les subventions de la Confédération par des redevances fédérales sur les eaux usées et les déchets, le projet prévoit de faire payer les responsables : le principe de causalité tel qu’il est énoncé en termes généraux dans la loi sur la protection de l’environnement est repris par la loi sur la protection des eaux. De plus, le projet concrétise ce principe dans chacune des lois susmentionnées en l’appliquant au financement de l’élimination des déchets et de l’évacuation des eaux ».

Petite annexe

Le projet révisé de la loi sur les eaux comportait une petite annexe incluant l’art. 32a de la loi sur la protection de l’environnement, article qui est la justification de la taxe au sac et de la taxe de base et qui n’a fait l’objet d’aucuns débats quelconques ni au Conseil des Etats, ni au Conseil National. On a donc passé, sans sourciller, du financement global des mesures de protection de l’environnement à un financement spécial, justifié par le principe de causalité, et ce, à propos de la protection des eaux, et, accessoirement – mais sans que les parlementaires s’en préoccupent particulièrement – à propos de l’enlèvement des déchets. Le tout, moins pour un motif réel d’incitation à la prise de conscience des questions d’environnement que parce que la Confédération manquait d’argent. En résumé, la Confédération passait la patate chaude de l’exécution aux Cantons pour qu’ils la refilent aux « pollueurs ».

Cette préoccupation principalement budgétaire explique sans doute pourquoi on n’arrive pas à créer un véritable enthousiasme écologique quand il s’agit d’introduire la taxe au sac, mais elle explique encore mieux pourquoi on n’a pas hésité, dans la même Feuille Fédérale (p. 1233) à chercher des fonds complémentaires en faisant payer une taxe de base à un nombre éventuellement restreint de personnes qu’elles polluent ou non – cela simplifie et allège la procédure – mais supposées riches, en prévoyant par exemple qu’« une partie des taxes serait perçue sous forme de charges de préférence (contribution sur la propriété foncière proportionnelle à la taille de l’habitation, par exemple) » (p. 1233). Et le tour est joué : on a sous la main un nombre précis de propriétaires immobiliers dont les bâtiments sont évidemment à l’origine de toute pollution ; ces propriétaires n’ont qu’à payer la taxe en fonction du volume de leur construction et essayer d’adapter, le cas échéant, leurs baux, pour la transférer à leurs éventuels locataires.

Taillable et corvéable

Au fait, les termes officiels cités ci-dessus « taille de l’habitation » concernent-ils le volume total construit ou seulement la taille du logement ? Le texte allemand dit « Wohnungsgrösse ». Un doute subsiste. Il est clair pourtant que le volume des caves et des greniers – qui ne sont pas à proprement parler des logements – n’est pas celui qui pollue le plus. Au mieux confère-t-il une âme aux maisons, ce qui contribue souvent au charme d’une localité et ne saurait évidemment être taxé selon le principe pollueur-payeur. Quant au jardin qui entoure parfois ces maisons, les déchets produits sont compostables et, lors des tailles importantes, apportés à la décharge aux frais directs – c’est normal – du propriétaire qui n’a donc pas de raison de payer deux fois.

Pour aider Cantons et Communes à choisir les victimes de la taxe de base, l’Office fédéral de la protection de l’environnement, des forêts et du paysage a élaboré, dès 2001, 61 pages de directives dont la lecture est édifiante.
De cette petite histoire vraie de l’origine des différentes taxes d’enlèvement des déchets, on peut tirer rapidement quatre conclusions :

1) les taxes de base en relation avec l’enlèvement des déchets obéissent plus à une préoccupation financière qu’à un véritable souci de l’environnement ; elles sont donc moins des taxes correspondant à des services que des impôts déguisés ;

2) dans la mesure où elles sont plus un impôt déguisé qu’une vraie taxe, elles doivent obéir à une certaine justice fiscale et frapper le plus grand nombre possible de contribuables;

3) la taxe au sac, elle, correspond parfaitement au principe de causalité. En tant que telle, elle ne justifie donc aucun allègement des pollueurs concernés et les mesures sociales et restitutions généralisées prévues par les règlements communaux ne font qu’accentuer l’injustice fiscale de la taxe de base ; seules peuvent être tolérées des mesures très ponctuelles d’aide sociale en relation avec la taxe au sac ;

4) le mécanisme fédéral institué par l’enlèvement des déchets (une loi fédérale, des directives d’un office fédéral, une exécution cantonale) est aussi celui de la loi sur l’aménagement du territoire soumise à référendum le 3 mars. Une bonne raison d’y voter NON.

Suzette Sandoz

Un commentaire

  1. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Je vois les choses de manière simpliste, j’en convient. Je les voit du bas d’une instruction lacunaire et d’une culture déficiente. J’imagine que beaucoup de tâches impliquent la collectivité. Dont l’évacuation et l’élimination des déchets. Autrement chacun devrait avoir sa peite usine d’incinération, sa station d’épuration des eaux, son puits, son usine électrique. Et son école! Etc. Partant de là je peut admettre que l’Etat est une organisation nécessaire. Et qu’il recoive les moyens d’assumer ses missions. Mais, chose curieuse, plus la bureaucratie se développe plus les moyens manquent pour les taches primaires. Je reviens à la taxe au sac. Pourquoi alors ne pas taxer les déchets jetés dans les poubelles publiques!

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